Ne les laisse pas te briser ou te rendre plus dure. Ce monde est sans pitié, il n’a pas été conçu pour toi.
Tu sais comment on combat un cauchemar ? Est-ce que tu sais seulement de quoi est fait un cauchemar ?
Non.
Tu assembles des bouts d’histoires pour te créer un chez-toi ou une famille. Certains bouts, on te les donne, d’autres, tu les fabriques toi-même en vivant ta vie. Un cauchemar, c’est quand les bouts les plus moches et les plus féroces s’agglutinent ensemble, et partent chasser d’autres histoires pour les dévorer.
"Mais où irons-nous ? fit Omid, les yeux écarquillés. Jadis, il n'avait été qu'un petit garçon aux genoux croûtés, pas plus lourd qu'un sac de blé. Jadis, Hassan l'avait porté sur ses épaules.
Je n'en sais rien, répondit Hassan. N'importe où, Là où vont ceux qui quittent l'Afghanistan. C'est un pays d'exilés, un pays d'hirondelles migratrices. Toutes finissent par trouver un lieu où se poser. Toi aussi, tu trouveras."
Alors pourquoi ta famille à toi a quitté l’Afghanistan ?
Ils refusent de me le dire.
Ils refusent de te le dire ?
Abay dit que je n’ai pas besoin de le savoir.
Mais bien sûr que si ! On a besoin de raisons autant qu’on a besoin d’eau et d’air. Je serai la meilleure amie que tu aies jamais eue. Je te la trouverai, ta raison.
Tu sais comment on combat un cauchemar ? Est-ce que tu sais seulement de quoi est fait un cauchemar ?
Non.
Tu assembles des bouts d'histoires pour te créer un chez-toi ou une famille. Certains bouts, on te les donne, d'autres, tu les fabriques toi-même en vivant ta vie. Un cauchemar, c'est quand les bouts les plus moches et les plus féroces s'agglutinent ensemble, et partent chasser d'autres histoires pour les dévorer.
Firuzeh dit : Tu ne peux pas te battre contre une histoire.
Bien sûr que si. Il suffit de casser un cauchemar en petits bouts d'histoires dont il est constitué, et boum, plus de cauchemar.
Et donc ?
Tu vis dans un cauchemar. Tu devrais le mettre en pièces.
Tu es cinglée.
L’ennui, déclara Nasima, c’est pire que les requins. Ils avaient vu les ailerons au loin la veille, mais à présent la mer n’avait plus à leur montrer que des bouteilles en plastique, des paquets de chips et des entrelacs d’algues.
Firuzeh rétorqua qu’elle préférait l’ennui.
"Firuzeh dit : Atay est un héros. Il transperce les lions et les dragons de sa lance. Il vaincra le div maléfique du ministère de l'Immigration, et lui coupera la tête.
Assez, dit Atay posément. Votre mère a raison.
Firuzeh insista. Elle raconterait cette histoire comme il le faudrait.
Tu iras sur ton cheval tacheté - enfin, dans ta voiture - jusqu'au bureau du ministère, et tu brandiras la vérité contre eux, telle une épée. Vous ne voyez pas ce qui se passe vraiment en Afghanistan ? Nous ne pouvons pas y retourner : nous nous ferions tous tuer. Et la vérité leur transpercera le cœur."
"Merci", dit Grace aux photos. D'être montés à bord de ces bateaux. D'avoir lutté. D'avoir menti. De ne pas avoir lâché. D'avoir vécu. D'avoir trouvé la mort. D'avoir travaillé treize ou quatorze heures par jour dans une supérette à Footscray avant de déménager dans les collines. Pour les appels téléphoniques longue distance et les visites occasionnelles, pleines de gêne réciproque, lors desquelles Grace devenait soudain la parente riche et choyée, avec sa peau vierge de cicatrices, ses blessures invisibles.
Merci, c'était bien trop peu.
Comme quand j’étais en vie. Je n’étais qu’un espace en forme de fille dans l’univers. Quelque chose à nourrir. Auquel on met des chaussures et des robes. Qu’on élève comme il faut, comme un mouton, afin de pouvoir l’amener un jour au marché. Mais quelque chose qu’on ne voit pas, pas vraiment. Personne ne voit jamais vraiment sa fille. Pas comme on voit ses fils. Qui eux valent quelque chose. Qui eux travailleront un jour.
"A-t-il quelque chose de juste ce monde ? rétorqua Abay. Ou est-ce que tout nous enseigne à nous soumettre à Dieu ?"