Un livre qui ne paye pas de mine, mais qui vaut vraiment le détour !
J'ai tout simplement adoré.
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— L’Ankou est une très vieille légende bretonne, moins connue que l’histoire véridique des druides ou, malheureusement, celle un peu moins crédible d’Astérix et Obélix, et pourtant, la légende de l’Ankou est tout aussi passionnante.
— L’Ankou, répète Germain, les yeux rivés sur l’épopée figée dans le bois.
Un squelette armé d’une faux gigantesque chevauche un char tiré par deux destriers tout droit sortis de l’enfer. Il domine une pléiade de pauvres hères, au visage défiguré par la peur.
— Le karrig an Ankou, précise l’homme avant de boire d’une traite l’alcool. Si un jour tu le croises, sois sûr que ta dernière heure est venue, mon ami.
Les mots glacent le sang de Germain. Est-ce une simple tirade pour se rendre intéressant ou un avertissement à prendre au sérieux ? Avec lui, impossible de savoir.
— Solène, reviens par ici !
La gamine, du haut de ses 10 ans, n’écoute rien. Elle poursuit son périple à travers rochers saillants et trous d’eau, tel un chevalier d’autrefois parti en croisade. De toute manière, elle connaît ses parents… Que risque-t-elle ? Une punition qui, d’un sourire, s’envolera aussitôt lâchée ? La fessée, voilà bien longtemps qu’elle s’inscrit dans la longue liste des légendes familiales. La grande plage de Larmor-Plage, déserte en cette heure matinale, est propice à de multiples découvertes intéressantes. Pourquoi s’en priver ? Avec un peu de chance, elle récoltera un beau coquillage, trophée supplémentaire pour sa collection déjà pourvue. Et pourquoi pas un crabe ou une étoile de mer ?
— Solène ! crie sa mère, plantée au milieu de la plage.
L’enfant fait mine de ne pas l’entendre, une technique éprouvée depuis des lustres par nombre de ses prédécesseurs. Derrière sa mère, son grand frère et sa sœur aînée échangent de longues tirades sur les filles et garçons entraperçus au camping la veille au soir. À peine arrivés, les voilà déjà à tirer des conclusions sur telle ou telle amitié potentielle, sans même s’intéresser au paysage environnant. Pourtant, cette Bretagne aux larges plages bordées de falaises ocre, de rochers surgis de l’eau, à l’image de ces vieux menhirs plantés dans les campagnes voisines, est loin de ressembler à leur Isère natale.
« Ce matin, découverte macabre lors d’une promenade pour une famille iséroise.
Début de vacances difficile pour cette famille, arrivée d’Isère la veille au soir. Lors d’une promenade sur la plage de Larmor-Plage, la plus jeune des enfants, à la recherche de coquillages, a fait une bien mauvaise rencontre en la personne d’un noyé du nom de Mathieu Pondeix. Selon les premières déclarations de la gendarmerie, l’homme serait mort noyé voilà plus de vingt-quatre heures. Rien ne viendrait contredire la thèse de l’accident ; toutefois, il nous faut attendre les conclusions de l’enquête pour le confirmer… »
La fillette, occupée à attraper le coquillage torsadé, ne prend guère l’ultimatum au sérieux. La sanction sera la même, une brève engueulade, au pire un tirage de cheveux en règle, et, dix minutes plus tard, tout sera oublié. Allez, un pas de plus vers cette crique qui paraît prometteuse et, ensuite, elle fera demi-tour.
Elle se fige, la bouche ouverte d’incompréhension. Paralysée, elle ne bouge plus, malgré l’avertissement parental. Pour la première fois depuis son arrivée sur cette plage, la peur lui noue le ventre.
— Puisque c’est comme ça, j’arrive ! hurle le père en désespoir de cause.
Nous avons reçu l'auteur Jean Vigne qui nous a parlé de son actualité avec ses romans Holomorphose aux éditions du Chat Noir et Givre aux éditions du Petit Caveau mais aussi de ses (nombreux) projets à venir !