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Citations sur Par Devant Monsieur Le Maire (2)

Ce que la veuve dit tout haut, vu l'intempérance de langue qui est un des plus beaux ornements de son sexe, le veuf, lui le pense tout bas, vu la forte dose de prudence dont nous sommes doués, nous autres.
Mais si j'étais femme...
Si j'étais femme, tous les millions du monde ne sauraient me décider à épouser un veuf.
Qu'est-ce qu'un veuf, en effet ?
Un monsieur qui, par suite de combinaisons quelconques, en arrive un matin à offrir son coeur et sa main - Musique de Paul Henrion - à un être féminin non moins quelconque.
Ils vécurent heureux, - plaisons-nous à le supposer, - ils vécurent heureux jusqu'au jour où la petite vérole, une chute d'omnibus, une indigestion, la foudre ou une autre catastrophe vint troubler les félicités.
Désespoir !
Le monsieur, voyant son être féminin en danger de trépasser, s'arrache des poignées de cheveux, - formule inexacte mais consacrée ! - Arrachements absolument perdus !
Vous avez lu Malherbe ?

"Le pauvre en sa cabane où le chaume le couvre
Est sujet à ses lois,
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N'en défend pas les rois."

Et caetera.
Si bien qu'un matin le monsieur qui s'arrachait les cheveux descend son escalier, soutenu par deux amis, - un de chaque côté.
La porte de la maison est tendue de noir. On a bien fait les choses. Des larmes d'argent à trois francs par-dessus les tentures. Quatre chandeliers d'argent de supplément. Un corbillard avec des franges longues de ça.
Tout le quartier est aux fenêtres. Tout le quartier. Pâle, abattu, la tête dans son mouchoir, le monsieur prend la tête du convoi.
J'abrège ces horribles détails. À fendre le coeur, monsieur, à fendre le coeur...
Huit jours après, le même monsieur est en conférence avec le marbrier :
- Monsieur veut-il une pierre couchée ?
- Heu ! Heu !
- Quel âge avait la défunte ?
- Hélas !
(Le monsieur essuie une larme attardée.)
- Je demande quel âge avait la défunte, parce que si c'est une jeunesse, la pierre couchée serait un peu sérieuse.
- Elle avait vingt-huit ans.
- Le bel âge... Alors il ne faut pas de pierre couchée...
- Un ange !
- Je vous crois.
- Que faut-il donc ?
- Un grand mausolée avec plaques de marbre blanc. Tout ce qui se fait de comme il faut...
- Ce luxe exagéré ne cadrerait pas avec les goûts de la pauvre chère regrettée... Elle était si simple...
(Un soupir profond.)
- En ce cas, monsieur, nous avons le petit parterre avec une croix en fonte ornementée de têtes d'ange aux quatre coins. Plus un entourage également en fonte ouvragée.
- On peut mettre une inscription tout de même ?
- Comment donc, monsieur ! Il y a place pour plus de cinquante lettres... Je vous en montrerai des modèles en magasin. Nous en possédons un assortiment varié... Des "Adieu, attends-moi !", des "Nous nous rejoindrons là-haut !", des...
- Je préfèrerais simplement "Regrets éternels".
- Comme monsieur voudra. C'est moins nouveau, mais c'est toujours bien porté. Il y a des modes comme ça - n'est-il pas vrai ? - qui ne passent jamais. C'est sans comparaison, de même que les chaînes de montre gourmette.
- Alors, c'est convenu... Des "Regrets éternels" peints.
- Convenu !
- À l'huile, bien entendu.
- Pour qui monsieur prend-il notre maison ?... Faudra-t-il aussi un porte-couronnes ?... Vous savez, au-dessus, pour empêcher que la pluie ne pourrisse le souvenir. Dame ! Pour ce qui est de ça, c'est selon ce que vous comptez faire subséquemment, parce qu'il est clair que si l'on n'a pas l'intention d'apporter des couronnes, il n'est pas besoin du...
- Vous en mettrez deux au lieu d'un... Et vous entretiendrez les fleurs que j'apporterai moi-même...
- Monsieur peut être tranquille.
- Je viendrai toutes les semaines... Plutôt deux fois qu'une, le jeudi et le dimanche... Soignez-moi tout cela, si vous tenez à garder la pratique.
- Comment donc monsieur... À une autre fois !

Ce dialogue, pure nature, terminé, le monsieur rentre chez lui, mais non pas avant d'être allé donner un dernier coup d'oeil au tertre sous lequel gît la dépouille de l'être féminin qui... (Voir plus haut).
Six mois après, c'est avec un tailleur qu'il est en conférence pour la confection d'un habillement complet, paletot, pantalon et gilet pareils.
Il s'agit d'avoir ce costume pour le jour de l'Ascension, jour où il doit être présenté à une jeune personne charmante dont les parents ne veulent donner leur fille qu'à un homme mûr...
Un an plus tard, le monsieur convole de nouveau, et la croix de fonte ouvragée se rouille dans la solitude.
Supposez maintenant que la jeune fille charmante décède à son tour, on en sera quitte pour recommencer la scène précédente. Elle aura sa croix et sa rouille, elle aussi.
Voilà ce que c'est qu'un veuf. Aussi je le réitère :
Ah, si j'étais femme !....
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Balzac comptait vingt-trois causes de mariages déterminantes :
- L'ambition... cela est connu;
- La bonté, pour arracher une fille à la tyrannie de sa mère;
- La colère, pour déshériter des collatéraux;
- Le dédain d'une maîtresse infidèle;
- L'ennui de la délicieuse vie de garçon;
- La folie, c'en est toujours une;
- La gageure, c'est le cas le plus rare;
- L'honneur, comme Georges Dandin;
- L'intérêt
- La jeunesse;
- La laideur, en craignant de manquer de femme un jour;
- Le machiavélisme, pour hériter promptement d'une vieille;
- La nécessité, pour donner un état à un fils;
- L'obligation, la demoiselle ayant été faible;
- La passion, pour s'en guérir plus sûrement;
- La querelle, pour finir un procès;
- La reconnaissance, c'est donner plus qu'on a reçu;
- La sagesse, cela arrive encore aux doctrinaires;
- Les exigences testamentaires; quand son oncle grève son héritage d'une fille à épouser;
- La vieillesse, pour faire une fin;
- L'usage, à l'imitation de ses aïeux;
- Le zèle, comme le duc de Saint-Aignan qui ne voulait pas commettre de péché.
Aujourd'hui, les vingt-trois motifs de Balzac se réduisent à peu près à un seul.
De haut en bas de l'échelle, M. "Combien" épouse mademoiselle "Qu'a-t-elle ?".
Nous avons benoitonné tout cela.
La théorie conjugale de 1866, elle est tout entière résumée dans les mots d'un papa Très-Bien.
Il s'agissait d'unir une pauvre jolie fille avec un financier qui comptait, hélas, plus d'années encore que de centaines de mille francs.
Les parents de la jolie fille - que nous appelerons mademoiselle X. - traitaient leur futur gendre.
Celui-ci au dessert - emporté par une habitude que son âge expliquait sans la justifier - laisse retomber sa tête sur son épaule et cède à un sommeil intempestif.
Un des invités, choqué de cette familiarité, se penche vers le papa Très-Bien, un gratte-liard endurci qui trouvait qu'il faisait une affaire superbe en accouplant les dix-huit printemps de sa fille aux rhumatismes du sexagénaire, et lui désignant le fiancé somnolent :
- Voyez donc... Vilain présage pour l'avenir, fit l'invité ironique.
- Chut, mon ami, fit M. X. avec une sévérité majestueuse, ne plaisantez pas. C'est de l'argent qui dort.
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