C'est un livre très original et très facile à lire. Ce sont les lettres qu'un voyageur envoie à son père qui est en train de mourir. Mais on ne lit pas seulement les lettres du fils à son père, on lit aussi les lettres que la mère, la soeur et les frères envoient au voyageur.
Lettre après lettre, on découvre une vie de famille qui se développe autour d'un père devenu silencieux. le Brésil apparaît comme une toile de fond, u paysage en retrait pour faire voyager le père une dernière fois.
C'est à la fois émouvant et pudique, comique et informatif. le fils raconte le Brésil à son père car le père fut lui-même un voyageur et un expatrié en Afrique. Les voyages du fils et ceux du père se tressent ainsi de manière fluide.
Moi, j'ai bien sûr été particulièrement sensible aux lettres signées par la mère du fils voyageur. Elle donne des nouvelles du père, elle imprime les lettres du fils et va les lire à haute voix au père. Elle fait le lien entre les membres de la famille. C'est elle le personnage le plus émouvant du livre, à mes yeux. Il est discret, et pourtant, c'est bien ce personnage qui est le véritable ciment qui tient la famille ensemble.
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Cher papa,
Je ne vous ai pas écrit, et pourtant je pensais à toi tous les matins, papa, car je bossais à l'aube pour les gens qui m'hébergeaient. Dans la maison de Los Angeles, je ponçais et peignais les meubles de jardin de Bob qui vivait avec ses chiens. A Santa Clara, je m'occupais de la palissade fragile qui bordait le jardin de Mary et Laurent (...)
Ce sont des boulots plaisants, au lever du soleil, alors que tout le monde dort dans la maison. J'avais l'impression de faire comme toi, au début de ta retraite, quand tu avas quitté maman et que tu vivais dans ton fourgon aménagé. Accepter l'hospitalité des gens en échange de menus services de bricolage. C'est bien, ça occupe l'esprit, ça flatte les muscles et ça apaise les nerfs.
Et puis, quand on souffre du décalage horaire, qu'on se réveille à quatre heures du matin dans des angoisses inexpliquées, ça permet d'évacuer ses idées noires par les mains et la sueur. Les premières heures du jour s'en trouvent transfigurées.
Là encore j'ai pensé à ta vie, papa, et à tes dix ans en Afrique de l'ouest. Tu as dû en voir de ces manifestations religieuses mêlant théâtre, musique et danse ? Comment se fait-il que tu n'en aies jamais parlé ? Est-ce parce que les Africains se méfiaient de vous et ne célébraient leurs dieux que loin de votre regard ? Ou alors est-ce toi qui, au sortir du séminaire, n'avais pas acquis les grilles de lecture nécessaires pour comprendre les autres formes de sacré que celles que tu avais apprises en Normandie ?
Bonjour mon fils,
J'espère que tout va bien pour toi. Ton père m'a demandé où tu étais, j'avoue que je n'ai pas su lui répondre.
De notre côté tout va presque bien. Il y a eu quelques remous récemment, rien de grave. (...)
Tu devrais écrire à ton père, je crois qu'il déprime en ce moment. J'ai appelé son cancérologue, la situation n'évolue pas trop. Cela pourrait lui changer les idées de te lire.
Je t'embrasse affectueusement,
Maman.
Mon cher papa,
(...)
J'ai prié pour toi dans la cathédrale de Brasilia. Enfin, prier, c'est beaucoup dire. J'ai regardé les vitraux et j'ai pensé à toi intensément. A un moment, je pensais si fort à toi que tu étais là, près de moi, et nous regardions ensemble les petits culs des filles catholiques. C'est bien ça, prier, ou est-ce autre chose ?
Je t'embrasse.