La chronique de Marina Carrère d'Encausse - La dame des mots
..." Vous faites quoi dans la vie, madame?...Ouvreuse. Je suis ouvreuse d'esprits. Et à l'entracte, je vends des verbes glacés au futur enrobés de chocolat ! "
-J'ai toujours entendu les enfants t'appeler la dame des mots, jamais l' orthophoniste. Ils ne disent pas qu'ils vont travailler quand ils viennent te voir, ils disent: "On va faire des mots !"
-Je les aime surtout! Ils en ont vu, des gens et des méthodes de lecture. Refaire ce qu'ils ont si souvent raté, c'est douloureux.... Alors je me débrouille comme je peux. (p.51)
Protester ? Pleurer ? Plutôt établir mon périmètre de liberté.
Vivre et que la maladie ne me colle pas à la peau.
Vivre, et l'accepter dans ma peau.
Vivre sans vouloir autrement.
Vivre et voir autrement.
Sur la ligne brisée du bien et du mal, je ne vois pas, je ne sais pas ce qui est le bien, ce qui est le mal. Je ne vois que la prison des préjugés.
Épigraphe
"Nous devons cesser d'être des hommes qui prient pour devenir des hommes qui bénissent"
Nietzsche
"Mais écoute le souffle de l'espace, le message incessant qui est fait de silence"
Rilke
Être seule n'est pas absence de l'autre, mais le manque de soi. L'unité est un fin tissage.
Il y a des corps pliants,
Des corps pratiques,
Sans mémoires,
Sans histoire,
Ils passent épargnés.
Il y a des visages parfaits,
Des visages clignotants,
Sans rien d’ombre,
Sans rien qui tourne
Ils passent pour passer
Il y a des gens amoureux,
Qui mettent des fleurs
Dans les cheveux de l’aimé
Sans rien dire, Sans compter,
Ils passent et ils aiment.
Il y a des vies bosselées,
Des vies de travers,
Sans cheveux d’Ange,
Sans barbe à papa,
Ce sont des vies que l’on sent passer.
Il y a un temps lâché,
Un temps pour s’en foutre,
Avec les yeux plein de paillettes
Et un cornet de rêves
On le prend comme il est,
Tout défroissé
L'un de mes fils est dans l'entrée, son blouson sur le dos. Il est, comme on dit, en pleine adolescence. On craint le pire, on attend le meilleur. Jusqu'au jour où un air nouveau sur le visage, un ton plus doux dans sa voix et, oui, l'adolescent rugueux à prendre avec des pincettes n'est plus. Jeune homme il est devenu.
A mon père
Je garde
Le bleu de tes yeux
Et laisse
Les ombres du soir
Je garde
Le précieux
Et rends à l'oubli
Ce qui sera sans trace
Je garde
L'amour rare
Et laisse
Celui que tu ne savais pas
Les lieux du cœur que tu as habités
Seront les futures demeures
Où nous viendrons
La main de nos enfants serrée
Dans notre main
Je me sent doublement différente. je n'appartiens plus depuis longtemps à la famille des gens normaux, et je ne vis pas comme eux. Je n'appartiens pas plus à celle des parkinsoniens, et je ne vis pas comme eux.
La médecine ne s'intéresse pas à cette différence.
De l'école à l'hôpital, une rue à traverser.
Ces enfants sont des terres en friche, non ensemencées, de l'herbe sauvage et vivace, leur intelligence en veille, tapie derrière leur souffrance. (p.24)
Rien ne nus vient que de nous.
L'autre m'est nécessaire pour recevoir.
Je suis nécessaire à l'autre pour qu'il donne.