© Vidéo : Basil Pollet-Villard et montée par Jean-Nicolas Deniau.
Philippe Pollet-VillardLe naufrage de Stanislas
Lorsque le moteur de son chalutier prend feu, Stanislas Warliss, marin pêcheur en bout de course, cherche à financer la réparation de son bateau en prenant part à des détournements de marchandises sur les camions de fret. Et cela au nez et à la barbe de ses fils gendarmes, avec lesquels il n'a jamais eu beaucoup d'affinités. Mais un jour, l'arnaque tourne mal. Il récupère un colis dans lequel s'est caché Opiyo, un enfant africain clandestin. Stanislas n'a d'autre choix que de tout révéler à sa femme, faisant d'elle sa complice. Ils sont loin d'imaginer que cette rencontre sera le point de départ d'une incroyable aventure humaine qui mènera Stanislas aux frontières du rêve et lui permettra enfin d'élucider une ancienne et douloureuse énigme.
Philippe Pollet-Villard signe avec ce nouveau roman une fable sociale contemporaine haletante où se mêlent drame, sentiments et humour.
+ Lire la suite
Anne-Angèle, à voir la fillette manger tristement, cherche à la rassurer en lui vantant les vertus d’un bon séjour à la campagne. La qualité de l’air, de la nourriture, des contacts humains, qui ne sont pas à mettre dans la balance avec les risques encourus, lorsqu’une guerre tire à sa fin, à vouloir demeurer dans les capitales que l’assaillant, vexé, détruit presque toujours en premier. Anne-Angèle est tentée de raconter à Marie comment se terminent toutes ces sales guerres et comme il leur semblera judicieux, dans quelques semaines, d’avoir fait le choix de s’installer ici ...
Dans un voyage ce n'est pas la destination qui compte mais toujours le chemin parcouru, et les détours surtout. Les détours.Rem à cette époque de son existence avait besoin d'effectuer des détours.
Matesson, avant de partir à Verdun, avait de beaux yeux bleu ciel et que, lorsqu’il en était revenu à moitié débile, son regard s'était voilé d'un gris orageux, qui est aussi la couleur de la poudre à canon.
Ce danger-là est en train de débarquer sur les côtes de Normandie.
Il ne parle pas allemand, mais américain.
Malesson demande à Marie si elle sait comment se comportent les Américains ?
Bien sûr, elle l'ignore.
Eh bien, eux ne rigolent pas. Ils ne rigolent pas parce que ce sont des sauvages dont les principaux loisirs consistent à s'entrainer à tirer sur des bouteilles vides ou à chevaucher des taureaux dont ils nouent les testicules d'un tour de corde pour les rendre fous de douleur.
Mais ce qui frappe avant tout l'enfant, c'est le regard noir de ces dames. Des pupilles qui vous fixent telles deux billes de plomb engagées dans le barillet d'une arme de chair.
Comment font les arbres pour supporter les humains depuis si longtemps ? Comment cet arbre a-t-il réussi à pousser aussi droit en voyant s'agitant sous ses branches tant et tant de générations de petits tordus ?
Elle avait effectivement remarqué les fesses blanches du vieillard les traces de piqûres ratées laissées par sa défunte sœur. Presque autant de cratères qu'à Verdun au lendemain de la mère de toutes les batailles. Un vrai désastre, Mathilde n'aura jamais été douée pour les travaux manuels, elle était drôle et sympathique, c'est sûr mais tellement maladroite.
La famille, pense-t-elle, c'est comme Dieu : en priant, on finit par être convaincu de son existence même si on ne l'a jamais vu.
Oui, je m’en souviens, j’étais content, je ne ratais jamais une occasion de faire chier le monde, je ne ratais jamais une occasion de me blesser ostensiblement. Je rentrais souvent chez moi, la gueule pleine de sang comme on rentre du travail : recroquevillé, studieux, éreinté, parce que j’avais sauté d’une fenêtre et qu’en retombant, ma tête avait tapé sur l’os du genou et que je m’étais déchiré la paupière. Ainsi, je rentrais chez moi en hurlant, l’oeil ouvert, sanguinolent. Ou la main. Oui la main, par exemple, entièrement brûlée, la main, parce que j’avais le feu à un bidon de vernis usagé aux abords de la Fabrique de Souvenirs. Là-bas, je m’en souviens, en bordure de bois à l’angle du préau, face au bâtiment blanc de l’emballage, un feu brûlait constamment dans la cour. Un véritable brasier, un véritable feu. C’était une véritable aubaine ce feu, parce que j’adorais ça, moi, faire du feu. Je me comportais avec le feu comme un enfant, je veux dire, comme on se comporte avec un petit enfant, j’entretenais avec lui une relation quasi-maternelle. J’aimais souffler sur les braises. Ce feu, cette matière-flamme, je lui donnais naissance, je lui fabriquais des cabanes, je m’en souviens, des amalgames de branches, des nids de brindilles, de la poussière de bois, et le feu prenait, généreusement, infiniment, tout. Le feu prenait.
Nous en étions là, comme les riches, à attendre de devoir mourir de quelque chose. Mourir de plaisir n'existe pas, ca ne tue jamais suffisamment.