[...] oui il n’a jamais été aussi facile de trouver de l’information, d’acheter un ouvrage jusqu’ici introuvable, de retrouver une personne que l’on croyait perdue. Mais jamais, jamais les règles qui guident cette apparente facilité n’ont été aussi opaques.
L'une des toutes premières explorations documentaires des adolescents et des jeunes adultes aujourd'hui, ce n'est plus celle d'un document physique ou même numérique : c'est celle de leur subjectivité connectée.
Ceci peut peut-être expliquer un certain nombre de changements, de dysfonctionnements, de naïvetés constatées dans l'approche qu'ont les étudiants et les publics novices du fait documentaire.
Une autre manière de voir les choses est de se dire que c'est là un retour au "Je suis moi-même la matière de mon livre" de Michel de Montaigne.
A cette différence près qu'en s'inscrivant sur Facebook à quinze ans, on n'a que très peu souvent conscience d'entrer en documentation de soi.
Préface
Il n’y a pas d’algorithme, il n’y a que la décision de quelqu’un d’autre.
Si l’on veut agir sur « le numérique » pour en multiplier les effets émancipateurs et limiter l’atteinte aux libertés publiques, il faut être capables de penser ces différents états non plus isolément ou comme une succession linéaire mais comme un faisceau d’interactions en dynamique permanente, C’est-à-dire agir à la fois sur la matérialité des architectures techniques, sur l’impact de nature environnementale de ce que ces architectures dégagent et inaugurent comme écologie de l’esprit, et enfin sur les normes d’usages et de comportements qu’elles modèlent et font converger pour alimenter le grand fleuve de la surveillance comme autant d’affluents dociles et disciplinés
"Tout le monde sait également que sur n'importe quelle question de société ces mêmes plateformes sont capables en quelques instants de déclencher des alertes et des incendies planétaires [...] ou de les mettre aussi promptement sous l'étouffoir dans une hiérarchie qui est d'abord celle des indignations avant d'être celle de l'information. Mais s'indigner sans s'informer ne fabrique qu'une colère rance ; tout comme faire un travail d'information en ayant perdu sa capacité d'indignation revient à taire l'état du monde et de ses urgences, une autre manière de contribuer à sa ruine en espérant pouvoir continuer d'y prélever sa rente."
L'essentiel de nos interactions en ligne se résume souvent à une activité de pousse-bouton, likant ici, repartageant ou retweetant par là. Ce clic relève le plus souvent de l'ordre du pulsionnel, de l'irréfléchi, de l'instinctif. [...] Des clics qui souvent nous fournissent l'excuse commode d'une présence au monde tout en ne nécessitant aucune forme d'engagement et aucun autre coût cognitif que celui d'appuyer sur un bouton que l'on nous présente comme une solution pour nous faire oublier la dissolution de notre capacité d'agir".
Préface
L’algorithme n’existe pas, parce qu’il n’est que le prétexte pour un ensemble de décisions directes des acteurs des plateformes ciblant les communautés des usagers. Dissimulés derrière un apparat de bases de données et de modèles mathématiques, on retrouve le choix humain effectué par les concepteurs des interfaces, la règle de fonctionnement établie par les ingénieurs, la norme implémentée par les services de sécurité, et le référentiel de tarifs adopté par les commerciaux de chaque plateforme.
Identité ou réputation ?
Complément parfois pesant de l'identité numérique, la réputation numérique ou "e-réputation" correspond à ce que l'on dit de moi.
Elle peut également constituer ma "marque" (on parle alors de "personal branding"). Elle est nécessairement subjective et fluctuante.
Reposant sur l'image perçue mais également sur la confiance ou la crédibilité accordée, elle peut se déconstruire aussi rapidement qu'elle est longue à établir et à instaurer.
"L'anonymat affaiblit la pertinence des recherches."
Tel est en tout cas l'argumentaire des moteurs de recherche défendant une personnalisation toujours plus grande des résultats proposés aux internautes et mettant pour cela en avant la nécessité d'activer la conservation de nos historiques de recherche.
Pour bien comprendre cet argumentaire - en partie justifié - il faut prendre connaissance du carré magique des usages, c'est-à-dire des quatre grands types de recherches les plus fréquents sur la planète connectée :
- SHOPPING : les requêtes liées à l'achat en ligne et aux comparatifs de produits
- HEALTH : les requêtes liées à la santé et à la recherche d'un médicament, d'un traitement, d'une posologie
- TRAVEL : les requêtes liées aux voyages, qu'il s'agisse de loisirs ou de déplacements professionnels
- LOCAL : les requêtes dites de recherche locale permettant de trouver un restaurant ou une pharmacie près de chez soi.
Pour chacun de ces quatre macro-comportements, il apparaît en effet nécessaire d'accroître la personnalisation ainsi que les techniques de géolocalisation en amont des recherches.
En grandissant, et comme grandissaient également le nombre de ses utilisateurs et des requêtes quotidiennes, le moteur n’a plus simplement cherché à deviner quelle était la question que nous nous posions pour y apporter la réponse la plus pertinente parce que la plus populaire, mais il est devenu un moteur de « réponses » plus qu’un moteur de « recherche »