Hermione Delyaut

Le temps qu’il prend pour répliquer n’est pas bon signe, ses lèvres se pincent, ses narines fulminent, et malgré toute la maîtrise que je possède devant la peur, mes jambes accusent un soubresaut de terreur.
— Et tu pouvais pas le retenir, toi ? gueule-t-il, s’adressant à Ordure, faisant sursauter Brie.
Mon camarade ne répond rien, demeure raide en attendant les coups qui ne vont pas tarder à pleuvoir. Bandy compte participer vu son sourire mesquin. La douleur physique sera moindre à comparer celle qui doit labourer son cœur de frère en ce moment, pourtant je ne supporte pas l’idée qu’il lui soit encore donné du mal. Nos vies sont dégueulasses, mais rosser un mec qui vient juste de perdre son jumeau…
— C’est moi qui l’ai vu partir et qui n’ai rien dit, lancé-je. De toute façon, s’il se fait gauler à la surface, les chasseurs l’abattront sur le champ, personne ne saura d’où il sort.
— C’est quoi qu’tu comprends dans « personne ne sort des tunnels » ?
Le regard de Hitsh s’illumine d’une soif malsaine, ce salaud n’attendait que ça. J’ai bien quelques répliques à lui balancer, toutefois, je vais les garder. Inutile de l’énerver davantage, j’ai peut-être encore une chance de m’en tirer. Non, je n’ai aucune chance, je le sais.
Ordure me braque d’un regard de travers qui brûle ma joue. De tout mon corps, j’essaye de lui envoyer comme message de fermer sa bouche. J’ai mal conduit notre retraite, je les ai menés dans la gueule du loup, je paie, donc pas besoin d’en faire une histoire, dans deux heures on en parlera plus.
— C’est toi qui vas prendre pour l’autre, ça te va ? demande notre Kagé.
Je ne peux m’empêcher de réfléchir une dernière fois à ce que ma réponse va engendrer. Ça fait un petit moment que je lui échappe, remettre ça…
— Ça me va, assuré-je, entraînée par la connerie du courage.

Je n’envie pas cette jeune fille que je ne deviendrais jamais. La vérité cruelle, sale, me paraît plus facile à gérer qu’une vie endormie, où petites trahisons et contrariétés jettent dans des désespoirs de suicidaire. J’ai la sensation que rien ni personne ne pourra jamais me briser. Ils ne le peuvent plus, je suis déjà en milliers de morceaux et je vis à travers chacun d’eux, tranchante, chaque coup que l’on me porte à ses répercussions.