- Parfois elle récite des listes de nombres ou des vers, comme elle l'a fait avec vous, mais elle semble vraiment absente, presque délirante. Que dois-je faire quand ça arrive ?
- Rien de particulier, sinon la rassurer. Le problème est qu'elle n'a visiblement jamais parlé de tout ça. Ce n'est pas très surprenant, beaucoup de survivants de cette génération se sont reconstruits par omission. Mais la résilience a ses limites. Il faut qu'elle libère sa mémoire... Il n'est jamais trop tard !
(P.78 - Evelyne au médecin de l'hôpital où Lisa a été admise suite à un malaise)
"Elle ne pense pas du tout qu'Eichmann puisse être disculpé. Mais elle s'attache à démontrer que des milliers de gens ordinaires ont participé au système, en organisant ou en commettant des actes d'une cruauté paroxystique qui leur semblaient pourtant anodins. En fait, elle questionne la responsabilité individuelle, tout en essayant de comprendre comment elle s'inscrit dans un tout."
Un témoignage n’est jamais un gage d’authenticité. C’est une déclaration subjective de ce qu’on a vu, entendu, vécu ou perçu.
"J'ai longtemps été persuadée qu'aucun d'entre eux ne nous avait dénoncées, mais en vérité je n'en sais rien. L'âme humaine est si imprévisible..."
...
Lisa comprit que Simone ne luttait plus et prit conscience par la même occasion qu'il n'y avait aucune issue : elles étaient toutes là pour mourir. Cette vision de sa propre mort, qui lui apparut en une pensée lucide, nette et tranchante, comme la certitude d'un vif état de conscience, la déchira. Rares étaient celles qui gardaient le moral. Certaines étaient si lasses qu'elles espéraient même chaque soir que le mort les fauche pendant leur sommeil, d'autres préféraient décider du moment où elles courraient à la rencontre des balles, d'autres enfin sombraient dans la folie. Lisa fut de celles-là.
(P138-139 Éditions du Seuil)
"Au début des années 2000, j'ai participé à une mission internationale sur les "voix de la Shoah" que menait un collègue israélien, par ailleurs passionné de plongée. Il comparait toujours le processus de témoignage à une exploration sous-marine : il faut "égaliser" la pression avant de descendre vers les profondeurs mémorielles et "égaliser" à nouveau avant de remonter en surface."
Elle restent ainsi silencieuses, tendrement enlacées, sous les frondaisons du grand sycomore, sous la lente course des nuages de ce jour sans vent et sous l’infini du ciel.
- […] Mais un témoignage n’est jamais un gage d’authenticité. C’est une déclaration subjective de ce qu’on a vu, entendu, vécu ou perçu.
Petite Lisa savait bien ce qui se passait, mais elle se refusait à envisager la réalité. Elle imaginait Auschwitz comme un terrible monstre, à peine enfoui dans la vase des marécages maléfiques qu'il avait choisis pour tanière, attendant que ses sbires le repaissent de chair humaine.....
"S'engage ensuite une conversation délicate sur les Juifs qui ont été obligés de travailler dans les camps, comme le docteur Aron à Drancy ou le docteur Samuel à Auschwitz. Muriel explique que pour économiser des fonds et ds hommes, le système concentrationnaire nazi déléguait de nombreuses tâches, dont les plus cruelles, aux victimes elles-mêmes.