- S’inquiéter ne sert à rien.
- Lan, le Code des Gardes n’a pas réponse à tout.
- Il permet d’appréhender au mieux la plupart des épreuves. Seul l’instant présent existe et vivre dans le futur est inutile, car il n’est pas encore survenu. Vivre dans le passé est tout aussi improductif, car ce qui est fait est fait. Rien ne peut le changer. Le présent est tout. Le choix. L’action. Faites ce que vous pensez être juste, Nayla. Emparez-vous de ces instants, provoquez ce que vous voulez vivre, n’hésitez pas. Vivez !
Malgré ses réticences, Kenan eut l’impression que l’engrenage du destin s’était remis en branle et que sa main était coincée à l’intérieur.
-Cette…prophétie est ancienne, n’est-ce pas ? Demanda-t-il à regret. Comment y croire ?
-Comment ne pas y croire ? La Yölma ne ment jamais. Elle est présente dans les os de l’animal-fantôme, elle anime les cubes et parle pour qui sait écouter.
Maintenant qu'il était seul, il ne ressemblait plus au discret officier scientifique. Il était un fauve meurtrier qui pourchassait sa proie.
Tu es la lumière qui va purifier la galaxie, dit-il. Accepte-le. Conduis-les. Ils ont besoin de toi.
La lune blafarde inondait de sa faible lumière les ruines de Tyresfjord. Cette ancienne cité bâtie aux confins du monde, dans le royaume glacé de Vistdäl, abritait des secrets enfouis depuis des millénaires. Une fois de plus, le sang avait coulé sur son sol. Une fois encore, un combat important pour l’avenir des Hommes s’y était déroulé. Et une fois encore, la civilisation y avait subi un échec cuisant.
-Jarl, voici l’homme que tu voulais voir.
Le Vïstyan éclata d’un rire tonitruant.
-Kenan Daïn ! Merde de phoque ! Kenan Daïn ! J’aurais dû savoir que c’était toi ! Il n’existe aucun autre Ysaldin avec autant de couilles !
Qui a dit que l'être humain était intelligent. Le commun des mortels est toujours prêt à accepter un mensonge enjôleur et sécurisant plutôt que de s'opposer à une vérité dangereuse et perturbatrice.
Les machines avaient la particularité de ne pas chercher à la piéger. Les machines ne massacraient personne de leur propre initiative. Les humains, en revanche, pouvaient être des monstres.
Les images de la destruction d'Alima refusaient de laisser Nayla Kaertan en paix. Les morts calcinés, tragiques formes tordues et hurlantes, semblaient lever des mains suppliantes vers elle, l'implorant de les venger. Le sol de la planète s'embrasait sous l'impact des tirs lywar et même depuis l'espace, elle entendait les hurlements des suppliciés. Devant elle, se tenait le responsable de ce génocide, le colonel Devor Milar, appelé la main écarlate de Dieu. Cet homme était un monstre qui méritait mille fois la mort. Cet homme était son ami.
Les yeux résolument clos, elle sentit le regard du moine glisser sur elle, ainsi que cette désagréable impression d’être disséquée par un insecte répugnant.