Citations de Aki Shimazaki (1057)
- Grand-mère, pourquoi les Américains ont-ils envoyé deux bombes atomiques sur le Japon ?
- Parce qu'ils n'en avaient que deux à ce moment-là, dit-elle franchement.
Je lève les yeux.
Couvert de nuages épais, le ciel s'étend à l'infini. Il fait anormalement chaud et humide pour une fin d'été. C'est encore le matin. Pourtant, je sens ma chemise déjà trempée de sueur.
Au-dessus de moi, un couple d'hirondelles passe rapidement. Elles vont et viennent entre le toit d'une maison et un fil électrique. Elles partiront bientôt vers un pays chaud. J'aimerais bien voyager librement comme elles.
Ma mère m'a dit une fois : " Si on pouvait renaître, j'aimerais renaître en oiseau. "
Il se taisait. Je tremblais de froid.
- Tu ne portes qu'un chandail ! cria-t-il.
Il portait un gros manteau de son père. Il l'ouvrit pour que je puisse m'y réchauffer. Bien que son geste m'ait étonnée, je m'appuyai contre sa poitrine. La chaleur courait dans mon corps. Couverte du manteau, je restais immobile. J'entendais le vent souffler doucement dans les feuilles de bambous. La tranquillité et la paix étaient entre nous et autour de nous. Le temps s'arrêtait.
Je voyais les boutons de camélias, bien tenus par les calices. C'étaient les camélias qui fleurissent en hiver. Dans la campagne près de Tokyo, quand il neigeait, je trouvais les fleurs dans le bois de bambous. Le blanc de la neige, le vert des feuilles de bambous et le rouge des camélias.
C'était une beauté sereine et solitaire.
Je continuais à coudre pour gagner de l'argent. En fin de semaine, quelqu'un de l'usine venait chez moi chercher les vêtements que j'avais terminés. Un jour, j'ai reçu la visite de Madame Shimamura, que je n'avais pas vu depuis longtemps. Elle n'habitait plus dans le même village que moi. A ma surprise, elle travaillait aussi pour cette usine. Je l'ai invitée à prendre le thé. Elle m'a appris la triste nouvelle à propos de son fils : il avait été capturé à Saïpan par les américains et il était mort là-bas. On ne connaissait pas la vraie cause de sa mort, a-t-elle dit, mais des gens blâmaient sa famille en disant qu'il aurait dû se suicider avant d'être capturé, que sa mort était une honte.
[...] si la vie de célibataire dure trop longtemps, il devient difficile de se marier : plus on est âgé, plus augmentent les exigences envers le partenaire. Si on réfléchit trop, le mariage ne se réalisera jamais.
Les femmes sont compliquées, leurs gestes envers les hommes qu'elles aiment sont souvent différents de leurs pensées.
La différence est simple. La religion, c’est de croire, et la philosophie, c’est de douter.
Ce soir encore, ton oreiller est baigné de larmes.
A qui rêves-tu ? Viens, viens vers moi.
Je m'appelle Azami. Je suis la fleur qui berce la nuit.
Pleure, pleure dans mes bras. L'aube est loin encore ...
(berceuse...)
Je me demande toujours qui j'étais dans mes vies antérieures et qui je serai dans mes vies futures.
À chaque vie, je ne suis pas la même personne, mais l'âme demeure la même en changeant de corps éternellement.
C'est comme un collier de perles sans fin.......
............... Lorsqu'une perle en croise une autre, - c'est le moment où on rencontre quelqu'un, comme nous -, ce sont les deux âmes qui se croisent.
Le 15 août, après ces deux bombes atomiques, l'empereur Hirohito déclara la défaite du Japon à la radio. Je ne comprenais pas ce qu'il disait : sa voix n'était pas claire. Je croyais qu'il nous ordonnait de faire gyokusai. On se mît à pleurer devant la radio en répétant : " La guerre est finie ! ". Pourtant, ce que je ressentais à ces mots, ce n'était pas le soulagement ni la joie, mais c'était le regret de ne pouvoir nous battre jusqu'à la mort.
A Nagasaki, depuis le dernier bombardement, on voyait des avions ennemis passer au-dessus de nous. On commençait à évacuer des personnes âgées et des enfants de la ville. Pourtant, personne ne pouvait prévoir que notre ville serait la prochaine victime de la bombe atomique.
Même sans la guerre, on peut devenir fou.
— Je me suis marié avec elle par miaï [rencontre arrangée]. C’est une femme gentille et attentionnée. En plus, c’est une bonne mère. Je ne me plains pas. Mais j’ai besoin de changement.
— Est-elle au courant pour tes maîtresses ?
— Peut-être que oui, peut-être que non. Mais quel avantage aurait-elle à le savoir ? Si j’en avais seulement une, ce serait inquiétant pour elle, mais ce n’est pas le cas. Mes maîtresses, ce ne sont que des aventures. Je n’ai aucune intention de divorcer d’avec ma femme.
La conversation entre eux ressemblait à un interrogatoire de police : ma mère voulait connaître chaque détail alors que mon père en disait le moins possible.
Perdre son travail, ce n'est pas seulement perdre de l'argent. C'est aussi perdre sa confiance en soi et son but dans la vie. (p.73)
J’aimerais rencontrer la femme qui a besoin de moi et dont j’ai besoin aussi. J’aimerais dormir en la tenant dans mes bras, en touchant sa peau douce et chaude, en caressant ses cheveux, son visage, son cou…
Aller boire après le travail, c'est une coutume qu'on ne peut ignorer. Si l'on souhaite rester dans la même compagnie, il faut accepter ce mal nécessaire,car cette obligation régit les relations humaines au sein de la société japonaise.
Au début, l'œuvre donne une impression d'inachevé, mais elle prend peu à peu de la profondeur à mesure qu'on s'en sert.
Comme si elle et son utilisateur accomplissaient une harmonie ensemble.
Comme un couple assorti.
— Ojîchan, pourquoi les lucioles émettent-elles de la lumière ?
Il répond :
— Pour attirer des femelles.
Je suis étonnée :
— Alors, les lucioles sont-elles mâles ?
— Oui. Les femelles sont des vers luisants. Elles émettent aussi de la lumière, mais elles ne volent pas. Les deux s’échangent des messages amoureux en clignotant.
Je m’exclame :
— Comme c’est romantique !
— Oui, dit Ojîchan. Au moins pour nous, les Japonais.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— En France, il existe une superstition étrange : ces lumières seraient les âmes des enfants morts sans avoir reçu le baptême. Pour les gens qui y croient, ces insectes sont bien sinistres.
Le mot « sinistre » me fait penser à la scène du soir de la bombe atomique qu’Obâchan m’a racontée une fois : « J’ai vu une volée de lucioles au-dessus du ruisseau, qui était écrasé par les ruines des bâtiments. Les lumières de ces insectes flottaient dans le noir comme si les âmes des victimes n’avaient pas su où aller. » Je me demande où ira l’âme d’Obâchan. Va-t-elle errer pour toujours entre ce monde et l’autre monde ? Ses jours sont comptés. J’espère qu’elle trouvera le calme et pourra mourir en paix, comme Ojîchan.
Ma femme me demande :
— Vivre, qu’est-ce que c’est pour vous ?
Son expression est grave. Un instant, j’oublie qu’elle est atteinte d’alzheimer.
— Fujiko-san, c’est une grande question philosophique. Trop vaste pour y répondre en quelques mots. Qu’en pensez-vous ?
— Pour moi, c’est aimer et être aimé.