À l'occasion du Festival "America" 2022, Jason Mott vous présente son ouvrage "L'enfant qui voulait disparaître" aux éditions Autrement.
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Note de musique : © mollat
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Quelque part, un jeune Noir marche seul dans une rue la nuit. Peut-être est-ce une route de campagne. Peut-être est-ce sous la lueur aveuglante du lampadaire d’une grande ville animée. Peut-être est-ce dans une banlieue où la majeure partie des gens ne lui ressemblent pas, et où on le lui a rappelé toute sa vie.
Il essaie de trouver les mots pour lui dire : "Ce gamin est le premier d'une longue liste de gamins abattus que tu vas croiser durant ta vie. Ils vont s'accumuler, chaque semaine. Tu vas tenter de te souvenir d'eux, mais à un moment, tu n'auras plus la place pour ça, et ils sortiront de ta mémoire, abandonnés. Et puis un jour, tu auras grandi, et tu comprendras que tu as oublié son nom - le nom du premier gamin noir que tu t'étais promis de ne jamais oublier -, et tu te détesteras. Tu détesteras ta mémoire. Tu détesteras le monde. Tu détesteras ton impuissance à stopper ce flux des cadavres qui se sont accumulés dans ta tête. Tu essaieras de faire quelque chose, et tu n'y arriveras pas, et tu seras submergé par la haine. Tu t'en voudras de n'avoir rien réussi à changer, et tu seras submergé par la tristesse. Et tu recommenceras, encore et encore, pendant des années et, un jour, tu auras un fils et tu le verras prendre le même le même chemin que toi des années auparavant, et tu voudras lui dire quelque chose d'utile, quelque chose pour qu'il ne s'engage pas sur ce même chemin... et tu ne sauras pas quoi lui dire."
Après la mort de son père, la petite maison où vivent Charbon et sa mère devient plus grande que jamais. Et ce sont ces espaces vides qui n’avaient jamais existé auparavant qui ont le don de submerger de tristesse la mère de Charbon. Chaque centimètre de la maison incarne un endroit où son mari a vécu. Chaque chaise attend son ombre. Chaque pièce veut être habitée par son rire. Les corniches du toit de la maison feulent la nuit quand le vent du sud se met à souffler, pleurant sa disparition. Et au beau milieu de tout ça, la mère de Charbon s’assure que ses bras sont toujours autour de son fils, qui remplit cet espace.
Peu de choses me plaisent autant que de m'asseoir et ne rien dire. Ou de faire ça debout. Ou m'allonger et ne pas dire un mot. Ou nager en silence. Enfin, vous voyez l'idée. Le silence est d'or.
Il s’était esquivé sans que personne le remarque, se volatilisant comme seuls les enfants et les petits mystères peuvent le faire. Son départ eut lieu quelque part entre 15 heures et 15h30 – comme Harold et Lucille l’expliqueraient plus tard à la police. Pour des raisons que seuls l’enfant et la terre connaissaient, il s’était dirigé vers le sud du jardin, s’était enfoncé entre les pins pour traverser la forêt et descendre jusqu’à la rivière où, sans permission ni excuse, il était mort noyé.
La noirceur du gamin est hypnotique. Il faut le voir pour le croire. Regarder la peau de cet enfant me donne l'impression de tomber dans le vide. Comme si tout mon être devenait sien. Comme si je n'avais jamais été séparé de lui depuis le tout début, et que sa peau - sa texture et ses ombres - se contentait de me ramener à mes origines, là où j'étais à l'abri.
p.36
Sa mère releva alors la tête pour le regarder.
- Oh ! Marty. Je t'aime tellement, mon fils.
Elle commença à tapoter ses poches, comme elle le faisait toujours lorsqu'il était petit et qu'elle voulait lui donner un bonbon.
Martin Bellamy serra sa main dans la sienne.
- Je t'aime aussi. Et cette fois-ci, je ne l'oublierai plus.
L’enfant a dix ans désormais. Cinq de plus que lorsque ses parents lui avaient fait croire qu’il pouvait devenir invisible. Et durant les trois années qui ont suivi, il a appris que rien de tout cela n’était vrai. Et le mensonge de ses parents n’était jamais si flagrant que lorsqu’il prenait le bus pour aller à l’école chaque matin.
Il déteste ce trajet plus que tout au monde. C’est de là qu’il a hérité du surnom de « Charbon ».
Charbon. Sept petites lettres accrochées autour de son cou telle une lourde pierre. Tous les jours, alors qu’il observe le bus scolaire arriver cahin-caha sur le chemin de terre, il danse et répète un mantra en boucle : « Fais qu’ils ne te voient pas. Fais qu’ils ne te voient pas. » Même s’il sait que tout le discours de l’Invisible est faux, il est encore assez jeune pour vouloir croire que c’est vrai.
Chaque matin, il tente d’être Invisible.
Ma responsabilité, c'est de ne pas replonger dans la misère. Ma responsabilité, c'est de continuer de faire ce que je fais sans avoir à supporter plus que je ne supporte déjà. Ma mère et mon père l'auraient voulu ainsi. Je suis un type bien, avec ses problèmes et ses douleurs. Pourquoi devrais-je réparer le monde ?
Oui, je suis un rêveur éveillé.