Interview with John Bradshaw
Ce que j’ai découvert, c’est que la honte, cette saine émotion humaine, peut se transformer en un état d’esprit permanent et contaminer toute l’identité. Or, lorsque la honte tient lieu d’identité, on se croit imparfait, déficient en tant qu’être humain. La honte devient alors toxique et déshumanisante.
L'une des manières dont les adultes enfants évitent d'éprouver leur souffrance légitime consiste à se réfugier dans leur tête. Cela implique qu'ils entretiennent des idées obsessionnelles, qu'ils analysent, discutent, lisent et dépensent énormément d'énergie à essayer de comprendre. [...]
Les adultes enfants éprouvent un grand besoin de tout comprendre parce que leurs parents, des adultes enfants eux aussi, étaient imprévisibles. Ils se comportaient tantôt en parents adultes, tantôt en parents égoïstes et blessés. [...] De tout cela ressortait une profonde confusion et une grande imprévisibilité. [...] C'est le caractère imprévisible d'une telle éducation qui a instauré [...] ce constant besoin de tout comprendre.
Les sévices émotionnels infligent également une blessure spirituelle. Les cris et les hurlements adressés à un enfant portent atteinte à son sentiment d'avoir une valeur personnelle. Les parents qui qualifient leur enfant de "gros bêta", d'"idiot", d'"abruti", de "minus" [...] le blessent avec chacun de leurs mots. Les sévices émotionnels se présentent aussi sous la forme de la rigidité, du perfectionnisme et du contrôle. Le perfectionnisme provoque un intense sentiment de honte toxique. Quoi que l'on fasse, on n'est jamais à la hauteur. Toutes les familles enracinées dans la honte utilisent le perfectionnisme, le contrôle et le blâme comme outils de manipulation. Rien de ce que l'on puisse dire, faire, ressentir ou penser n'est correct : nos sentiments sont injustifiés, nos idées folles et nos désirs stupides. On est continuellement pris en défaut, en flagrant délit d'incompétence. (p. 75)
Avec les années, nous intériorisons les voix parentales et elles fonctionnent comme s'il s'agissait de voix intérieures.
Toute émotion humaine peut s'intérioriser. Lorsqu'elle est intérieure, une émotion cesse de fonctionner à la manière d'une émotion et devient un style caractéristique. Vous connaissez probablement quelqu'un qui pourrait être étiqueté "une personne en colère" ou quelqu'un que vous appelleriez "triste sac. ' Dans les deux cas, l'émotion est devenue le noyau du caractère de la personne, son identité. La personne n'a pas de colère ou de mélancolie, elle 'est' en colère et mélancolique.
La honte toxique n'est plus une émotion qui signale nos limites, c'est un état d'être.
L'internalisation est un processus graduel qui se déroule sur une certaine période. En cas de honte, l'internalisation a lieu lorsque les processus suivants sont constamment renforcés :
- Identification avec des modèles basés sur la honte.
- Le traumatisme de l'abandon.
- Le lien des sentiments, des besoins et des conduit avec honte.
- L'interconnexion des empreintes de mémoire qui forme des collages de la honte.
La sexualité est profondément reliée à la spiritualité. On a besoin d'une sexualité humaine saine pour générer de l'amour plein d'âme.
Afin d'être en mesure de capter leurs propres signaux internes, les enfants ont besoin de se sentir en sécurité et d'avoir sous les yeux des modèles de comportement affectif sains. Ils ont également besoin qu'on les aide à distinguer leurs pensées de leurs sentiments. Quand l'environnement familial baigne dans la violence (affective, physique, sexuelle ou causée par certaines substances chimiques), l'enfant doit se concentrer uniquement sur l'extérieur. Avec le temps, il devient incapable de se bâtir une estime de soi qui vienne de l'intérieur de lui-même. Sans une vie intérieure saine, on est réduit à l'exil, qui implique la constante recherche des gratifications à l'extérieur de soi. C'est cela, la codépendance, un symptôme de l'enfant intérieur blessé indiquant que, durant son jeune âge, les besoins de la personne concernée sont demeurés inassouvis et que, par conséquent, il lui est impossible de savoir qui elle est.
Le travail avec l'enfant intérieur comporte trois aspects particulièrement frappants : la rapidité avec laquelle les individus se transforment lorsqu'ils font ce travail, la profondeur de leur transformation ainsi que la vigueur et la créativité qui en résultent une fois les anciennes blessures guéries.
Le seul bénéfice que nous retirons de notre enfant blessé réside en ce que nous n'avons jamais à nous séparer de nos parents. Tant que nous dépensons notre énergie à les haïr secrètement, nous restons attachés à eux, et cela nous évite de grandir. Le pardon nous libère de notre ressentiment envers eux et agit de telle sorte que notre enfant doué naturel puisse en finir avec les voix mortifiantes des figures parentales que nous avons intériorisées.
La blessure spirituelle que vous avez subie, parce que vos parents ne vous permettaient pas d'être vous-même, est la pire chose qui pouvait vous arriver. Je parierais que, les jours où vous vous mettiez en colère, on vous disait : "N'élève plus jamais la voix en s'adressant à moi !" Vous en avez déduit que ce n'était pas bien d'être vous-même, et encore moins bien d'être en colère. Et vous en êtes arrivé à la même conclusion en ce qui concerne la peur, la tristesse et la joie. De surcroît, ce n'était pas décent de toucher votre vulve ou votre pénis, même si cela vous procurait des sensations agréables. Ce n'était pas convenable d'éprouver une aversion pour le curé, le rabbin, ou le père X. Ce n'était pas admissible de penser ce que vous pensiez, de désirer ce que vous désiriez, d'éprouver ce que vous éprouviez ni d'imaginer ce que vous imaginiez. Par moments, ce n'était pas bienséant de voir ce que voyiez et de flairer ce que flairiez. Ce n'était tout simplement pas correct d'être différent ou d'être vous. Le fait d'accepter et de comprendre ce que je suis en train de dire équivaut à reconnaître et à légitimer sa blessure spirituelle, cela même qui reste enfoui au coeur de tout enfant intérieur blessé.