- Il est stable, fiable, solide...
- Oui, oui, je vois, inutile de le présenter comme les bâches que mon père met sur ses meubles de jardin quand il pleut...
- ... mature, équilibré.
- Super, maintenant , on dirait l'un de ces fromages bizarres (...)
(...) elle se plante au milieu de la piste et commence à danser .
Enfin, "danser" est peut-être un bien grand mot.
Parce que ce qu'elle fait...En réalité, les mots me manquent pour le décrire.
Sans s'écarter de un centimètre de l'endroit où elle s'est arrêtée, comme si ses Louboutin étaient collés au sol avec de la superglue, elle remue le bassin et secoue son abondante crinière, ce qui donne l'impression qu'elle fait l'amour avec un homme invisible tout en se séchant les cheveux avec un séchoir tout aussi invisible, le tout malgré une envie pressante d'aller aux toilettes.
- Oh, mais tu n'auras pas besoin de le voir, Libby ! Tu n'as qu'à l'appeler ! Ou même lui envoyer un mail ! C'est un des grands avantages de vivre au XXI' siècle, non ? Tous ces merveilleux moyens de communication qui nous permettent de correspondre avec des gens qu'on n'a pas du tout envie de voir .
- Je ne suis pas une groupie d'Audrey Hepburn !
Quoique...
Je ne raconte pas cela à tous le monde... En fait, je ne l'ai jamais dit à personne mais, parfois, j'ai ce... je ne sais pas comment le qualifier... ce rêve ? ce fantasme ? dans lequel Audrey et moi sommes les meilleures amies du monde. Je nous imagine traînant ensemble dans ces endroits incroyables à New York ou à Paris, à faire du shopping sur la Ve Avenue ou à prendre le thé au Ritz. Surtout, elle est toujours là pour discuter avec moi, pour m'écouter lui raconter ce qui ne va pas dans ma vie, pour me donner des conseils sages et avisés, sans jamais se départir de son allure merveilleusement chic dans ses vêtements Givenchy, ni de cette aura de douce sérénité.
Parce que, au cas où vous ne l'auriez pas encore compris, ma vraie vie manque cruellement de calme, de sagesse et de sérénité.
Sans parler de vêtements Givenchy.
- Les médecins ! crache-t-elle (...). Tu sais bien qu'avec eux, c'est toujours de la faute de la mère.
Audrey Hepburn la contemple.
- C'est une "robe"?
- Oui. Une robe portefeuille.
- Mais, ma chérie... Ce n'est qu'un bout de tissu. Il n'y a aucune "coupe", aucune "ligne".
Alors soyons clairs : ça ne peut évidemment pas être la vraie Audrey Hepburn.
Bon d'accord, j'avoue avoir fait la conversation à mon nouveau canapé, mais ça ne veut pas dire que je suis complètement dingue. Enfin, pas encore. Je suis parfaitement consciente qu'il est impossible que ce soit la véritable et légendaire Audrey, malheureusement disparue depuis longtemps.
Cela dit, s'il s'agit d'un sosie, c'est une sacrément bonne imitation (elle est habillée exactement, et je dis bien exactement, comme la Audrey Hepburn que j'étais entrain d'admirer sur l'écran, avec robe noire, lunettes de soleil, triple rang de perle et tout le tralala) ; mais, question essentielle : que fait un sosie d'Audrey Hepburn dans mon appartement de Colliers Wood à 20h30 un mercredi soir ?
Avant que je ne puisse lui poser la question - alors qu'en fait j'en suis encore à donner une interprétation parfaite de la carpe -, la femme se lève et se penche légèrement par-dessus le bar mélaminé.
- J'espère vous ne m'en voudrez pas trop de faire irruption chez vous.
Ouah....
Il est en retard parce que les célébrités comme lui adorent se faire désirer. Ça leur permet de prouver au monde entier combien elles sont importantes.
- Sois sympa avec ce pauvre garçon. Si ça se trouve, il est coincé dans les embouteillages.
- S'il est vraiment coincé quelque part, c'est probablement dans un top model à longues jambes .
Elle ouvre le premier carton en haut de la pile.
- Oh ! voilà qui pourrait s'avérer utile ! Des serpillières.
- Je n'ai pas de serpillières.
Je me lève pour jeter un coup d'oeil.
- Ce sont mes vêtements.
(...) , mais vous avoir l'air pas en forme .
- Oh ! J'imagine que mon oeil au beurre noir y est pour beaucoup...
- Ce n'est pas seulement oeil. C'est vous toute entière. Maquillage qui a coulé - vous ressemblez à un raton laveur en route pour une fête costumée. Habillé comme Marilyn Manson .
Il réfléchit un instant .
- Ou plutôt Marilyn Manson en route pour une fête déguisé en raton laveur...
- Merci, Bogdan, j'ai compris l'idée...