Le Prix Bête Noire donne la parole aux libraires ! Pour sa sixième édition, ce sont quatre polars français et étrangers qui ont été sélectionnés. A l'issue de la lecture et des votes, il n'en restera qu'un. Nous avons posé quelques questions à Camille Racine, responsable éditoriale de cette collection Robert Laffont, pour en savoir plus sur ce prix qui a déjà récompensé Daniel Cole, Ilaria Tuti, Fabrice Rose, Mathieu Lecerf et Olivier Gallien.
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L'émotion d'Alex fait la courte échelle à ses larmes, mais par pudeur ou par orgueil elle les retient. Elle n'est pas venue pour pleurer, mais parce que son cœur est boursouflé, et qu'elle veut enfin le lui dire.
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Silencieux il la regarde droit dans les yeux, regard qu'elle soutient, comme elle s'appuie à l'amertume des plaisirs simples qu'ils ne vivent jamais ensemble. L'armure de son père se lézarde, il a beau garder une distance lucide avec les reproches d'Alex, il savait qu'un jour ou l'autre elle les lui balancerait. Quand on parle la même langue et que l'on est soudés à jamais, que ce soit par les liens du sang ou de l'amitié, de l'amour ou de la parole donnée, les non-dits rampent aussi longtemps que la crainte de décevoir l'emporte sur le besoin de tout lâcher. Là, devant sa fille, Marc Man comprend qu'il est temps de ne plus déambuler à pas feutrés dans les illusions d'une existence sur laquelle il ne reviendra pas.
Elle tente de gouverner sa vie sans la verrouiller à l'amour mille-feuille qu'elle ressent pour son père. Un amour qui s'émiette parfois quand le souvenir de ses désertions afflue. Adolescente, Alex lui a exprimé ses colères noires, elle lui a dessiné ses douleurs d'enfant, lui a même signifié à quinze ans qu'il n'était qu'un père biologique, mais jamais elle n'a rompu le lien...
Ce qu'il ne dit pas, c'est que s'il y en a un qui n'a pas envie de mourir en moudjahid, c'est bien lui ! Il a beau être plus prédateur sexuel qu'ascète, la promesse de soixante-douze houris l'attendant au paradis pour pratiquer l'acte honteux sous les hospices de Dieu ne lui a jamais fait péter les plombs au point d'aller s'estropier en martyr. L'émir s'en bat les burnes, de ces sornettes. D'ailleurs, faut être sacrément crédule pour les gober.
Loin d’être con, il comprend que les temps changent en prison. Les tapis de prière fleurissent, les barbes poussent et la religion lui révèle que, pour régner sur les pieds nickelés, une foi bien brandie a raison des ardeurs du plus récalcitrant des frères. (Mohamed Aboubakr al-Din)
Alex aimerait se réinventer un monde, se le dessiner sans clair-obscur, sans saloperies, un monde sans prothèse, sans sècheresse, sans haine, sans losers, sans vainqueurs. Un monde où les cailleras deviendraient danseurs, où les branleurs ne se laisseraient plus embrigader dans la violence, où les fusils-mitrailleurs seraient recyclés en sculptures éphémères.
Rien n'a changé, ni ces tabourets, ni cette impossibilité de se rapprocher autrement qu'en tendant les mains. Les box sont à peine éclairés. Sur leurs cloisons défraîchies des cœurs, des prénoms, des tags de dealers sont écrits et dessinés à la va-vite. Des insultes, aussi, tout se croise et se décroise au parloir, esprits chagrins, amoureux transis, mauvais coucheurs, innocents, coupables et leur souffre-douleur. Le brouhaha agace Alex, qui attend l'arrivée de son père en frissonnant. Nous sommes aux prémices du printemps, Fresnes n'est pas très chauffé, le confort n'y est pas la priorité.
Alex glisse sa carte d'identité dans le compartiment métallique reliant gardiens reclus dans leur guérite et visiteurs tendus par l'attente. Blonde, cheveux très courts, de grands yeux bleus dans un visage poupin, un corps élancé sapé vintage, Alex est le type de jolie fille que l'on imagine plus facilement dans une BD que mêlée à la chorale des proches venant voir leur détenu.
— Prends soin de toi, ma puce, et embrasse ta maman.
— Elle t'aime toujours.
— Elle a tort, mais embrasse-la quand même.
[…] depuis ma naissance la prison c’est ta résidence principale et le parloir ma cour de récréation. (Alex à son père)
Elle a repris goût à la vie en écoutant Ludo, son petit copain, disserter sur l'anarchie, la liberté, le mensonge et la vérité, le suffrage universel, la révolution, le devoir, la religion et l'hypothèse de Dieu. Elle a souri en se disant qu'il s'entendrait bien avec son père