Mais moi, qui ai rencontré l’une d’elles dans l’espoir d’établir un contact avec le clan, je constate l’évidence : on ne manque pas nécessairement d’intelligence sous prétexte qu’on n’est pas allé à l’école.
Les paroles du père résonnaient dans la tête de Johanna. Ne vous fiez jamais au grand jamais aux deux P, je parle du Pasteur et de la Police.
- Pourquoi vous compliquez-vous la vie à ce point?
- On respecte la tradition.
- Quelle tradition? Heikki n'habitait pas en pleine forêt. Pas à une distance à ce point délirante du magasin le plus proche.
- Il voulait nous protéger des forces du mal. Pour lui, on était assez fortes pour y arriver.
- Etes-vous certaines qu'il avait vraiment votre intérêt en tête?
Tania fronça les sourcils. L'homme assis en face d'elle n'était-il pas l'ami de leur père ?
Omi se pencha vers elle et la regarda droit dans les yeux.
- Il faut une dose de folie pour devenir un maître. Les hommes glorieux ne sont pas toujours des bienfaiteurs pour leurs proches.
Si l’on veut apprendre une vérité fondamentale concernant quelqu’un, l’enfance est décisive. Comment peut-on prétendre connaître un être sans avoir une idée de ce que furent ses parents, leurs origines et la position sociale de leur lignée ?
Le vent hurlait et la lune ressemblait à une faucille de glace emballée du tulle.
Johanna reprit d'une voix puissante :
- EN TANT QUE CHEFFE, je vais vous enseigner à devenir des chasseresses souveraines. Aucun castor, si vif soit-il, ne nous échappera. Nous deviendrons habiles à pêcher le bro-chet, la perche et l'omble. Ne soyez pas trop paresseuses pour prendre avec gratitude ce que vous offre la forêt, je pense aux champignons, aux myrtilles, aux airelles, aux camarines noires et au raisin d'ours. Et les framboises sauvages sont des bonbons.
« Père disait: "Ne me pleurez pas. Employez la force du chagrin à construire un sauna. Le sauna console. En cas de bagarre, allez dans le sauna. La chaleur calme aussi les esprits surchauffés."»
Quelle difficulté de prendre une décision, quand on a l'habitude que ce soit toujours les autres qui choisissent pour soi !
Mon cher frère estime que je dois leur apprendre à lire. Je n'ai pas le droit de les priver de la lecture et de sa capacité à provoquer l'ivresse, une ivresse assez semblable à l'extase divine : on en est tout empli, mais sans l'inconvénient de la gueule de bois.
Ainsi se termina la première évasion des sœurs. Une graine de liberté avait été semée.
Les filles l'écoutaient attentivement, à l'affût du moindre geste de sa part. Tout ce que faisait le père, elles le copiaient. Sept bébés regardés. Non, six. Laura se tenait à l'écart comme d'habitude et suivait le monologue paternel d'une oreille distraite en guettant le ciel, à croire qu'elle venait d'y apercevoir un truc interessant, alors qu'en réalité bien sûr tout se confondait sous son regard de myope.
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