J'ai beaucoup aimé lire cet ouvrage, paru en 2008, peut-être le premier sur ce sujet, ou l'un des premiers (avant "Glottophobie" de Philippe Blanchet - je le précise car j'ai vu passer plusieurs fois une affirmation selon laquelle le livre de ce sociologue-linguiste serait le premier !), il garde tout de son actualité ! L'auteure aborde la question de la discrimination par l'accent en France, notamment l'accent méridional, dans une réflexion ouverte et érudite, accompagnée par des vignettes humoristiques. L'accent mais aussi le lien à la langue méridionale pour ses locuteurs, expressions et manières de parler. Sans se vouloir exhaustif, l'ouvrage ouvre de nombreuses pistes de réflexions et d'observations, tout en donnant déjà un grand nombre de réponses. L'auteure a mené d'ailleurs une enquête qualitative pour constater un déni souvent sur ce sujet qui gêne, dont on se sort avec quelques pirouettes consensuelles.
Notre langue première et notre accent ne sont pas toujours les bienvenus dans certains milieux, notamment les milieux cultivés ou médiatiques. Mais quelle est donc cette guerre qui se joue pour la personne qui aurait à gommer son accent et sa langue ? Et face à quel public ? Les méridionaux qui n'ont pas entrepris ce travail de gommage et de rééducation requis sont systématiquement délégitimés, écartés, sommés de revenir à un peu plus de "normalité", dans la plus grande acceptation collective, ayant aussi à subir un rire collectif - qu'ils intègrent eux-mêmes ("C'est pas beau !", "C'est ridicule !" "Ça fait penser à Pagnol") - sauf dans certains milieux.
Voici entre autres quelques points que Françoise Weck aborde dans cet ouvrage. Pour moi un vrai plaisir de lecture, qui touche forcément... Je le recommande absolument si vous vous intéressez à ce sujet.
Une émission à écouter, avec l'auteure : http://www1.rfi.fr/radiofr/editions/072/edition_14_20080627.asp
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C'est donc vraiment chouette la vie à Marseille, même sans accent, c'est vrai qu'il faut arriver à vendre coûte que coûte cette série à l'étranger et que la tâche est difficile car, malgré tous les efforts de la production pour nettoyer cette tranche de vie phocéenne de tout élément trop réaliste ou trop marqué culturellement, le feuilleton n'atteint pas encore au caractère lisse et 'international' requis pour l'exportation - le dernier marché international de Budapest laisse cependant augurer une ouverture : les Islandais pourront goûter bientôt aux délices et aux turbulences de la vie dans 'une grande ville du Sud', comme le précise l'argumentaire de vente, le tout avec la musique originale des voix - lissée de toute aspérité - mais nos amis du grand nord n'y verront que du feu puisque ce peuple audacieux aime les sous-titrages...
Désormais promus au statut envié d'électrons libres d'un monde aseptisé, vous pourrez inventer des trajectoires inouïes, délivrées de tout ancrage social et régional. Ces nouveaux Rastignac pourront même 'monter à Paris' avec leurs semelles de vent, ou... rester en zone méridionale et faire fructifier leur effort de neutralité, monnayable en bénéfices divers : crédibilité assurée, respectabilité accrue, accession facilitée à divers cercles branchés.
Curieux bluff en effet que cette obsession d'être-pour-autrui qui pousse à singer les modes langagiers des dominants, avec, à l'horizon, l'espoir d'en être alors qu'on risque fort de n'occuper que le strapontin du prétendant crispé dont le zèle linguistique intempestif est repéré tant par ceux qu'il trahit que par ceux dont il jalouse l'aisance "naturelle" !
Quelques radios locales laissent entendre des voix ensoleillées qui promeuvent, au hasard, sardinades, pégoulades et autres concours de boules très géographiquement circonscrits. Pour le reste c'est... silence radio, l'accent est interdit d'antenne. (...) La page sportive reste le seul espace offert, quasi quotidiennement, aux débordements méridionaux, tant sonores que syntaxiques. Entraîneurs et jours de l'OM, Rugbymen du Sud-Ouest, forçats cyclistes, tous apportent cette note de virilité saine et primitive qui ensoleille nos matins chagrins...
Nous rencontrons des théâtreux combattant frontalement cet accent qui, ils n'en doutent pas, ruinerait toute réussite professionnelle - jouer Phèdre avé l'assent ? impensable !