Edward Anderson, Jack London, Tom Kromer, nous ont fait voyager sur les routes, dans les ports, à pied, dans des wagons à bestiaux. Nous avons partagé leurs nuits à la belle étoile au bord des chemins, dans des églises ou dans des parcs.
Lire A deux pas du ciel, c'est tailler la route avec le grand Jim Thompson, du West Texas au golfe du Mexique. Largement autobiographique, le roman s'inspire de sa jeunesse, lorsqu'il cumulait les petits boulots dans le pétrole.
Tommy est un jeune homme débrouillard qui a préféré prendre la route à l'âge de 16 ans, plutôt que d'être placé par l'Etat à la mort de ses grands-parents chez lesquels il vivait. Apprécié pour sa dextérité à jouer aux cartes, il rejoint en tant que dynamiteur une équipe chargée de construire un pipe-line au Texas.
Ce genre de boulot attire des ouvriers qualifiés mais surtout des hobos, des vagabonds, des crève-la-faim chassés de leurs foyers par la Grande Dépression et qui restent quelques jours pour les repas servis, cherchent querelle, boivent d'improbables tord-boyaux à base d'essence ou d'alcool quasiment pur qui les rendent aveugles…
Au milieu de ces hommes sans attache qui dilapident leur paye aussi vite qu'ils la gagnent Tommy dénote. Il tombe amoureux, écrit des poèmes, boit, se rappelle ses lectures, vestiges d'études prometteuses brutalement interrompues.
L'intrigue d'A deux pas du ciel est plaisante mais c'est surtout son aspect documentaire que l'on apprécie.
Thompson fait renaître un monde disparu, celui du prolétariat américain si précaire planté au milieu de nulle part, dirigé par des potentas locaux, un monde qui se fond dans celui des hobos, devenus au fil des décennies des figures incontournables de l'imaginaire américain, univers masculin avec ses propres règles, son propre langage, son argot.
A deux pas du ciel rejoint Il ne pleuvra pas toujours, Yegg, Les vagabonds de la faim, tous ces grands romans qui nous ont permis de tailler un jour la route depuis notre canapé.
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Mille bornes au sud-ouest des ranches...
Là, il n'y a plus l'ombre d'une piste,
Mais un soleil qui vous dessèche les tripes,
Un vent qui tourne au blizzard,
Des poux qui jouent aux lézards,
De l'eau saumâtre, croupie,
Et le pipe-line, cicatrice dans la prairie,
Construit par des types sauvages, violents,
Qui ressemblent à des loups hurlants...
Enroulé dans votre couverture, vous tremblez.
Ballade du pipe-line.
- Allons, allons, Tommy! dit-il en passant la main sur la barbe naissante de son visage bouffi. Mais tu pourrais peut-être dégoter une boîte de lait, hein? Et peut-être aussi un litre d'essence? Vu mon état, boire un peu de lait et d'essence, ça me ferait rudement du bien.
Quand on a vingt et un ans, on croit toujours qu’on va devenir célèbre en tapant dans un ballon, en étant avocat, écrivain, ou quelque chose qui rapportera un million de dollars, qu’on va épouser une jolie fille, vivre dans une belle maison et… bref. On ne se pose d’ailleurs pas la question de savoir comment on va y arriver. On sait qu’on réussira, un point c’est tout.
Pour un trimardeur, c’est la manière de vous faire comprendre que votre compagnie n’est pas souhaitée – en d’autres termes, que vous devez allumer votre propre feu.
Il faut toujours porter un chapeau et des chaussures correctes, comme ça, même si on n’a pas grand-chose entre les deux, les gens savent que vous n’êtes pas un clodo. Un trimardeur, oui, mais pas un clodo. Il y a une grande différence entre les deux.
L?action se déroule sur une journée, un samedi de Pâques. Tôt le matin, la foudre s?abat sur Richard Weatherford, pasteur respecté d?une petite communauté de l?Arkansas. Son jeune amant vient lui réclamer le prix de son silence : 30 000 dollars. Marié, cinq enfants, prêcheur intégriste, toujours prompt à invoquer la figure de Satan pour stigmatiser les homosexuels, embarqué dans une croisade pour la prohibition de l?alcool, Richard va tout faire pour préserver la façade de respectabilité qu?il a patiemment construite. A n?importe quel prix. Au nom du bien. Au bout de ce samedi noir, la petite ville sera à feu et à sang, mais Richard Weatherford aura réussi à sauver sa réputation?
Fils d?un prêcheur baptiste, Jake Hinkson continue à régler ses comptes. Après L?Enfer de Church Street et Sans lendemain, Au nom du bien enfonce le clou avec une rage jouissive. Admirateur de Flannery O?Connor et de Jim Thompson, Hinkson livre un texte polyphonique, radicalement noir, portrait au tranchoir d?une petite communauté étouffante, prisonnière de valeurs hypocrites et d?une morale d?un autre âge. En bon auteur du Sud, il pousse le jeu jusqu?à son paroxysme. La fin, qui se déroule un an plus tard et montre le pasteur dans son prêche de Pâques, droit devant l?armée des âmes bien pensantes, est un monument de cynisme ravageur. Entre-temps, Donald Trump est arrivé à la Maison-Blanche. Michel Abescat
Dry County, traduit de l?anglais (Etats-Unis) par Sophie Aslanides, éd. Gallmeister, 320 p., 22,60 ?.
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