Dans le cadre dun cours de cinéma au Forum des images, Guy Astic déclare que les films de David Cronenberg font l'éloge de l'impur.
De "Rage" à "Cosmopolis", de "La Mouche" à "History of Violence", David Cronenberg filme le monstrueux à loeuvre (agressions, contaminations, mutations), au plus près du corps, sous la peau, mais aussi sous le derme de la réalité, au cur de ce que la société refoule.
Ce cours de cinéma a eu lieu le 10 janvier 2014 dans le cadre du cycle de films "Monstruosités" au Forum des images, Paris.
Voir le cours de cinéma en intégralité
http://dai.ly/x1cre3a
Twin Peaks est sise au bord du monde sauvage, primitif : le générique ne dit pas autrement. Cela donne un retentissement accru aux drames qui se déroulent dans la ville, le sentiment de la nature ménagé dès les premières minutes de la série favorisant l'émergence du sentiment de la présence d'un sacré. La forêt, dense et omniprésente, concrétise l'idée que les images, les histoires de Twin Peaks viennent de plus loin - mais d'où? - qu'elles obéissent ) des forces qui dépassent l'homme.
Lost Highway est l'exemple parfait du film avec lequel on n'en a jamais fini, parce qu'il a tout de l'oeuvre sédimentée qui ne tient pas à un fil. Penser sa narration, c'est ne plus utiliser les termes de ligne, de progression, de gradation. C'est penser en termes de niveaux, d'échanges, de réseaux. Lynch le confie à Chris Rodley : "Il n'y a que très peu de choses qui sont légèrement décalées." Mais le décalage suffit. Il est définitif et reconfigure le tout. Il hypothèque ainsi les idées de symétrie et de centre. Le décalage, enfin, induit un mouvement qui dégage l'entrebâillement. Quand je décale, je n'anéantis pas l'ordre premier, je l'infléchis et le laisse en point de mire. Quand je décale donc, je double, mais en porte-à-faux. Là où j'ai décalé, ça jointe encore mais ça ne coïncide plus : ça force.
S'il est un lieu qui raccorde l'imaginaire médical à l'imaginaire horrifique, c'est bien celui de la morgue, espace qu'on a du mal à rattacher à l'univers hospitalier, à l'idée de soins, de connaissances et de progrès. C'est qu'on y fait usage du cadavre, cette réalité terminale, brutale et sans appel, dont la médecine s'emploie à retarder l'advenue. Comment ? En allant y voir de plus près (l'autopsie, étymologiquement), en ajoutant à la décomposition naturelle du cadavre la décomposition savante, la mise en pièces raisonnée du corps.
(p.85)
Animée par un art compositionnel fou, la page n'est un champ clos : la discontinuité et la délinéarisation du récit obligent à substituer la synchronisation à l'unité de lieu, l'interconnexion à l'unité de temps, ce qui rappelle les récits imbriqués de Volodine, les fictions purgatoires de David Lynch, les labyrinthes filmiques de Christopher Nolan.
Article "Espace béant"
à propos du roman "La maison des feuilles", de Mark Z. Danielewski
(p.84)