Les oubliettes consistaient en un dédale fétide et obscur de trous creusés dans le sol et scellés de grilles rouillées. Ses malheureux occupants y étaient jetés comme des rats au fond d'un puits et laissés à pourrir dans l'humidité glacée et la crasse jusqu'à ce qu'on les tire pour un interrogatoire ou qu'ils meurent. En guise de repas, on leur faisait couler un gruau infâme sur la tête. Leurs vies étaient dépourvues de lumière, de chaleur et d'espoir, les réduisant à de misérables et hagardes créatures oubliées de tous, sauf de leur geôliers. Leurs gémissements saturaient l'air, expressions primitives et surréelles d'une angoisse pure qui ne diminuaient jamais en intensité.
Il n'était pas en classe. Il n'était plus obligé de faire ce que ces hommes voulaient qu'il fasse.
Sans cloche pour leur dire quoi faire, les novices se retrouvaient interdits, livrés à eux mêmes. C'était exactement ce que les maîtres voulaient d'eux. Mais jamais lui ne deviendrait un être obéissant et dénué de volonté. Le rabâchage, la cruauté et la peur étaient les outils de ces professeurs paresseux. Ils ne voulaient pas que les novices pensent par eux mêmes ni n'apprennent à grandir. À leurs yeux, les esprits curieux étaient dangereux. Les maîtres préféraient en faire des singes savants, des singes silencieux et respectueux, qui ne sauraient guérir que les cas les plus simples et se trouveraient désarmés devant ceux qui demandaient un tant soit peu d'innovation.
Il puisa dans sa colère la force de repousser ses craintes. Cet endroit se repaissait de la peur, s'en servait comme d'un outil, comme d'une arme pour mettre ses élèves à genoux. Il n'y avait pas de joie ici, pas de lumière. Les rêves et les aspirations se diluaient dans l'abrutissante monotonie du labeur, des avertissements et des punitions.