Payot - Marque Page - Bulle Ogier - J'ai oublié
J'ai oublié dans quelle circonstances j'ai pris du LSD avec Jimmy Hendrix. Je n'en ai jamais parlé à personne, et surtout pas à Barbet que cela agace. Je ne sais ni pourquoi ni comment, Jimmy Hendrix, très peu de temps avant sa mort en 1970, et qu'il me semble n'avoir jamais rencontré nulle part et certainement pas dans les endroits ou je dansais, est entré dans ma chambre avec sa guitare.
J’ai oublié mes nuits à La Coupole, où j’ai rencontré tous les gens que je connais. Ou plutôt que je connaissais. Mes amis meurent. Je suis sur cette pente de la vie. Je n’ai pas oublié mes nuits à La Coupole, mais elles reviennent à moi, comme une seule et gigantesque vague réjouissante qui m’aurait emportée pendant une ou deux décennies.
J'ai oublié que j'ai eu une vie très amusante joyeuse jusqu'à la disparition de Pascale. Mais cette gaîté s'est fracturée sur la tragédie, ma vie s'est coupée en deux, je suis tombée dans le gouffre entre ces deux falaises, je sais bien que j'ai été cette jeune femme enchantée et chanceuse, qui est restée sur autre rive et qui parfois la rejoint.
Je n’ai plus tellement envie de passer sur un écran, maintenant. C’est derrière moi. Je n’ai pas une tête qui m’intéresse quand je la vois. Je la déteste. Elle me donne envie de fuir. Je date d’une époque où l’on était assez dilettante sur son image. Les gens avec lesquels j’ai travaillé comprenaient très bien qu’on ne soit pas à cheval sur un mauvais profil. On était tout juste contents de faire au mieux ce qu’on avait à faire. Être au service du metteur en scène et non de soi-même état la seule ambition.
On le dit toujours mais j'ai envie de le répéter car les histoires d'amitié et de créations collectives, les bonheurs qu'elles engendrent, et l'énergie et le désir de vivre qu'elles suscitent sont de celles qui m'émeuvent le plus.
Je n’ai jamais pensé que j’avais le profil pour être actrice. Je ne sais rien faire d’autre que jouer, et pourtant, si je ne joue pas, ça ne me dérange pas. Il n’y a aucune désinvolture ni once de condescendance dans mon propos. Je sais bien que l’absence de reconnaissance engendre des tragédies, tout comme le trop immédiat et gigantesque succès, et j’ai eu beaucoup de chance de me maintenir sur un chemin de crête, ne subissant ni l’ignorance ni l’impérieuse gloire, n’étant jamais dépendante d’un seul cinéaste dont j’aurais été l’objet.
Oliveira était un homme capable de prendre sin temps, de s'arrêter deux jours pour chercher un plan, comme Rivette et Buñuel . J'étais rassurée.
Je n’oublierai jamais que l’unique fois où mon père a été salvateur à mon égard, c’est lorsqu’il m’a retiré le droit de porter son nom.
Une rupture amicale, c'est un effondrement.
Si la procrastination était un royaume, j'en serais sa reine, la reine d'un royaume au nom horrible. Mais si on change le nom de ce royaume, si on le nomme libellule, est-ce que la manie de tout reporter au lendemain devient aussi légère et indivisible que les demoiselles du même nom?