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EAN : 9782379244544
254 pages
Presses Universitaires de Vincennes (PUV) (01/07/2024)
4.5/5   1 notes
Résumé :
Aux frontières de Ceuta & Melilla : qui se bat, comment et pourquoi ? Fruit d’une enquête de trois ans auprès de personnes en quête d’exil, ce livre dissèque, avec elles, un régime de violences extrêmes mis en place au nom de la défense de l’Europe.

Ceuta et Melilla matérialisent les seules frontières terrestres entre l’Afrique et l’Europe. Mettant au cœur de l’analyse les points de vue de celles et ceux qui tentent de les franchir, ce livre dissèque ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Contexte historique de Ceuta et Melilla

Ceuta et Melilla sont des exclaves (territoire qui n'est pas contigu au reste du pays auquel il est politiquement rattaché) espagnoles situées sur le territoire Marocain, en bordure de la Méditerranée. Ceuta est sur le Détroit de Gibraltar, Melilla se trouve plus à l'Est, peu éloignée de l'Algérie. Elles sont les seules frontières terrestres de l'Union européenne et l'Afrique.

Dès le début du 15ème siècle, après la reconquête de la péninsule ibérique, Ceuta et Melilla deviennent européennes, par intermittence. La situation sera pérennisée par l'instauration du Protectorat franco-espagnol en 1912, dont elles deviendront les “têtes de pont” ! La population sera majoritairement militaire et originaire d'Andalousie ; d'autres arrivées vont créer quatre communautés : catholique, musulmane, juive et hindoue.

Comme uniques frontières terrestres de l'Europe sur le continent africain, les tentatives de passages des “barrières” de Ceuta et Melilla sont fréquentes et une politique de défense est instaurée par l'Europe et, appuyée, par le royaume marocain à l'oeuvre depuis des années et plus particulièrement envers les africains noirs ou subsahariens !

Elsa Tyszler est Docteure en sociologie, chercheuse, elle a enquêté pendant des années auprès des personnes illégalisées aux frontières de ces territoires, ses travaux analysant le contrôle des migrations et les violences racistes et de genre !

Un texte très dur à lire, déjà par la complexité du langage sociologique spécifique ou des formulations, mais surtout par les témoignages et faits relatés qui relèvent de l'inhumanité la plus pure et du racisme colonialiste qui, non seulement, perdure mais se cultive !

L'autrice ne prétend pas apporter de solution aux problèmes soulevés par l'immigration mais s'est intéressée au côté humanitaire, celui par lequel des êtres vivants sont considérés comme respectables ou à abattre car de peu de valeur !

La défense de ces frontières est un marché, certainement lucratif, pour certains et une défausse du problème “africain” qui ne traverse pas la Méditerranée et qui laisse la porte grande ouverte au piétinement des Droits de l'Homme les plus élémentaires !

Je n'ai pas l'intention de résumer ou détailler plus le contenu mais j'ai publié 7 extraits qui me semblaient les plus pertinents.

Je connais l'existence de Ceuta et Melilla, une de mes amies est originaire de Ceuta, tout comme je sais que des violences étaient perpétrées sur les barrières mais ces faits sont tellement occultés dans les médias européens, qu'à part quelques gros “tapages”, que j'ai eu tendance à oublier l'existence de ceux qui cherchent une vie digne aux frontières de l'Europe, loin de nos yeux et de nos oreilles !

Si vous avez un tant soit peu de dignité et d'humanité, je vous encourage à lire ce livre, nous ne pouvons pas continuer à fermer les yeux sur un monde qui change et une partie de la population qui va se déplacer pour ne serait-ce que vivre !

Il est temps de faire renaître l'humanité et le respect pour TOUS les humains !

#massecritiquebabelio #sebattreauxfrontieresdeceutaetmelilla

Masse Critique juin 2024 : Nouveau gisement de pépites
Lecture Thématique Juillet/Août 2024 : Hors de France

Citation 1 – page 39 : https://www.babelio.com/auteur/Elsa-Tyszler/712729/citations/3380250
Citation 2 – page 93 : https://www.babelio.com/auteur/Elsa-Tyszler/712729/citations/3383042
Citation 3 – page 96 : https://www.babelio.com/auteur/Elsa-Tyszler/712729/citations/3383046
Citation 4 – page 105 : https://www.babelio.com/auteur/Elsa-Tyszler/712729/citations/3383052
Citation 5 – page 128 : https://www.babelio.com/auteur/Elsa-Tyszler/712729/citations/3386515
Citation 6 : page 151 : https://www.babelio.com/auteur/Elsa-Tyszler/712729/citations/3386531
Citation 7 : pages 179 – 181 – 487 : https://www.babelio.com/auteur/Elsa-Tyszler/712729/citations/3386551
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Chapitre 6 : Dans la frontière humanitaire

Police des mœurs et de l'intime

Lors d'une visite à l'hôpital aujourd'hui, une femme migrante semblait perdue dans le hall de la maternité. Je lui ai demandé si elle avait besoin d'aide. Elle tenait un bébé dans ses bras. La sœur Filomena m'a vue et m'a fait comprendre que cette femme ne devait pas être aidée. Plus tard, on m'explique que cette femme a essayé d'avorter et que son bébé est né avec 1% de cerveau à cause des substances qu'elle a ingérées pour tenter d'avorter. J'apprends que cette femme, Christelle, a été mise sur la “liste noire” parles soeurs de l'organisation. La logique est la suivante : femme qui a tenté de se faire avorter égale femme qui ne sera plus aidée. Cependant l'organisation prétend opérer sur la base de critères de “vulnérabilité” pour fournir une aide humanitaire. On pourrait logiquement penser qu'une femme, seule, avec un bébé lourdement handicapé, en forêt, c'est le “jackpot” de la vulnérabilité ? Mais non. [Note de terrain, Nador, 2017

page 179

La généralisation des cas d'avortement forcés par un tiers - ici à travers la figure du chairman - permet probablement aux sœurs de mieux légitimer leur lutte contre ces actes. Lors d'une discussion avec une Espagnole, ex salariée de l'organisation, j'apprends que les sœurs prennent des photos de fœtus et de bébés morts ou déformés à la suite de tentatives d'avortement et en font des albums. Si la question de l'avortement, et en particulier du soupçon d'avortement, est importante dans les relations entre les religieuses et les femmes des campements, la question de la maternité l'est tout autant.

page 181

Le maternalisme des sœurs semble encore plus violent envers les femmes, à travers des attitudes à la fois racistes et sexistes. Les observations quotidiennes mettent en évidence le fait que les religieuses font preuve d'une empathie soutenue pour les hommes blessés aux barrières ou attaqués par des civils, tandis qu'un certain dédain, voire du mépris, semble réservé aux femmes qui viennent d'accoucher à la frontière. Les migrantes noires à la frontière maroco-espagnole ne paraissent pas assez “innocentes” aux yeux des missionnaires. “Elle va s'en remettre, ces femmes sont fortes”, me dit Anita (soeur) à propos de la femme ivoirienne endeuillée. J'ai aussi entendu ce genre de discours à propos des violences sexuelles considérées comme faisant partie de la culture africaine et/ou des mauvaises mœurs de ces femmes africaines voyageant seules. Les religieuses dessinent ici encore les contours d'une féminité honteuse de ces migrantes.

page 187
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Chapitre 4 : Résistances

Au cours de l'enquête, le nombre de récits de femmes violées par des militaires ou des civils pendant leur voyage, et notamment aux frontières a été si important que les violences sexuelles ne peuvent pas être considérées comme résiduelles ou occasionnelles, mais bien comme structurelles, conséquences de politiques et de systèmes sociaux d'oppression imbriqués. Nelly M., Congolaise, présidente d'un collectif de femmes migrantes rencontrées à rabat en 2017, les analyse comme des “représailles” en référence au rapport de pouvoir et aux normes que les femmes tentent de négocier/transgresser à travers leurs projets de mobilité ou d'exil. D'après mes différentes interlocutrices, ce sont des militaires, des civils locaux ainsi que des hommes migrants en position de pouvoir dans les dispositifs de passage clandestins des frontières qui sont à blâmer. “C'est le prix que les femmes doivent payer pour voyager”, estiment-elles souvent. Cet adage semble constituer une forme d'autoprotection pour survivre à la violence quotidienne à laquelle elles doivent faire face et pour avancer. Les violences sexuelles constituent ainsi un “passage obligé” pour les femmes en quête de traversée de la frontière maroco-espagnole.

Page 128
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Chapitre 5 : Masculinités et féminités à la frontière

Aux frontières de Ceuta et Melilla même, s'ils risquent leur vie les hommes migrants ne sont pas censés montrer des signes d'agressivité envers les militaires. S'ils le font, ils sont considérés encore plus criminels et dangereux qu'en essayant “simplement” de franchir les barrières. De nombreux exemples montrent que des ressortissants d'Afrique centrale et de l'ouest qui ont osé se défendre en utilisant des pierres ou d'autres objets ont immédiatement été mis en prison pour “organisation criminelle”. Si les passages collectifs organisés par les hommes migrants aux barrières constituent un moyen de renverser momentanément le rapport de pouvoir avec les militaires, ils sont aussi considérés comme le symbole d'une “organisation mafieuse” par les autorités espagnoles (cf. chapitre 4). En d'autres termes, tout acte de résistance à l'ordre établi est considéré comme un crime. L'autodéfense n'est pas autorisée pour ces personnes. Seuls les militaires ont le droit de porter et d'utiliser des armes, et parfois même de tuer, pour assurer la défense de la frontière.

page 151
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Chapitre 3 : De la colonialité de la violence

Dans les propos des hauts gradés de la Guardia civil, tout semblant d'organisation lors des tentatives de passage est assimilée à de l'organisation mafieuse. Ce raccourci est utile pour criminaliser et réprimer par la force à la frontière, sans être inquiété de poursuites judiciaires. La rhétorique de la mafia, tout comme celle de la lutte contre la traite humaine, permet de donner une vision virilisée de la mission de la Guardia civil à la frontière, face à une cible incarnée par la figure d'un homme racialisé Noir vu comme dangereux. Une masculinité héroïque est ainsi performée dans les discours et les attitudes des gardes civils. Serait-ce une nécessité, pour ces policiers militaires, d'appréhender les “assaillants” dont ils affirment protéger l'Espagne et l'Europe, comme de dangereux trafiquants issus de mafias ultra-organisées ? Frapper et refouler vers le Maroc des personnes ayant la faim au ventre, parfois mineures et peut-être en quête de protection internationale, serait-il moins justifiable - et moins viril - pour les hommes en uniforme ?

page 105
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Chapitre 2 : Interprétations et systèmes de justification de la violence

Côté espagnol, à Ceuta comme à Melilla, malgré l'existence d'un “protocole de détection des victimes de traite”, la protection des femmes migrantes identifiées comme potentielles victimes de traite humaine n'est qu’un discours, puisqu'aucune mesure spécifique n'est mise en œuvre. “La police ne veut pas transférer à la péninsule toutes les femmes victimes de traite par crainte de l'appel d'air”, explique en entretien le directeur du Centre de séjour temporaire pour migrants de Melilla. Pourtant, selon lui, “toutes les femmes subsahariennes sont victimes de traite à 99%”, une affirmation souvent reprise dans la presse espagnole et assimilée à de “l'esclavage moderne”. Ce discours peut être compris comme partie intégrante du spectacle de la frontière (De Génova et al. 2015). Ici, les autorités produisent 2 figures racistes et sexistes : la “femme subsaharienne victime de la traite” versus l”'homme subsaharien trafiquant”.

Page 93
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