VLEEL 214 Rencontre littéraire avec Isabelle Aupy et Isabelle Rossignol, Éditions du Panseur
Dimanche 6 mars : plus de lait ni de chocolat pour le petit-déjeuner. Lundi 7 mars : boîte de céréales vide et toujours pas de lait ni de chocolat. Mardi 8 mars : sans la cantine, je n'aurais mangé qu'une tranche de jambon aujourd'hui. Mercredi 9 mars : la situation est identique à celle d'hier.
Elle avance dans ma direction, lentement. Parfois, elle s'arrête, puis avance encore. Et enfin, elle est à mes pieds. Tout en la caressant doucement, je lui dis :
- Ma Myra, je ne te ferai plus jamais mal, c'est promis. Et toi, tu ne te sauveras plus, d'accord ?
Myra remue la queue. Je décide :
- Allez, maintenant, il faut qu'on rentre.
Je me sens me rapprocher du seul et unique objectif de ce rendez-vous, cet objectif que je ne dois jamais, mille fois jamais oublier : coucher avec cette fille pour éblouir le roi du sexe. Idiot ? Toujours idiot ? Peut-être. Il n'empêche que je suis là pour ça et, accessoirement, j'ai envie de coucher avec elle.
- Eh oui, 212! C'est le numéro sous lequel vous êtes enregistrée chez nous.
Aussitôt, je comprends ce que ça veut dire : depuis le début de l'année, il y a eu deux cent onze filles avant moi. Deux cent onze filles qui ont connu des Ludo. Qui sont des pauvres paumées dans mon genre. Mais qui sont là pour arrêter de l'être.
Myrtille ne voulut pas déranger plus longtemps. Elle se leva et fit elle-même sa valise. Oh ! Ce fut vite fait puisqu'elle n'avait même pas un sourire à y mettre.
Finalement, elle a posé le gant. c'est à dire qu'elle a laissé la poche molle et affaiblie glisser le long de sa main et regagner le fond du lavabo. Comme l'eau de vaisselle pour les nouilles, la mère le reprendra, et puis ce sera le père; mais ce n'est jamais son odeur à lui que Murielle sent: c'est toujours l'odeur de sa mère.
Si je n'étais pas morte d'envie qu'il m'embrasse, là, maintenant, à l'instant, j'exploserais de rire tellement j'ai l'impression de nager en plein film bidon au moment où héros et héroïne s'avouent leur amour. Sauf que je suis devenue une héroïne qui crève d'envie d'avouer son amour.
Maman ne rit pas. Elle retire vite mon bonnet de la tête de Mira [la petite chienne] :
-Tu ne dois pas faire ça, Justine !
Je hausse les épaules :
- Mais c'est pour jouer !
- Justement, répond Maman, Myra n'est pas un jouet. Et si tu l'embêtes, elle peut te mordre.
Le viol, on oublierait puisque, j'entends ça d'ici : "Mademoiselle a suivi Monsieur de son plein gré". En plus, c'est bien connu : les filles ne cherchent qu'à coucher. Pourquoi elles se maquilleraient ou mettraient des mini-jupes sinon? Bien sûr que c'est pour exciter les garçons, ces pauvres petits bonhommes qui ne demandent rien à personne et qui sont juste victimes de leurs pulsions! C'est bien ça, hein, l'excuse qu'on trouve à tous les violeurs ? Les pulsions. Société pourrie, va ! Le sexe ne se prend pas, Messieurs les jurés, le sexe se partage, vous comprenez ?
Car je possède ce que chacun recherche sur cette terre . Je possède ... la richesse .