Au lieu de les rapprocher, sa mort les avaient éloignés davantage encore, comme si l'absence de sa mère était un épais rempart qui s'interposait entre eux deux. Elle avait découvert que l'absence n'était ni le vide, ni le néant. C'était, au contraire, une omniprésence incessante.
Elle avait vu comment la peur rétrécissait de robustes gaillards pour les transformer en petites souris.
Il était convaincu que mieux valait savoir qu’être dans l’ignorance, que la vérité, si laide ou douloureuse fut-elle, était un soulagement. Ne pas savoir laissait un trou béant, un espace que l’on cherchait sans cesse à combler.
On le payait vingt-cinq cents de l'heure car c'était le Canada, après tout, un pays où l'on ne prônait pas l'esclavage. Alors il était payé, même si c'étaient des clopinettes. Mais ensuite, on déduisait de sa paie ce qu'il devait pour ses repas et son lit dans le camp. Et parce qu'il avait une femme et un enfant, une retenue supplémentaire était appliquée pour amortir le coût de leur internemenet dans un camp fantôme dans des montagnes de l'intérieur des terres dont personne n'avait jamais entendu parler. Une fois toutes les déductions effectuées, il ne restait presque rien.
Les gens passent leur temps à émettre des hypothèses sur les autres. En un regard, ils croient tout savoir sur vous, alors qu’ils ne savent rien du tout.
Les enfants ne vous respectaient pas lorsque vous ne leur disiez pas la vérité. Qu'importait à quel point elle était difficiel à entendre, ils pouvaient encaisser. Ils étaient plus résistants qu'ils en avaient l'air.
Un vœu, c'est une chose que tu espères voir se réaliser. Un objectif, c'est pareil, sauf que tu dois travailler dur pour que ça arrive. C'est comme une promesse que tu te fais à toi-même.
Comment un homme devait-il vivre ?
Peut-être n’y avait-il pas de réponse.
Comment vivre ? Comment exister ?
Jour après jour. En avançant.
Et ensuite ?
Vivre, c’est tout.
Mais en commençant à travailler, il avait compris que les mots n’étaient pas seulement des lettres ou des symboles sur la page. Chacun renfermait une émotion. Il y avait les émotions qu’éprouvaient l’écrivain et le lecteur, mais aussi les siennes, celles du traducteur pris entre les deux, qui liait des secrets entre amants ou d’obscurs aveux.
Il était convaincu que mieux valait savoir qu’être dans l’ignorance, que la vérité, si laide ou douloureuse fut-elle, était un soulagement.