- Danser encore, de Charles Aubert aux Editions Istya & Cie.
"Une pure merveille par un auteur qui écrit merveilleusement bien !" - Gérard Collard.
L'histoire du boxeur tsigane qui osa défier Hitler. Ce roman en dix rounds s'inspire de la vie de Johann Trollmann, dit " Rukeli ", boxeur tsigane qui vécut en Allemagne sous les nazis et fut assassiné le 9 février 1943 dans le camp de concentration de Neuengamme. À retrouver sur lagriffenoire.com
https://lagriffenoire.com/danser-encore-2.html
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Belles lectures !
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Le lendemain du jour où elle a pris l'avion, j'ai commencé à ressentir des difficultés à me lever le matin. Ensuite tout s'est enchaîné, avec cette impression de faire de l'apnée dans le tambour d'une machine à laver. Le programme essorage a duré plus d'une année.
Vieux Bob disait parfois que j'étais un décroissant, comme lui, un de ces gars qui ne croient plus au progrès, qui rejettent l'idée même de consommation, et méprisent plus que tout la course à la réussite sociale. J'avais peut-être en apparence quelques points communs avec les décroissants, mais aucune prise de conscience, aucun choix politique, aucune volonté de sauver la planète n'était à l'origine de ma décision de vivre dans une cabane. Simplement une grande fatigue causée par un ras-le-bol de l'humanité qui s'était carambolée avec une cruelle désillusion sentimentale. Je me sentais ainsi plus proche d'un misanthrope ou d'un amoureux déçu que d'un militant altermondialiste.
Entre deux offices, je rentrais dans une église. Je m'asseyais sur un banc. Je m'imprégnais de l'atmosphère. Les lumières des vitraux, les parfums de myrrhe, l'air plus épais, plus enveloppant, le silence surtout. (...) Plus tard, je me levais à peine plus léger et plongeais à nouveau dans la rumeur de la rue comme dans une rivière en crue.
Mettre des mots sur des maux. On lisait ça dans toutes les revues de psychologie. Tout le monde s'évertuait à vous faire cracher le morceau, vous encourageait à déballer votre intimité.
J'aimais beaucoup les couleurs saturées qui arrivaient avec l'orage. C'était comme si la vie gagnait en intensité. De mémoire, il n'y avait que les orages et l'amour pour donner cette sensation-là. Mais je n'étais plus vraiment sûr en ce qui concerne l'amour.
Entre l’exploitation d’Alex et ma cabane, la route longeait les étangs et la mer. Ce paysage était invraisemblable, je n’arrivais pas à m’en lasser. De l’eau partout et un ciel très haut, très bleu. Ces jeux de miroirs et ces espaces infinis donnaient une impression de vertige. Il fallait juste fermer les yeux sur les stations balnéaires, les bases de loisirs et les villages-vacances qui parsemaient le littoral et venaient rappeler la vulgarité des hommes. Mais hors-saison, ils étaient laissés à l’abandon et livrés au vent et au sable. La nature reprenait ses droits. Le décor, une certaine élégance.
Je prenais les chemins les uns après les autres. Je les connaissais par coeur. Je longeais les lagunes, le canal. Je suivais la côte. J'étais parti vers l'ouest. On part toujours vers l'ouest.
Vers là où le soleil se meurt.
Bautista se tenait le buste bien droit, les mains posées l'une sur l'autre sur le plateau de son bureau comme Giscard s'apprêtant à dire au revoir aux Français en mai 1981.
Devant lui, l'étang bourbeux avait pris des teintes inattendues. Un mélange de sirop d'orgeat et de curaçao, relevé sur la crête des herbiers d'un zeste de citron vert.
Il était important de se laver les mains pour se débarrasser de la poussière du monde extérieur.