- "Une ville de papier", Olivier Hodasava, Inculte (Dernière marge)
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Desmond Crothers retrouve Rosamelia à la boutique alors qu’elle est en train de mettre en place un arrivage de carottes. Il lui explique, exalté, le congé, la lune de miel et ce nom de ville qu’il doit inventer. “Tu vois, quand on fabrique une carte, quelle que soit la carte, on ajoute un élément fictif, une ville par exemple, une ville qui n’existe pas. On appelle ça une ville de papier – c’est joli, non, comme terme ? Tu ne trouves pas ? Ou sinon aussi, de façon plus technique, mais c’est moins joli, on appelle ça un copyright trap. On en met sur toutes les cartes, tu vois. Comme ça, si quelqu’un vient à nous copier sans autorisation, il copie aussi notre ville imaginaire et alors on peut le prouver et, si nécessaire, attaquer en justice.
S'il s'agissait de réaliser un film de fiction autour de son personnage, un biopic, il faudrait commencer ainsi : un gros plan sur le visage de celle qui l'incarne, cadré serré. Elle a tout juste 16 ans. C'est encore une enfant. Pommettes rosies par un maquillage malhabile. Visage poupin. Peut-être un peu d'acné. Mais surtout, ce qui saute aux yeux : un air buté, renfrogné ; sourcils fins, froncés, moue boudeuse.
- [...] Je sais, ça paraît étrange mais apparemment jusqu'à l'apparition du numérique, d'Internet, tous les cartographes rajoutaient - de deux doigts repliés, elle marqua des guillemets d'intention - des "erreuds délibérées". Et ce n'était pas seulement vrai pour les cartes du ciel. C'était la même chose pour les cartes routières. La plupart du temps, on ajoutait une ville. Et pour les plans des villes, on ajoutait une rue piege, une rue qui n'existait pas. Aujourd'hui, avec l'informatique, tout ça, je pense que ça n'existe plus mais à l'époque ça avait un sens. C'était une façon comme une autre de se protéger, tu vois. [...] (p. 32)
L'acte fondateur de l'Oucarpo, une réunion de chercheurs, de cartographesn de géographes, d'artistes, devait se tenir sur l'île d'If - avec un nom pareil, l'île tient lieu de paradis pour qui veut se jouer des potentialités.
« Tu vois, quand on fabrique une carte, quelle que soit la carte, on ajoute un élément fictif, une ville par exemple, une ville qui n'existe pas. On appelle ça une ville de papier - c'est joli, non, comme terme ? Tu ne trouves pas ? Ou sinon aussi, de façon plus technique, mais c'est moins joli, on appelle ça un Copyright Trap. On en met sur toutes les cartes, tu vois. Comme ça, si quelqu'un vient à nous copier sans autorisation, il copie aussi notre ville imaginaire et alors on peut le prouver et, si nécessaire, attaquer en justice. Tu sais, c'est la première fois que monsieur Lindbergh propose à quelqu'un de choisir la ville de papier à sa place. Tu te rends compte ! » (p. 16)
La mélancolie, ce n'est pas être nostalgique des choses du passé mais savoir qu'elles ne reviendront plus. Moi, ce qui m'attriste, c'est qu'il y ait tant de choses ou de personnes qui disparaissent et qu'on oublie. Je voudrais que ces gens-là, tout particulièrement, on ne les oublie pas.
Une question les hante : qu'est-ce qui a fait de cette nuit-là une nuit différente des autres nuits, suffisamment en tout cas pour que Janine choisisse de tout arrêter. Ils remontent le fil de leur mémoire, encore et encore. En quête du moindre indice. Jusqu'à ce que ça en devienne physiquement douloureux. Ils s'épuisent à chercher.
Ils culpabilisent de n'avoir rien vu venir et tout autant de ne toujours rien comprendre. Il n'y a plus ni pleurs ni cris, rien qu'un long silence embrumé que seul le fait d'être ensemble rend à peu près supportable. Ils finissent par parler. Ils finissent même par rire. Mais toujours, très vite, survient ce moment où ils se regardent vivre tout en se disant que rien n'est décidément plus comme avant. Janine a disparu. WC3 n'est plus.
Depuis que j’ai découvert cette histoire, je me sens redevable. Enfin, non. Disons que …je ne sais pas si on peut vraiment dire que ça a un rapport direct mais ça me rappelle cette conversation que nous avons eu ce matin, tu sais, sur la mélancolie, et sur cette phrase que j’avais entendue à la radio : la mélancolie, ce n’est pas être nostalgique des choses du passé mais savoir qu’elles ne reviendront plus.
Je ne regardais qu’elle, car le synthé, c’est mon dada. Et elle lui faisait cracher des sons vraiment badass, à sa bécane. Même ses arpèges baroques à la Dave Greenfield sentaient le cuir de motard et la graisse à chaîne. Elle avait un truc avec les machines, déjà.
New York
Je laisse mon esprit vagabonder – je pense à la pochette du premier album solo de Peter Gabriel, celui qui contient « Solsbury Hill ».
Je me souviens avoir lu, quelques semaines plus tôt, que la voiture photographié sous la pluie, sur la fameuse pochette, appartenait à un des graphistes du studio Hipgnosis (rendu célèbre, entre autres, par les pochettes d'albums des Pink Floyd), et que c'était une Lancia Flavia.
La pluie semble ne pas vouloir cesser.
Je frissonne. Mais je ne bouge pas pour autant – je n'arrive pas à me décider.
J'attends.