AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Maylis de Kerangal (881)


Que deviendra l'amour de Juliette une fois que le cœur de Simon recommencera à battre dans un corps inconnu, que deviendra tout ce qui emplissait ce cœur, ses affects lentement déposés en strates depuis le premier jour ou inoculé ça et là dans un élan d'enthousiasme ou un accès de colère, ses amitiés et ses aversions, ses rancunes, sa véhémence, ses inclinations graves et tendres ?

Que deviendront les salves électriques qui creusaient si fort son cœur quand s'avançait la vague ?
Commenter  J’apprécie          770
Car ce que Goulon et Mollaret sont venus dire tient en une phrase en forme de bombe à fragmentation lente : l'arrêt du cœur n'est plus le signe de la mort, c'est désormais l'abolition des fonctions cérébrales qui l'atteste. En d'autres termes : si je ne pense plus, alors je ne suis plus. Déposition du cœur et sacre du cerveau - un coup d’État symbolique, une révolution.
Commenter  J’apprécie          610
Maylis de Kerangal
Lire et écrire sont toujours le recto et verso d'une même présence au monde.
Commenter  J’apprécie          570
Le cœur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d’autres provinces, ils filaient vers d’autres corps. Que subsistera-t-il, dans cet éclatement, de l’unité de son fils ? Comment raccorder sa mémoire singulière à ce corps diffracté ? Qu’en sera-t-il de sa présence, de son reflet sur Terre, de son fantôme ?
Commenter  J’apprécie          510
Maylis de Kerangal
A l'instant de la naissance de mes enfants, j'ai acquis une forme d'inquiétude dont j'ignorais l'ampleur. C'est la fêlure sur le fil de verre.
Commenter  J’apprécie          496
Elle n’est pas en mesure de réaliser que la précarité est devenue la condition de son existence et l’instabilité son mode de vie, elle ignore à quel point elle est devenue vulnérable, et méconnaît sa solitude. Certes, elle rencontre des gens, oui, beaucoup, la liste de ses contacts s’allonge dans son smartphone, son réseau s’épaissit, mais prise dans un rapport économique où elle est sommée de satisfaire une commande contre un salaire d’une part, engagée sur des chantiers à durée limitée d’autre part, elle ne crée pas de relations qui durent, accumule les coups de coeur de forte intensité qui flambent comme des feux de paille sans laisser de trace, désagrégés en quelques semaines, chaleur et poussière.
Commenter  J’apprécie          494
Maylis de Kerangal
... elle descend sur la plage déserte par un étroit chemin où des bestioles ensuquées détalent sur son passage,les lézards à ventre bleu, les scarabées d'un noir de vinyle, les gendarmes orange cuirassés d'un masque humain, tous dans leur fuite font bruire les taillis et chuinter les feuilles raidies sous un voile de poudre ; puis une fois sur le rivage, elle enfouit ses pieds nus dans le sable grisâtre tandis que face à elle, lente, épaisse, la mer répand ce bleu Majorelle où la jeune fille pénètre avec délice...
Commenter  J’apprécie          471
De ce qui les attend, ils savent peu de chose. Les chômeurs autochtones qui avaient postulé s'étaient enquis des qualifications à faire valoir : c'est quoi les qualifs ? Et l'agent préposé à l'embauche, celui qui tapait les noms dans l'ordinateur avant de délivrer la carte magnétique qui donnait accès au chantier une fois introduite dans la pointeuse, s'était pincé le biceps : les qualifs, mon chou, c'est trois choses : du muscle, du muscle, du muscle. Personne n'avait ri et tous étaient venus.

Organiser le tâtonnement.
Commenter  J’apprécie          460
Summer aura le vertige en découvrant la démesure du paysage, […] elle soufflera longuement face vers le sol, les mains sur les genoux, crachera par terre à plusieurs reprises, une fois redressée, enjambera la glissière pour faire quelques pas dans la plaine rose, poudrée, presque lunaire dans la lumière rasante de l'aube, une peau. Elle se figera un court instant pour écouter le silence perforé par les rares voitures qui blindent dans son dos, silence minéral où chaque bruit sonne distinctement et pollinise l'espace — un caillou roule, une branche craque, un scorpion gratte le sol —, un vrai silence de chat sauvage, alors la nuit en levier fera monter le jour, étirant l'espace au plus loin, comme un écran qui se tend, et l'horizon sera soudain si proche que Summer avancera son bras pour y porter la main, touchée elle-même, et percevant soudain des bruits de pas humains elle sursautera, le chauffeur sera, c'est bon miss ? Ils retourneront à la voiture, Summer baissera la vitre puis se laissera aller contre la banquette.

Marcher dans la nuit violette.
Commenter  J’apprécie          460
John Johnson […] s'empare de la mairie de Coca en janvier 2005. […] Or, loin de voir dans sa charge nouvelle une retraite avec vue imprenable sur les rentes paisibles de la corruption, il est soudain pris de grandeur. Il se souvient des slogans de sa campagne — des phrases concoctées par des professionnels, formules puissantes qui claquent comme des étendards dans les stades et sur les places, mots d'ordre à douze pieds qui lui font le verbe haut et un menton d'orateur.

Organiser le tâtonnement.
Commenter  J’apprécie          450
C’est cela être malade, ne pas avoir le choix.
Commenter  J’apprécie          441
Ce sont des lettres assorties d'appels téléphoniques, sa mère — et son père derrière elle — sollicitant invariablement des réponses positives à des questions qui l'indiffèrent — manges-tu correctement, es-tu bien considéré ?, as-tu écrit à Augusta ?, mets-tu de l'argent de côté ? Des questions, des questions, toujours des questions. Comme si leur langage commun ne pouvait s'affranchir du régime interrogatoire, questionner signant le rappel de son bon droit de mère, de sa légitimité imprescriptible à être informée de sa vie, à le posséder, répondre signant de même la preuve de son amour filial.

De l'autre côté de l'eau.
Commenter  J’apprécie          430
Ses prises d'intérêts privés dans les projets municipaux avaient de quoi affoler ses collaborateurs les plus malins comme les plus serviles, mais il ne s'en trouva aucun pour le mettre en garde et chacun sait pourquoi : le Boa préside une forteresse maçonnée au trafic d'influences dont il contrôle tous les accès et tous les ascenseurs, il est fort, riche, et peu regardant sur le prix à payer pour rester dans les bonnes grâces des institutions et organismes respectés de la ville.

Organiser le tâtonnement.
Commenter  J’apprécie          420
Au sein de l'hôpital, la réa est un espace à part qui accueille les vies tangentielles, les comas opaques, les morts annoncées, héberge ces corps exactement situés entre la vie et la mort. Un domaine de couloirs, de chambres, de salles, que régit le suspense.
Commenter  J’apprécie          400
Il y a des formes d’absences aussi intenses que des présences.
Commenter  J’apprécie          390
A deux cents mètres du rivage, la mer n'est plus qu'une tension ondulatoire, elle se creuse et se bombe, soulevée comme un drap lancé sur un sommier.
Commenter  J’apprécie          371
Cette nuit-là, elle s'endort avec les fleurs. L'homme la déshabille avec précaution, déplie un par un les pétales puis les dispose sur sa peau nue comme les écailles d'un poisson, puzzle végétal formant un manteau de cérémonie qu'il prend soin de parfaire, murmurant de temps à autre, ne bouge pas tu veux, alors qu'elle avait sombré depuis longtemps dans un délice cataleptique, ornée et soignée comme une reine.
Commenter  J’apprécie          360
Tertio: la situation est irréversible - elle déglutit en pensant à ce mot qu'il lui faudra articuler, irréversible, quatre syllabes qui vitrifient l'état des choses et qu'elle ne prononce jamais, plaidant le mouvement continu de la vie, le retournement possible de toute situation, rien n'est irréversible, rien a-t-elle coutume de clamer à tout bout de champ - elle prend alors un ton léger, balance sa phrase comme on secoue avec douceur celui qui se décourage, rien n'est irréversible, hormis la mort, le handicap, et peut-être alors qu'elle virevolte, tourne sur elle - même, peut-être qu'elle se met à danser.
Commenter  J’apprécie          350
Les petits cons de la corniche. La bande. On ne sait les nommer autrement. Leur corps est incisif, leur âge dilaté entre 13 et 17 ans et c’est un seul et même âge, celui de la conquête.
Commenter  J’apprécie          340
Marthe Carrare (…) suce un comprimé de nicotine, songeant après avoir regardé sa montre qu'elle a oublié de décommander ce dîner prévu d'ici deux heures chez sa fille et son gendre, elle n’aime pas aller chez eux, se le formule clairement à l'instant, je n’aime pas y aller, fait froid là-bas - ne saurait dire pourtant si ce sont les murs de l'appartement talochés d'une belle peinture blanche à la caséine qui la font frissonner, ou bien l’absence de cendrier et de balcon, de viande, de désordre, de tension, ou encore les tabourets maliens et la méridienne design, les soupes végétariennes servies dans des coupelles mauresques, les bougies parfumées Foin coupée Feu de bois, Menthe sauvage, la satiété stylée de ceux qui se couchent avec les poules sous des édredons de velours indien, la tendre atonie distillée partout dans leur royaume, ou peut-être est-ce ce couple qui l'effraye, ce couple qui avait avalé en moins de deux ans sa fille unique, l'avait désintégrée dans une conjugalité sûre, émolliente, un baume après des années de nomadisme solitaire : sa fille fougueuse et polyglotte désormais méconnaissable.
Commenter  J’apprécie          330



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Maylis de Kerangal Voir plus

Quiz Voir plus

Les figures de style dans la littérature

"Adieu veaux, vaches, cochons, couvée" Quelle figure ici utilisée par La Fontaine et marquée par la juxtaposition de mots vise généralement à donner du rythme à la phrase ou à mettre en valeur l'abondance.

L'allitération
L'énumération
L'anacoluthe
L'anaphore

10 questions
785 lecteurs ont répondu
Thème : Les figures de style de Henri SuhamyCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..