Citations sur Un verre de lait, s'il vous plaît (13)
[...] mais ses pensées étaient enfermées dans un sablier que personne n'avait retourné
Le procureur demande cinq ans! Ils pensent qu'il y a d'autres commanditaires, dit-elle en dépliant le journal, qu'elle se mit à traduire en russe:
"Les commanditaires ont le pouvoir absolu. Ils règnent sur le sort des filles par la force, l'abus de pouvoir, les menaces, leur ôtant toute dignité. La peine encourue pour simple trafic de chair humaine, selon l'article 224 est cinq ans de prison.
Les filles vivent une sorte d'esclavage moderne. On abuse d'elles et on les bat. La peur d'être expulsées et la crainte de représailles les empêchent de les dénoncer."
Le titre c'est : "Marché à la viande."
- [...] Un enfant n'est la possession de personne. On a seulement la chance de lui donner quelques gènes.
- Alors on ne peut pas posséder une putain non plus, même si c'est écrit dans les journaux.
- Non ! C'est une manière d'humilier et de détruire un être humain. Il y en a qui croient qu'on peut vendre quelqu'un à d'autres sans se détruire soi-même.
[p341]
Son père avait l'habitude de dire qu'il était important de se pardonner à soi-même, car c'est ainsi qu'on pouvait pardonner aux autres.
Dorte ne savait pas ce que son père avait dû se pardonner à lui-même. Ni à quelqu'un d'autre. Il ne l'avait jamais dit. Quant à elle, c'était tout un écheveau à démêler. Mais pour plus tard.
Il est difficile de garder une image tout à fait nette d'une personne, nous sommes tous tellement éphémères. Une photo, en revanche, saisit l'instant. C'est bien pour ça que nous en avons autour de nous.
Son père disait toujours que le temps était une illusion. Un système qu'on avait fabriqué pour faire croire à un commencement et à une fin. Parfois il passait trop vite parce qu'on était heureux et qu'on n'avait pas la sagesse d'en profiter. D'autres fois, il s'alliait avec ce qu'on voulait éviter. On espérait qu'il passerait en un clic n d'œil... mais encore fallait il pouvoir cligner de l'œil.
Ce n'était pas qu'elle n'eût pas faim. Mais c'était en quelque sorte trop tard. Elle savait que la faim ne se ressentait pas continuellement. Elle allait et venait. Surgissait sous forme de cauchemar la nuit, ou quand on passait devant une boulangerie. Entre-temps on s'en fatiguait. Finalement il ne restait que ce goût de plomb dans la bouche et cette impression d'avoir une rougeur dans l'estomac.
Son père, assis dans un fauteuil, refermait le livre sur le pouvoir de l'esprit, déposait ses lunettes sur la table et passait une main sur ses yeux.
"Dans certaines tribus, le sorcier rassemble les âmes de ceux qu'il n'aime pas dans une poupée. Puis il y enfonce des aiguilles pour leur faire du mal ou les tuer."
- Mais t'a besoin d'un travail. Ici on est forcé de prendre ce qui se présente pour un salaire de misère! En Suède on gagne en un mois ce qu'on gagne ici en deux ou trois ans.
- C'est pas vrai! interrompit Dorte.
- Bien sûr que si! C'est un beau pays, et si riche! Là-bas tout le monde est poli et aimable, c'est parce qu'ils ont tous un job. Même les agents de police sont polis en Suède!
- Tu y es allée?
- Oui, une fois. Juste quelques jours.. J'en rêve encore la nuit. Toutes ce boutiques! On peut tout acheter. De si beaux vêtements! A la dernière mode. Un jour j'ouvrirai une boutique de mode à Stockholm!
Leur père leur avait appris le lituanien dès leur plus tendre enfance, puisque c'était sa langue maternelle. Leur mère le parlait aussi, mais quand elle priait, c'était toujours en russe. Si elle s'adressait d'abord à la Vierge Marie, c'était par pure politesse.