interview de Diane Setterfield
Je consultai l'ordonnance. D'une écriture vigoureuse, il avait inscrit : Sir Arthur Conan Doyle, Les Aventures de Sherlock Holmes. Prendre dix pages, deux fois par jour, jusqu'à épuisement du stock.
Les gens, en mourant, disparaissent. Leur voix, leur rire, la chaleur de leur souffle. Leur chair. Et pour finir, leurs os. Plus rien n'est là pour rappeler qu'ils ont vécu. C'est une réalité à la fois terrible et naturelle. Et pourtant, certains se voient épargner un anéantissement aussi total. Car dans les livres qu'ils ont écrits ils continuent à exister. Nous pouvons les redécouvrir. Retrouver leur humour, la tonalité de leur voix, leurs humeurs. Par le biais du mot écrit, ils peuvent nous mettre en colère, ou en joie. Nous réconforter. Nous intriguer. Nous transformer. Et tout cela, alors même qu'ils sont morts. A l'instar d'insectes piégés dans l'ambre, ou de cadavres prisonniers des glaces, ce qui, selon les lois de la nature, devrait disparaître se trouve, grâce au miracle de l'encre sur le papier, préservé. Une forme de magie.
" - Tu connais des histoires ? demanda Emma à Aurelius.
" - Rien qu'une.
" - Rien qu'une ? fit-elle, abasourdie. Y a des crapauds dedans ?
" - Non.
" - Des dinosaures ?
" - Non.
" - Des passages secrets ?
" - Non."
Les enfant se regardèrent. De toute évidence, elle devait être plutôt moche, cette histoire.
" Nous, on en connaît des tas, dit Tom.
- Des tas, dit sa sœur d'un air rêveur. Avec des princesses, des crapauds, des châteaux hantés, des bonnes fées...
" - Des chenilles, des lapins, des éléphants...
" - Toutes sortes d'animaux.
" - Plein de sortes."
Ils se turent, absorbés dans la contemplation partagée d'autres mondes.
La lecture ne m'avait jamais trahie. Avait toujours été la seule chose sur laquelle je pouvais compter.
Quand on n'est rien, on invente. Pour combler le vide.
" Parfois, on sait des choses. A propos de soi-même. Des choses qui remontent loin, avant ses propres souvenirs. Sans pouvoir l'expliquer."
Vous connaissez ce sentiment qui vous vient quand on commence un nouveau livre avant que la membrane du précédent ait eu le temps de se refermer complètement? Les idées, les thèmes et même les personnages du dernier ouvrage ont imprégnés les fibres de vos vêtements, et quand vous ouvrez le suivant, ils sont toujours là.
Sa gorge expulsait les mots comme autant de petits cailloux, durs et secs.
La pluie d’été explosait mollement sur ses épaules en grosses gouttes tièdes qui semblaient contenir leur double poids d’eau. C’était le soir, mais il ne faisait pas encore nuit, et la lumière tombait sur les feuilles mouillées et les flaques des chemins, nimbant tout d’un scintillement argenté. Les gouttes incessantes donnaient au miroitement du fleuve un fini grêlé.
Bien que les enfants soient capables de la plus grande cruauté. Le problème, c'est que nous nous refusons à le reconnaître.