Comme mot anglais, « taboo » a dû son expansion au capitaine Cook, qui l'emploie dans la relation de son troisième et dernier voyage autour du monde. Il aborda aux Tonga ou îles des Amis en 1777 ; à Tongatabu il s'entretint, à bord de son vaisseau, avec plusieurs chefs, tant supérieurs que subalternes. Quand on servit le dîner, aucun d'entre eux n'accepta de s'asseoir, aucun ne voulut manger quoi que ce fût des mets qu'on présentait. « J'exprimai la surprise que cela me causait ; ils dirent alors qu'ils étaient tous taboo (ce mot, de sens très compréhensif, signifie en général qu'une chose est prohibée) » Quelque temps après, Cook observa que, dans un groupe de gens qui prenaient leur repas, deux femmes recevaient la nourriture des mains d'autrui, et il apprit que ces femmes étaient taboo mattee.
Le type du libre sauvage, sans entrave aucune, sans inhibition, tel qu'aimaient à le décrire les écrivains romantiques du XIXe n'a pas plus de consistance que l'âge d'or lui-même : pure fiction. On doit reconnaître, bien plutôt, que tout sauvage est lié, pieds et mains, par la coutume ; il subit, en particulier, la contrainte de la coutume négative.
« Taboo », tabou, du polynésien tabu, est l'un des rares vocables que les langues modernes doivent aux idiomes des insulaires de l'océan Pacifique. En anglais, on l'emploie aussi bien comme adjectif ou participe que comme substantif ; on en a même fait un verbe : un « taboo » est une prohibition ; un objet « taboo » ou « tabooed » est un objet frappé d'une prohibition ; « to taboo », c'est soumettre quelque chose à une prohibition.