Ce qu’il nous livre, c’est le visage d’un vieil homme attristé et fatigué par les tourbillons incompréhensibles de la vie qui l’ont mené jusque-là. Vêtu de noir, il détourne les yeux de l’obscurité occupant un côté du tableau, mais on a l’impression qu’elle avance lentement vers son visage et s’infiltre déjà dans sa peau.
[Le narrateur évoque un autoportrait de Rembrandt]
So I suddenly understand that biology and genes don’t actually bestow a connection, that whatever finally exists is only through what has been made with these same hands that grip the wheel and not just by a name on a birth certificate.
J’ai soudain compris que biologie et gênes ne sont en fin de compte à la source d’aucun liens affectifs, ce qui existe est uniquement ce qui a été conçu avec ces mêmes mains qui tiennent le volant et rien à voir avec un nom écrit sur l’acte de naissance.
- Quand on a regardé les types se poser sur la lune, mon vieux était assis en maillot de corps, une bière à la main, et vous savez ce qu'il a dit ?
J'ai secoué la tête.
"Pas la peine d'aller si loin pour savoir ce que c'est que la solitude." Vous vous rendez compte Mickey? "Pas la peine d'aller si loin pour savoir ce que c'est que la solitude." Ce sont ses mots exacts.
Un ciel sans nuages s’étire, tendu et sans limites, sous lequel je nous vois tels que nous sommes : de petits hommes brindilles, dont les quelques pas de vie ne laisseront aucune empreinte sur la suprématie torride du paysage.
Les gens ne comprennent pas les photos. Ils pensent qu’elles figent toujours l’instant dans le temps, alors qu’au contraire, elles l’en libèrent, et ce que l’appareil a saisi échappe à jamais à son écoulement. De sorte que ça existera toujours, vivra toujours tel qu’en cette seconde précise, avec le même sourire ou le même air renfrogné, la même couleur de ciel, la même lumière ou la même ombre, la même pensée ou le même battement de cœur. C’est l’éternel qui est libéré dans la soudaine immobilité créée par le clic de l’appareil photo.
(...) je réalise que quand on fait un pas en avant, même un petit pas, l’étau de la peur se desserre un peu. Elle est encore là, mais diminuée, et on s’autorise à moins se considérer comme une victime sans défense, car au bout du compte c’est le sentiment d’impuissance qui nous tue.
(...) je comprends alors la justesse de ce qu’a dit Ansel Adams : qu’on ne prend pas une photo seulement avec l’appareil, mais en y apportant toutes les images qu’on a vues, les livres qu’on a lus, la musique qu’on a entendue, les gens qu’on a aimés.
Jamais je ne me suis senti aussi proche de mon père, parce que c’est la seule fois, avant sa lente déchéance, où les forces dont le bardait une vie entière de foi avaient cédé : nous étions côte à côte, tels des égaux, sans que rien ne nous sépare dans ce moment de terreur partagée.
(...) c’est là un des paradoxes de la parentalité : la plupart du temps, ça se passe mieux quand on leur laisse de l’espace, et il n’y a pas de plus sûr moyen d’envoyer nos enfants sur une orbite lointaine que d’essayer de les maintenir dans notre champ gravitationnel.
Voilà une des plus grandes bizarreries de la vieillesse – on s’imagine que tout le bouillonnement et les désordres de nos jeunes années devraient, avec le temps, laisser place à une sécurité intérieure, une solidité propre à nous préserver des grandes marées de la vie, alors que ce qui demeure en réalité est un autre courant d’incertitudes troublantes. Et s’il ne se déplace pas avec l’énergie printanière de la jeunesse et qu’on se croit protégé par l’argent et le statut qu’on s’est assurés, on ne peut jamais jurer qu’en un instant – face au sourire fugace d’une serveuse ou à une mémoire hésitante – ces défenses ne vont pas s’éroder irrémédiablement.