Et le papier journal qui tenait lieu de papier hygiénique, avec la crainte que, par mégarde, il y eût une photo de Mao servant à un usage peu glorieux, ce qui attirerait immanquablement les pires ennuis.
[…] la vie quotidienne, quand elle n’est pas assurée, quand on a juste de quoi se nourrir, quand on s’entasse à quatre dans dix mètres carrés, engloutit une part substantielle de l’énergie et des aspirations, et que là où règne la nécessité, il manque déjà la liberté.
Un de nos anciens étudiants, désormais sexagénaire et retraité, a évoqué avec nostalgie le temps où il était possible de laisser ouvertes les maisons sans craindre les voleurs. Le genre de remarques que l'on entend dans la campagnes françaises. L'histoire est la même, partout.
(p. 110, Ch 5 : l'intégration impossible).
C'est par l'écriture, en produisant un nouveau récit de mes années chinoises qui fait retour sur le premier, l'intègre, le dépasse, que je pourrai peut-être raccorder, au-delà du temps disparu, la jeune femme que j'étais à celle qui entre désormais dans la dernière ligne de sa vie. Qu'est-ce que la vérité d'une vie ? Est-elle à ce point erratique qu'on ne reconnaisse plus celle qu'on a été ? Comment reconstruire l'unité d'un moi au-delà de tant de ruptures, de bifurcations, sinon par le récit ? Il n'y aurait d'identité que narrative.
Il faut tout à la fois ressaisir l’air du temps et le mettre à distance. C’est ce que m’a appris mon métier d’historienne, surtout ma réflexion sur la figure du témoin.
Mai 68, c'est surtout pour certains les années qui l'ont suivi. Elles furent intenses, elles nous ont faits et défaits, elles ont aussi engendré bien des souffrances, chez nous et les enfants qui sont nés dans son ombre portée. (p. 233, Epilogue : le retour).