Franco Faggiani, auteur du roman
L'Inventaire des nuages, présente le métier de son héros, un savoir-faire aujourd'hui disparu.
Je continuais à alterner les séjours en ville et la vie en montagne.Le commerce des parfums rapportait gros, mais je n'aurais pour rien au monde renoncé à ma moisson de cheveux, qui continuait de donner du travail aux femmes de Prazzo durant les rudes mois d' hiver.Mais, au- delà du simple attrait des " pels ", un commerce toujours lucratif, sillonner les vallées, les prairies et les hameaux était devenu pour moi une habitude.J'aimais aller à la rencontre des gens qui y vivaient, bavarder avec les paysans qui fauchaient le foin.
Je me délectais toujours des histoires que j'entendais et des chants espiègles des femmes, et j'étais heureux d'apporter mon aide là où le besoin s'en faisait sentir.Je découvris que le bonheur pouvait aussi se résumer à ces heures paisibles passées en bonne compagnie, sur le seuil d'une maison baignée par la lumière évanescente du crépuscule, à parler du temps, des récoltes, de ceux qui ne sont plus là, ou simplement à observer en silence la beauté puissante d'un orage qui s'enfuit au galop.
( p.298)
- Certains jeunes de ton âge sont à la guerre, d'autres ont déjà parcouru la moitié du monde à la recherche de leur bonne etoile sans la trouver, d'autres encore sont morts d'épuisement pères d'une famille nombreuse qu'ils doivent nourrir de châtaignes et de gruau.Tous ces jeunes n'ont pas eu d'opportunités...Essaie d'avoir ta propre vision, d'exercer ton regard sur le monde.
( p.153)
La neige de la fin de l'automne avait ramené un peu de calme, ralentissant le rythme de tous les gestes et de toutes les pensées.
( p.209)
-Il m'a toujours inspiré plus de gratitude que d'amour, reprit Desideria.L'amour, ça vient, ça s'use et ça s'en ça, mais la gratitude reste.Sans Girolamo, j'aurais crevé la bouche ouverte.Qui aurait voulu d'une veuve misérable et stérile ?
Il m'a épousée sa s hésiter alors qu'il aurait voulu d'autres enfants.Il m'a donné de la nourriture, un toit, de la dignité et du respect, ce qui était pour moi le bien le plus précieux.
( p.208)
- Ton grand-père ne t'a pas dit que je me changeais en sorcière au coucher du soleil ? (...)
Elle voulait me faire peur, évidemment. Et puis Grand-Père disait qu'on traite de sorcières les femmes seules, vieilles ou agressives- par méchanceté, ou simplement parce qu'on ne sait pas comment se conduire avec elles et qu'on préfère les tenir à l'écart.
( p.56)
Toujours grâce à Gervasio, j'avais également installé le long d'un mur quatre longues planches sur lesquelles j'entreposais mes livres, de plus en plus nombreux.J'y cherchais les explications à des phénomènes que j'ignorais ou simplement de le compagnie, les jours de solitude, parvenant à voyager sans me détacher de la chaleur du poêle.
J'avais donc tout nettoyé, surtout les tristes vestiges du passé, et apporté de nombreuses améliorations aux bâtiments.
- De la belle ouvrage, vraiment, avait conclu Giovanni avec satisfaction..Bien qu'il eût travaillé dur pendant trois semaines, l'homme ne voulut pas un centime: ce qu'il voulait,c'était que je lui apprenne à lire et à écrire. Sa requête me toucha.Je pouvais être utile à quelqu'un, moi aussi.Pour Giovanni, apprendre à lire et à écrire revenait à faire un pas de géant, à s'extraire de son monde exigu.
( p.281)
L'hiver était rude, et il fallait essayer de survivre tant bien que mal, de ne pas se faire user l'âme par le vent hivernal- ce vent qui vous fichait la frousse quand il hurlait à vos oreilles pendant des jours- et par les griffes du gel invisible qui vous pétrifiait
Dans le ciel, c'était toujours le printemps.
( p.259)
- Demain, je t'emmène ! Mais si tu ne lui dois rien à elle, je veux bien avoir un petit quelque chose en échange.
- Bien sûr, je te paierai comme il se doit.
- Je ne veux pas de ton argent.Je veux tes livres.J'aime lire, moi, j'adore ça ! Mais je n'ai jamais mis les pieds dans une librairie, et maintenant , à mon âge, j'ai un peu honte.Lire, c'est l'affaire de bourgeois.
( p.100)
Quant aux têtes à moissonner, j'en trouvai beaucoup. Grand - Père avait raison: les femmes ne traitaient presque jamais avec moi; la transaction passait par leurs pères ou leurs maris, lesquels, à la vue de l'argent, devenaient autoritaires, voire agressifs.
(p.93 )