La dernière nuit de Claude Eatherly de
Marc Durin-Valois .
Voir l'émission : http://www.web-tv-culture.com/la-derniere-nuit-de-claude-eatherly-de-marc-durin-valois-408.htmlLe 6 août 1945, Claude Eatherley survole Hiroshima pour ouvrir la voie au bombardier atomique Enola Gay. 5 ans plus tard, le pilote n'est plus que l'ombre de lui-même entre soif de notoriété et culpabilité.« La dernière nuit de Claude Eatherley », le nouveau roman de
Marc Durin Valois.Après «
L'Empire des solitudes », «
Chamelle » et «
Les pensées sauvages », le nouveau roman de
Marc Durin Valois, « La dernière nuit de Claude Eatherley » aux éditions Plon.
Marc Durin Valois est sur WTC.
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Dans la misère, l’homme isolé est toujours perdant. Quelque voie qu’il prenne.
Beaucoup trouvent dans l’observation du malheur d’autrui un sentiment intense de satisfaction pour leur propre existence, même d’une insondable médiocrité.
Nous sommes des centaines et des centaines chassés ainsi par la guerre, la sécheresse et la faim. Dans la misère, il y a pire que sa propre misère: il y a celle des autres.
Chamelle qui rumine sans fin, et grogne, et ronfle, et gratte le sol, et blatère, de mauvaise humeur contre tout, contre le ciel, contre la terre, contre ce maudit vent qui lui souffle dans les narines quand elle broute les herbes rares, et contre ceux qui lui ont volé son chamelon pour lui substituer une vilaine poupée en chiffons.
(En parlant de sa Chamelle)
L'épuisement lui donne un air pensif et profond, la même physionomie grave et mélancolique qu'elle a, la nuit, quand, immobile dans l'obscurité, son long cou dressé et ne paraissant jamais dormir, elle semble poursuivre une méditations millénaire en contemplant les dunes éclairées par la lune.
Dans la misère , l'homme isolé est toujours perdant, quelque voie qu'il prenne
Les choses me semblaient en tous cas transparentes : hanté par les fantômes d’Hiroshima, l’ancien pilote avait essayé dans un geste désespéré de se supprimer. Les détails de sa tentative avortée étaient parus dans un journal local. Un vétéran du nom d’Eatherly- rien de plus précis- avait avalé des médicaments dans la nuit, une trentaine de comprimés. Sa femme avait téléphoné aux urgences. Conduit à l’hôpital, il avait été tiré d’affaire par aspiration gastrique. A l’époque, faute de recul, j’étais bouleversée. En réalité, tout cela n’était pas si affolant. Un militaire, lorsqu’il veut se tuer, ne se rate pas.
Sous mes ailes, le brouillard dense s'est dissipé. Une immense fenêtre au creux des nuages offre une opportunité de bombardement magique, presque irréelle. Le soleil traverse cette ouverture et illumine en contrebas, comme s'il la dessinait avec la pointe d'u couteau, la ville d'Hiroshima, les habitations serrées, structures en bois et bétons mêlées, le quadrillage dense des rues ordonnées par les affluents de la rivière Ohta qui se déploie dans la ville comme une main maigre à six doigts se poursuivant jusqu'à la mer.
Quand j’étais avec lui, je passais des moments étranges et doux, presque agréables. A contrario, sur le chemin du retour quand je songeais à cet homme qui m’avait dévoré les meilleures années de ma vie, mes joues rosissaient d’une fureur glacée.
L'amour et le rire sont le luxe des pauvres, leur respiration