Bientôt, alors que les étoiles ont cessé de se mouvoir et se tiennent immobiles à leur tour à nous observer, alors que les heures ont passé, que la chaleur a baissé et que le ciel rosit insensiblement, je m'allonge sur toi, je t'enveloppe de mon corps, et chaque chose soudain, dans l'univers qui nous abrite, a trouvé sa place.
Dans le désert, le ciel est, la nuit noire venue, un incroyable champ d'étoiles.
Je reste allongé dans le silence. Le sable, qui s'est rafraîchi, file comme un ruisseau pâle entre mes doigts.
On a déroulé là-haut une carte du ciel si précise et si étincelante, où tout clignote avec tant d'intensité qu'il me semble que je me rapproche lentement du ciel, et que dans un instant j'y nagerai comme en rêve.
En cet instant,
clair et pur,
la fulgurance sensuelle de ton regard est
un orage invisible qui se lève
nous enveloppe
et nous éparpille
dans l'intense parcelle de monde
qu'est notre jardin.
Ce pêle-mêle furieux, je l’ai réordonné au fil de mes pas, comme on remonte à la source.
Marchant sur les chemins ou dans le lit des rivières.
Blottie près du feu, dans l’air du soir.
Assise sur les crêtes, accueillant en silence la lumière du petit jour.
J’ai mis de l’ordre.
Il me semble que je transporte enfin, au centre de moi, un vaste jardin.
Un jardin nomade, comme la somme de tous les jardins.
Un jardin comme une histoire qui nous raconte et nous contient.
Et lorsqu’on me trouve et qu’on m’emmène, tout est en place dans mon esprit.
Le bien, le mal, les joies pures et les fautes inavouables.
Tout se confond et s’annule enfin
p 234
Il me semble que je transporte enfin, au centre de moi, un vaste jardin. Un jardin nomade, comme la somme de tous les jardins. Un jardin comme une histoire qui nous raconte et nous contient.
Ainsi, découvris-je qu’un jardin, un simple îlot de luxuriance, était une aventure intellectuelle et émotionnelle à la fois, qu’il pouvait me raconter exactement, me soigner précisément, m’épouser de toutes ses feuilles, m’ancrer de toutes ses racines. Je n’avais ni ses mots, ni la délicatesse de son pinceau, résumant d’un seul trait la brièveté et la beauté des choses, dans le mauve pâle de ses pavots sauvages, ou le rose énamouré des fleurs de son cognassier. Mais je voulais être un peu cette femme.
p80
[INCIPIT]
J'espère que dès la première ligne tu me reconnaîtras. Je suis la femme avec laquelle tu vis depuis tant d'années. Du moins, je vis enroulée dans ton esprit. Je t'accompagne le long des routes et des paysages que tu traverses.
Les soirs sont interminables et les nuits splendides, le ciel est profond et incroyablement étoilé comme il ne l'est qu'à la campagne.
Je lis mon prénom sur ta bouche plus que je ne l'entends. Tu franchis la barrière, tu es parmi les arbres, de l'autre côté. Tu te retournes, tu me regardes avec dans les yeux un question intense, un désir de moi que je refuse de comprendre. Tu es à la lisière du bois et posté là, depuis toujours peut-être, tu m'attends.
Puis ils plongent l'un dans l'autre. Les yeux. Qui ont tant imploré. La bouche. Qui a tant attendu. Les mains. Qui ont tout imaginé.