A l'occasion du salon "Les Utopiales" à Nantes, rencontre avec Gauthier Guillemin autour de son ouvrage "Rivages" aux éditions Albin Michel.
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Le Voyageur expliqua qu’après avoir soumis toute la création, les humains l’oublièrent peu à peu et se retirèrent dans des cités de fer et d’acier. L’humanité s’illusionna et crut faire de l’or avec de la boue, alors que seuls les poètes en ont le pouvoir.
Les épopées s'écrivent toujours en lettres de sang.
Nous devons davantage aux Titans qu'aux Olympiens. Soyons reconnaissants à l'orgueil et à la démesure des titans, plutôt qu'à des dieux avides de nos cultes. Nous tirons notre force de notre volonté de nous dépasser, et non de nos prières.
La forêt n'abrite pas que de simples arbres, tous dressés côte à côte en un agencement dont la cohérence ne peut qu'échapper à l'esprit humain. Elle se compose d'une multitude d'individus, tous différents, certains s'entraident, échangent des informations, protègent les baliveaux, utilisent leurs armées - fourmis, oiseaux - pour se protéger, parfois même s'échangent des nutriments. Mais la coopération se transforme quelque fois en compétition âpre et sans pitié. Lutte pour l'accès à l'eau, corps à corps pour de l'espace, course vers la lumière.
L’humanité avait résolument tourné le dos à la magie, aux analogies et aux correspondances entre le cosmos et le vivant. Les hommes s’entêtèrent et érigèrent en vérité ultime une technique qui avalait goulûment la création, et, dans un fracas mécanique, les foreuses puisèrent toujours plus profond, extrayant des diamants et de l’or noir d’une terre à l’agonie, fractionnant la roche même pour inonder les sols de boue étouffantes, arrosant ensuite les forêts de pluies acides.
Nous ne serons jamais d’éternels voyageurs toujours en quête d’ailleurs. Ailleurs est à notre porte, partout autour de nous.
Il avait les voyages et il lui manquait de quoi les peupler. Moi, c’est le contraire, il me manque des paysages et des saveurs pour peupler mon histoire.
Le Voyageur expliqua qu'après avoir soumis toute la création, les humains l'oublièrent peu à peu et se retirèrent dans des cités de fer et d'acier. L'humanité s'illusionna et crut faire de l'or avec de la boue, alors que seuls les poètes en ont le pouvoir. De ses forteresses de verre et de béton, elle dirigeait le monde et craignait ses semblables.
L’intuition fugace de la vacuité de l’activité humaine l’étourdit, la question du sens s’imposa à lui et lui présenta cette vitalité qui l’émerveillait tant comme un effort malhabile pour exister. Avec des mouvements désordonnés et destructeurs, ce peuple cherchait à conquérir une place qu’il eût peut-être suffi de prendre le temps d’aménager.
- En même temps, il y a de la poésie à se savoir entre mythe et réalité, souffla le Voyageur, les yeux embués par l'alcool. Entre mythe et réalité, répéta-t-il, entre terre et mer. Le rivage, n'est-ce pas le lieu où les vagues mouvantes se brisent et se meurent sur la terre ferme ? Et cette eau battante ne transforme-t-elle pas la côte qu'elle érode ? Quoi qu'on en dise, vous êtes le peuple des rivages : peut-être issus d'un mythe, je ne sais pas. Mais il est certain que vous transformez notre réel.
- C'est pour cela que je l'ai épousé ! s'exclama Sylve. Je me suis trouvé un poète et un philosophe ! Tu as raison, et peut-être qu'un jour nous emmènerons ce réel qui nous entoure jusqu'aux rivages bénis qui nous ont vus arriver.
- Cet alcool a des vertus que je ne lui connaissais pas ! s'exclama Dùmcrèt en riant. Allons nous amuser !