Entre temps, deux policiers étaient entrés, tenant la dynamo, "Gégène".
Dès que je fus complètement nu, ils me bandèrent les yeux de nouveau, me firent accroupir, lièrent mes poignets et mes chevilles, puis passèrent une barre de fer derrière mes genoux. Dans cette position, je n'avais prise sur rien, et tout mouvement de défense devenait impossible. Je fus soulevé et suspendu dans le vide, la tête en bas, chaque extrémité de la barre reposant sur une table. Ils soulignèrent en propos orduriers l'indécence de ma position. Puis deux d'entre eux enroulèrent un fil électrique autour des doigts de ma main et de mon pied droit.
[...........] C'est nous qui vous avons appris à chier dans un trou. Il n'y a que la schlague, pour vous.
Je ne dis rien.
Il poursuivit :
- C'est ça, rigole. Je sais, je ne suis qu'un flic, toi, tu es un intellectuel, mais ça, c'était bon pour hier. Aujourd'hui, c'est moi qui commande. C'est le règne des flics qui commence.
J'ai été arrêté le 5 décembre 1958, vers neuf heures du soir, au domicile de mon ami Belhadj. J'avais rendez-vous avec lui à trois heures. Ne l'ayant pas trouvé, je l'avais cherché partout, à l'église de Saint-Julien-le-Pauvre, où nous avions l'habitude de nous rattraper (sic), à la Cité Universitaire et au café "Le Caducée",en face de l'école de Médecine.
J'avais rendez-vous avec M... à sept heures et demie du soir, dans un café de Montparnasse. Il ne vint pas non plus. Je retournai à la Cité Universitaire : Les rideaux de B... étaient tirés. Des hommes en gabardine, visiblement des policiers, montaient la garde boulevard Jourdan devant le café "Le Babel". Je décidai alors de dîner dans un petit restaurant viet-namien du parc Montsouris, puis retournai chez Belhadj, 189, rue Saint-Denis.
Après trois rendez-vous manqués, j'aurais dû commencer par téléphoner. En effet, à peine avais-je frappé à la porte que les policiers l'ouvraient et me mettaient en état d'arrestation.