Quand j’étais plus jeune, je cherchais la réponse aux questions.
Le silence était une réponse. Si je tendais l’oreille,
j’entendais le vent en mouvement, une porte qui battait.
Les gens allaient et venaient, je me réjouissais
de l’inconnu, j’oubliais vite
et la joie et la stupeur : j’y étais comme chez moi.
À présent, j’ai commencé à parler pour moi-même,
comme si je voulais connaître celui qui parle
et écoute si mal à l’intérieur de mes pensées.
Quelques mots se cherchaient loin en moi
en quête d’un refuge contre quelque chose
de trop difficile à voir. Je les ai couchés sur le papier.
Voilà ce que m’ont appris les mots qui sont venus :
l’adieu est une part de tout ce qui vit
et, quand je rêvais de plus belle,
un retour.
Si un matin à l'aube, avec d'infinies précautions,
tu tentes de mesurer l'air entre deux arbres immobiles,
tu aperçois un arc de fraîcheur presque invisible, tel un chant.
Tu vois que l'été est en chemin, et peut-être peux-tu, si ton coeur,
même en pensées, est proche du coeur lumineux de quelqu'un d'autre,
être empli de la consolation heureuse venue d'une source inattendue,
invisible.
La lumière jaillit telle une arche et le souleva
au-dessus de l'homme usé qu'il était. Il y avait
quelque chose d'autre : un enfant curieux empli de joie
à la vue d'un espace que personne d'autre
ne voyait. Seul le vide comptait pour lui
dans son souvenir encore proche, pour longtemps
par la suite. On aurait dit qu'une part
de la lumière émanait de lui-même.
Elle l'emplissait de certitude, quelque chose
qui n'appartenait qu'à lui mais qu'il était libre d'offrir
à autrui. Alors l'inquiétude qu'il ressentait
prit sens, transparente, un cadeau.
Lorsque, dans les éclairs de sa fuite, l'hirondelle se jette
vers le ciel et qu'au coeur des ombres de l'arbre, les amants
voient le soir s'approfondir et la mer se mêler au silence,
les ombres de la terre attendent dans la douceur de la brise le froid
de la nuit. Le temps s'immobilise. Là-bas, par delà la baie,
quelqu'un a déjà allumé sa lampe à la fenêtre. Bientôt,
encore un jour de passé dans la vie éphémère.
L'été vint avec sa verdure et ses flots de chaleur débordante.
Les jours filaient, abandonnant le dégoût dans des traces d'ombres.
Vint alors un moment qui réclamait la distance et un esprit d'hiver.
La sensation était saisissable comme un jour clair, mordu de gel.
Avoir vécu sur terre était en partie un tourment, en partie un bonheur.
Etait-ce si simple ? Y avait-il, à la fin, une puissante clôture
des comptes ? Il suffisait peut-être d'un rêve éveillé, d'un repos attentif
et de pas plus de tourments que les jours n'en pouvaient supporter.
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