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Critique de LaBiblidOnee


J'avais envie d'une virée avec ces Anges de l'enfer en mode gonzo. Cette rencontre s'est révélée tenir moins du roman que du journalisme ultra-subjectif, une expérience rapportée. Pour Hunter S. Thomson, l'objectivité des journalistes est une légende, un mensonge vendu pour de la vérité. Selon ce journaliste frondeur, qui sait comme l'information peut être déformée, le meilleur moyen de rétablir la vérité est de vivre l'aventure que l'on décrit. Car si le récit en sort éminemment subjectif, décrivant ce que l'auteur a vu et ressenti, il constitue au moins sa vérité à lui, et donc une forme de vérité, contrairement à la plupart des papiers régulièrement déformés pour correspondre à ce que veut le lectorat, l'éditeur, le pouvoir politique… Ainsi, le journaliste doit être l'un des protagonistes de son reportage, qu'il écrit à la première personne. Raconter ce gang de motards, pour HS Thomson, c'est donc d'abord l'infiltrer… à ses risques et périls !


J'avais aimé le style sans filtre d'Hunter THOMSON dans son recueil de correspondances « Gonzo Highway ». Je me disais que ce genre de plume racontant les Hell's Angels, ça pouvait dépoter, brosser de jolis portraits ! Après avoir lu l'Acide test de Tom Wolfe, issu de la vague du nouveau journalisme et qui plonge son lecteur au coeur de ses délires les plus fous, je m'attendais à du lourd. Eh bien non. Sur la forme, la plume est alerte mais presque policée ou bridée, comme si, au fond, elle ne donnait qu'une partie de sa vision des faits. L'auteur s'appuie sur des articles de presse, les compare avec des écrits de justice, des témoignages de Hell's Angels, ainsi qu'à sa propre expérience. Les mêlant, il prétend faire la lumière sur la réputation de ce gang de motards, qui serait déformée par les journaux. Il imbrique les points de vue pour nous faire sentir dans un palais des glaces, avec des miroirs grossissants, amincissants, ondulants ; Et ces différents points du vue, ces différents reflets d'une même réalités, sont réfléchis, repensés par notre cerveau qui s'en fait son image de ce qu'il pense approcher la vérité, cette « réalité objective » dont on a du mal à vouloir se défaire.


Pour cela, l'auteur colle aux faits : de la statistique, de la mécanique, de la stylistique du gang, de l'art d'éviter les flics sur la route, de nier ce que les journalistes disent sur le gang, mais de dérouiller ceux qui en douteraient… Mon ressenti, c'est qu'au fond, on n'est pas plus fixé après qu'avant, et on en oublie un peu les personnages principaux : J'aurais trouvé intéressant de rencontrer les individus qui se cachent derrière leurs noms de clan (Zorro, Petit Jésus, Minus, le Parano, Terry le Clodo, Ed le Dégueulasse, la Brute…), leurs barbes décolorées, leurs tatouages et leurs piercings. J'étais venue faire leur connaissance mais ils demeurent en toile de fond : on approche plus le gang en tant qu'entité. Ça se défend, dans la mesure où leur devise est « Un pour tous, tous pour un » : Ce gang existe pour qu'aucun d'entre eux ne soit seul ; Il fait peur parce qu'aucun d'entre eux n'est seul ; Ils survivent parce qu'ils ne sont pas seuls. Ils font front ensemble face à une société qui les a, selon eux, rejetés comme étant des moins que rien, et qu'ils rejettent à leur tour en ignorant ses lois, ne suivant que les leurs. Mais ça me laisse une impression de survol.


Pour partie, je comprends ce choix : D'une part, si les Angels attendaient une chose de Thomson c'était « la vérité », ou du moins « leur vérité », par opposition à ce que les journaux et flics disaient d'eux ; D'autre part, il était difficile d'écrire des choses personnelles sur chacun sachant que tous allaient les lire. Enfin, l'auteur se méfiait certainement de ce qu'il écrivait sur ces personnages à la dérouille facile, car si l'emblème du gonzo est un poing à deux pouces, ceux des Hell's Angels sont réels et aguerris, comme Thomson en a fait les frais pour de vrai… Cependant, si je referme l'ouvrage avec quelques images crédibles de l'ambiance, c'est également avec le souvenir de quelques moments d'ennui, et surtout la déception d'être restée sur ma faim, de n'avoir pas appris grand chose : Pour m'intéresser à eux, j'aurais aimé les toucher de la plume, même s'il vaut mieux éviter de les chatouiller. Pour le coup, j'ai trouvé son journalisme subjectif un peu trop objectif et superficiel, à mon goût, contrairement à l'Acide test de Tom Wolfe : Lui avait su à la fois conserver sa vison journalistique, et m'immerger totalement dans le monde qu'il décrivait. J'espère donc que Las Vegas Parano sera moins sagement descriptif, Monsieur Raoul Duke ! En attendant, moi, je rêve juste de liberté avec Loevenbruck


« le reportage gonzo allie la plume d'un maître-reporter, le talent d'un photographe de renom et les couilles en bronze d'un acteur. » (Hunter S. Thompson)
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