François de Riberolles

Mais c’est la quantité de vin qui est la plus frappante : deux litres par personne et par jour pendant deux ans. Sur ces navires, on boit beaucoup. Cela permet aux marins de s’hydrater, de se nourrir avec un liquide qui ne croupit pas comme l’eau et qui peut créer un état propice à la soumission et à l’endurance pour ces hommes coriaces, habitués à l’inconfort des bâtiments.
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INVENTAIRE DES VIVRES
- 100 tonnes de biscuits
- 185.000 litres de vin
- 7.000 litres d’huile
- 4.000 litres de pois chiches
- 3.000 litres de vinaigre
- 2.600 kilos de lard fumé
- 1.500 kilos de poisson fumé
- 2.200 kilos de farine
- 2.000 kilos de fèves
- 984 fromages trempés dans l’huile
- 862 kilos de raisins secs
- 736 kilos de figues
- 640 litres d’amandes avec leur coque
- 600 kilos de miel
- 250 chapelets d’ail
- 150 barils d’anchois
- 125 kilos de sucre
- 102 kilos de riz
- 100 bottes d’oignons
- 92 kilos de pruneaux
- 70 caisses de pâte de coing
- 53 litres de lentilles
- 53 litres de moutarde
- 3 jarres de câpres
- 3 cochons et 6 vaches coupés en morceaux, etc.

Il ne reste qu’une seule chose à régler avant de quitter les lieux : le sort de Juan de Cartagena. Magellan ne peut pas le garder à bord, sous peine de voir éclater une nouvelle mutinerie, et il ne peut pas l’exécuter en raison de son rang. Par conséquent, il choisit une solution intermédiaire : il le fait débarquer sur un banc de sable, dans la baie déserte de Saint-Julien. Le grand capitaine espagnol est laissé là en compagnie d’un prêtre, Pedro Sánchez de la Reine, autre meneur de la mutinerie. Ils sont abandonnés avec du pain, une épée et un peu de vin… et promis à une mort certaine. Mais Magellan n’a pas de sang sur les mains.
« Quand il s’agit d’offenser un homme, il faut le faire de telle manière qu’on ne puisse redouter sa vengeance », écrit Machiavel.

L’expédition de Magellan est l’une des plus remarquables de l’histoire de l’humanité. Fut-elle plus périlleuse que le voyage d’Apollo 11 à la découverte de la lune ? L’armada des Moluques allait aussi vers l’inconnu, mais l’équipage en savait beaucoup moins et n’avait aucun soutien. Armstrong, Aldrin et Collins étaient constamment contrôlés depuis le Centre spatial, ils n’on pas connu d’opposition de leur équipage, ils n’ont pas subi de mutinerie, ils n’ont pas souffert de la faim. Magelan et son expédition ont fait preuve d’une audace, d’une valeur et d’une persévérance incomparables.

(Magellan, soldat, s’est vu refuser par le roi du Portugal une compensation pour la perte de son cheval dans une bataille au Maroc, et, deux ans plus tard, une augmentation de 100 réaux)

Magellan n’est pas un érudit en chambre, mais un soldat. Et comme tout soldat qui ne s’estime pas suffisamment récompensé pour ses services militaires, il s’en va les proposer ailleurs. Sa seule solution pour s’enrichir, et connaître la gloire dont il a vu jouir beaucoup de ses proches, c’est de se tourner vers le roi d’Espagne. Il s’agit moins d’une vengeance que d’un plan de carrière.