Le Livre des peintres, tome 2

PIERRE CORNELISZ VAN RYCK, DE DELFT
Les peintres qui ont fait à l'étranger, particulièrement en Italie, un séjour de quelque durée, rapportent généralement chez nous un style qui surpasse en beauté, comme en excellence, l'ancienne manière néerlandaise et se présente sous une forme éminemment agréable et intelligente. C'est ce que l'on constate chez Pierre van Ryck, un peintre natif de Delft.
Il commença son apprentissage chez Jacob Willemsz, à Delft, mais, au bout de deux mois, dut abandonner l'art pour se livrer à d'autres occupations pendant trois ans.
Toutefois, la force irrésistible de son penchant le ramena vers la peinture et il se plaça alors chez Hubert Jacobsz, bon peintre et portraitiste, à Delft.

Il y a des jeunes gens, quelque effort qu'ils fassent, qui se sentent arrêtés dès le début dans la carrière artistique, la nature ne leur venant pas en aide. D'autres, bien doués, eux, ne se donnent aucune peine et croient que la fortune paternelle leur sera d'un plus utile secours que l'aiguillon de la nécessité. D'autres, enfin, trop confiants dans leur étoile et leurs aptitudes naturelles, négligent le travail et restent en chemin.
Mais ceux auxquels la nature tend sa main secourable et qui s'efforcent de suivre sans relâche la voie qu'elle leur trace, se fortifiant par l'étude et le travail, arrivent à goûter les fruits de leur labeur. La fortune sourit à ces prévoyants.
Je puis citer, sans crainte d'être contredit, l'exemple du peintre poète, Corneille Ketel.

JOSSE VAN WINGHEN
EXCELLENT PEINTRE DE BRUXELLES
Et Jérôme van Winghen, son tils.
Afin que Bruxelles, séjour des princes, eût de notre temps un double relief artistique, il y naquit, à côté de l'habile Arnold Mytens l'excellent peintre Josse van Winghen.
Ce dernier vit le jour à Bruxelles en l'an de grâce 1544 et, s'étant appliqué à l'étude avec ardeur, partit pour l'Italie et résida quatre ans à Rome chez un cardinal. Revenu dans sa patrie, il se fixa à Bruxelles et y devint peintre du prince de Parme.
Il fit, à Bruxelles, plusieurs belles oeuvres, notamment un tableau d'autel pour l'église Sainte-Gudule, d'autres disent pour l'église des Frères Cellites. Je parle de la Cène, dont l'architecture, à ce que l'on dit, est de Paul De Vries.
L'oeuvre en question – si tant est qu'il n'ait traité que deux fois le sujet est une page excellente, et ce que l'on peut voir de meilleur de son pinceau dans les Pays-Bas.

A vrai dire, les Anglais et les Français ne sont pas les seuls peuples que l'on puisse accuser d'aimer le changement le reproche peut s'adresser tout aussi bien aux Flamands, qui se plaisent beaucoup trop à copier le costume des autres nations, particulièrement de celles qui leur sont le plus voisines, ou avec lesquelles ils entretiennent les relations les plus suivies.
Sous ce rapport, les Allemands et les Suisses encourent de moindres critiques, eux qui, le plus souvent, se contentent de leurs vieilles braies. Chez nous, au contraire, on va parfois les jambes embarrassées de chausses flottantes, serrées du bas, qui empêchent presque la marche.