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3,84

sur 265 notes
« La Terre vous soutienne.
Le Bord vous retienne ! »

Si vous venez de « déborder » à Bordeterre, autant vous habituer aux convenances locales ! Mais sans doute êtes-vous au second plan, sans même avoir conscience de l'univers qui se déploie en ce premier plan tangentiel qu'est Bordeterre – et je ne vous parle même pas du plan Zéro…

Premier roman de celle qu'on connaît déjà pour son chouette blog Allez vous faire lire, Bordeterre construit un univers original, à la fois riche et très cohérent. On y bascule avec Inès, Tristan et leur chien Pégase. D'emblée, on se prend d'affection pour cette ado téméraire et son frère Tristan, tout en intelligence et en fragilités. Et bien sûr (cela ne va pas étonner ceux qui nous connaissent) pour l'admirable bestiole qui les accompagne ! Très vite, les protagonistes sont séparés et arpentent deux faces disjointes de Bordeterre. Avec eux, on découvre un monde débordant de curiosités, avec ses lieux, ses habitants hauts en couleurs, ses clivages terribles, son régime dominé par une aristocratie décadente. Ce foisonnement peut déconcerter au premier abord. Pourtant, on se rend compte très vite que tout se tient, notamment grâce au fil conducteur du chant, ressource, enjeu et levier de luttes. Car dans ce décor se noue une intrigue complexe, mais captivante, autour d'un bras de fer inéluctable...

Mon fils de bientôt onze ans a dévoré les 520 pages de ce pavé en deux jours, puis sur son conseil, son petit frère et moi l'avons parcouru à voix haute et sans fléchir. Il faut dire que tout concourt à nous faire avidement tourner les pages. Les rebondissements se succèdent. le destin de Bordeterre reste tout à fait incertain jusqu'aux toutes dernières pages. Et surtout, les différents personnages sont si bien travaillés chacun par ses dilemmes, que l'on brûle de savoir comment ils vont évoluer.

Dans les premières pages, j'ai été décontenancée par la plume très directe de Julia Thévenot, et ses glissements parfois un peu brusques entre les registres. Au fil des pages, je l'ai apprivoisée et j'ai apprécié son côté incisif, sa manière d'interroger les ressorts de l'oppression et de la révolution. Elle nous plonge dans une réalité crue, dans laquelle les protagonistes ont surtout pour eux leur volonté inébranlable, leurs idéaux émancipateurs et leur solidarité.

Une lecture immersive, sombre et lumineuse, dont on ressort avec la sensation d'avoir voyagé très loin. Et l'envie de chanter. Il ne m'en faut pas moins pour conclure que Julia Thévenot en a certainement encore sous le pied. Nous serions ravis de la lire de nouveau.

Sur ce, le Bord vous retienne !
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
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Mon gros gros coup de coeur du mois de mai !!!

« La terre vous soutienne, le bord vous retienne. »

J'aurais bien du mal à vous décrire ce nouvel Univers haut en couleur et « débordant » de magie ! Notre rencontre avec Inès et Tristan nous emmène dans un plan parallèle au nôtre, un plan où le chant prône sur son trône de façon impériale et touchante !
Imaginez un monde où il faut chanter « Envole-moi » pour voler ou tout autre chant pour une action quelconque, imaginez un monde où le chant régit nos actions, où certains chants sont proscrits, où certains chants deviennent révolutionnaires !!!

Imaginez une jeunesse qui a besoin de renouveau et de liberté… Si vous vous sentez l'âme d'un révolutionnaire lyrique à travers un monde magique et inébranlable, cette pépite est faite pour vous… CHANTEZ DONC, CHANTEZ !
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Il est indéniable que j'attendais beaucoup de ce roman, d'abord parce que j'apprécie le blog tenu par Julia Thévenot (Allez vous faire lire) et aussi parce que j'aime le fantastique en littérature ado (alors en plus, si l'un des personnages principaux est autiste, ça m'intéresse particulièrement). Je pense toutefois être restée suffisamment objective pour formuler mon opinion sur ce premier roman.

Son plus gros défaut, c'est qu'on voit de manière trop ostensible le travail d'écriture.
Un exemple concret et malheureusement extrêmement redondant, ce sont les effets de style recherchés par l'auteur en coupant ses phrases (de manière tout à fait aléatoire me semble-t-il) pour retourner à la ligne. Pour la fluidité de la lecture, on repassera... Idem avec les phrases du type "Elle. Avait. Super. Faim". Ça m'horripile cette façon de vouloir à tout prix faire original pour dire un truc basique.

Parlons des personnages, qui n'ont aucune consistance. Inès, censée avoir 12 ans, en paraît bien plus, sauf quand elle dit "iench" pour "chien".
Tristan, son frère, est autiste. Ce trouble ne se distingue que par le fait qu'il bégaie (non, un autiste ne bégaie par forcément), qu'il ne supporte pas qu'on le touche et ne regarde personne dans les yeux (là par contre c'est réaliste, sauf que ces traits distinctifs tendent à s'effacer au fil des pages).
Quant à Philadelphe, auquel je me suis tout de même attachée, comment peut-on créer un personnage aussi inconstant !

Il y a de bonnes choses cependant. Un univers parallèle intéressant et plutôt bien développé, ainsi que des thèmes abordés qui questionnent : la différence physique, les relations sociales, l'esclavagisme, la question du genre, l'acclimatation de réfugiés dans un monde dont ils ont du mal à saisir les codes...

Malheureusement, l'auteur semble avoir accordé plus d'importance à la forme qu'au fond. le roman manque cruellement de subtilité, de fluidité, de personnages bien incarnés. Un rendez-vous déçu donc, en ce qui me concerne, et cela m'attriste.
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Être à contre-courant de la majorité, car on a eu trop d'attentes, je n'apprécie pas forcément cela quand il s'agit de littérature ! Chez moi, cela provoque toujours de la frustration ou de la déception. « Bordeterre » est un ouvrage prétendant au PLIB qui me faisait de l'oeil. Ses avis dithyrambiques majoritairement présents sur la toile avaient réussi à me convaincre de le découvrir ! J'aimais l'idée de monde parallèle, de créatures diverses et de tandem frère/soeur où l'un d'eux est autiste. Hélas, je me suis retrouvée face à un style qui n'était pas forcément le mien et qui m'a parfois dérangée. de plus, il y avait également une pluie de personnages… Bien trop, pour moi ! Je fais partie des lecteurs qui ont besoin de n'avoir qu'une poignée de narrateurs au début d'un roman, afin d'apprendre à les connaître petit à petit. Je juge cela préférable, notamment lorsque l'on doit plonger dans un univers imaginaire aussi dense et complet que celui-ci ! Cela évite d'être perdu. Or, j'ai eu l'impression d'avoir beaucoup d'éléments à assimiler d'un coup, ce qui fait que j'ai eu du mal à rentrer dans le récit…

Cela dit, bien que j'aie mis du temps à m'attacher, le binôme Tristan / Inès m'a beaucoup plu. La demoiselle est très protectrice envers son aîné : si un groupe lui cherche des noises, elle fonce l'aider. Courageuse et entêtée, elle n'a pas peur du nombre, de la méchanceté ou de manger la poussière ! Quand il n'y a pas de menace, la cadette sait aussi se montrer taquine. Tous les deux passent leur temps à jouer, se chamailler et à explorer ce qui les entoure. Malgré le handicap de Tristan (ce dernier se traduit surtout par des bégaiements, la peur du contact physique et la maladresse dans les relations sociales) qui n'est pas assez exploité à mon goût, tous les deux ont une relation très belle, complémentaire, parfois fusionnelle, taquine, franche et intéressante. J'ai aimé les suivre ensemble ou individuellement. Ils sont mes personnages favoris. Hélas, les autres protagonistes, notamment ceux de Bordeterre, n'ont pas réussi à m'atteindre. C'est dommage, car l'auteure a souvent pris le temps de bien les développer ! C'est par exemple le cas d'Alma, une jeune femme qui jouera un rôle très important au fil des chapitres et qui aura une évolution pertinente.

L'univers est clairement l'une des forces de ce livre fantastique. On est dans un monde différent du notre où il faut comprendre les codes ainsi que son fonctionnement. Là-bas, les monstres sont tolérés, les gens sont parfois transparents, la magie existe, le peuple est divisé et la technologie est alimentée par des minerais rares comme le quartz… le tandem va rapidement se confronter à l'hostilité de cet endroit et va se rendre compte qu'il n'y a pas que les créatures qui représentent du danger ! En effet, les citoyens sont parfois de fins manipulateur ou de grands comploteurs… Séparés après une soixantaine de pages, les deux héros vont découvrir toutes les facettes de Bordeterre grâce à une multitude de rencontres. Au début, mon intérêt s'est surtout orienté vers Inès. Cette dernière va devenir une cordiste, un métier consistant à plonger dans différents plans/univers parallèles, côtoyer des esprits parfois très agressifs et ramener du quartz…

Julia Thévenot n'hésite pas à se montrer originale et à proposer un endroit rempli d'éléments en tous genres. Elle va également prôner de belles valeurs comme la tolérance, la solidarité et la famille. On touche également à des thèmes inattendus comme la musique, et plus particulièrement le chant. Ici, c'est traité de façon originale et sympathique. Globalement, il y a vraiment de bonnes idées ! Hélas, cela n'a pas suffi à me faire apprécier ce roman. La plume m'a parfois déstabilisée : elle était tantôt crue, familière et directe, pour ensuite passer à un registre plus travaillé, voire digne d'un autre temps. En plus de me déstabiliser avec les nombreux personnages, l'intrigue mettait un peu trop de temps à décoller. On notera également quelques répétitions ainsi que des retours à la ligne dont je n'ai pas toujours compris l'utilité. Au départ, j'avais l'impression d'être noyée, non pas dans le lac comme les héros, mais par les informations survenant d'un coup et étant systématiquement décortiquées. Creuser tout cela était intéressant cependant, cela nuisait à la dynamique. Finalement, j'ai refermé cet ouvrage avec un sentiment mitigé, voire de la déception. J'en attendais peut-être trop. Cet avis n'engage que moi. Je pense que c'est un one-shot avec lequel ça passe ou ça casse. À vous de vous forger votre propre avis…
Lien : https://lespagesquitournent...
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Une entrée en matière très rapide, la découverte d'un monde imaginaire cauchemardesque, pour une gamine et son frère légèrement inadapté, le début est déroutant, dans un style simple mais efficace qui privilégie d'abord l'action.
La découverte du monde nouveau traîne un peu sans qu'on sache où l'histoire va nous mener, puis on s'installe dans cette vie parallèle adolescente qui devient progressivement la normale, rythmée par les accrocs que la vie de soumission réserve à chacun. Des amitiés et des histoires d'amour naissent. le scénario se construit progressivement pour amener l'apothéose finale qu'on ne lâche pas avant la fin.
Ça pourrait être une réflexion politique autant qu'une aventure fantastique...
C'est une écriture dynamique et pleine d'humour, la forme des dialogues est originale, les personnages sont bien caractérisés, tous sont d'ambivalents, il y du suspens et de l'action (dans le dernier tiers), et en tant qu'adulte j'ai dévoré ce gros livre de 500 pages !
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Un monde fascinant, cohérent et surprenant, où la chanson est le moteur essentiel : chanter peut éclairer les lampes, ouvrir les portes, chauffer l'eau et même guérir les plaies. Mais ce n'est pas un monde enchanteur pour autant. Les enfants esclaves doivent chanter sans cesser pour les tâches quotidiennes, et chanter pour le plaisir vous expose à être violemment puni.

Jamais la bande-son d'un Exprim' n'a été autant indispensable !

Un monde à la fois très doux et très dur, d'une extrême originalité, où les personnes qui arrivent du "second plan" (notre monde habituel) deviennent transparentes, et ne peuvent plus repartir.

Des monstres qui n'en sont pas forcément, des nobles qui sont presque des monstres, une intrigue extrêmement prenante.

Des personnages attachants. D'abord Inès et son frère Tristan. Tristan est autiste, grand et fort, et si doux. Un rapport terriblement touchant entre les deux, chacun protégeant l'autre de toutes ses forces. La petite soeur parce qu'on se moque de son frère souvent surprenant, le grand frère parce que c'est lui l'aîné. Et autour d'eux tout un monde de caractères forts, des garçons et des filles bien campés et jamais tièdes.

Des chansons adaptées à chaque circonstance, une belle réflexion sur la poésie, beaucoup d'airs connus que j'ai eu plaisir à retrouver.

Même quelques anciens comme :



Une belle écriture et quelques mots assez recherchés (ourobouros ou réluctance ne me sont pas familiers, et j'aime découvrir quelques vocables, nouveaux pour moi. À condition qu'il n'y en ait pas trop, pour ne pas me rendre le texte obscur. Ici, c'est parfait.)

De l'humour parfois aussi, ce qui est bien agréable.

Et un final ébouriffant, quoiqu'un peu violent à mon goût (mais il m'en faut peu !).



Le fantastique n'est vraiment pas mon univers préféré, mais j'ai été fasciné par l'inventivité et la cohérence du roman, et par un tas de détails tellement bien pensés. Je voudrais vous parler de tout mais je vous laisse découvrir.



Un premier roman extrêmement prometteur. Même si je ne suis pas une spécialiste du genre, je pense qu'il dépasse beaucoup de romans fantastiques actuels, et qu'on va en parler !!



Un bel objet aussi, avec une couverture à la fois sobre et très évocatrice. (Les trois petits yeux en haut, vous n'avez pas fini d'en rêver !!)
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La libraire qui intervient sur France Inter le lundi pour "La chronique des ados" m'avait bien donné envie de lire ce roman.
Et il faut dire qu'elle avait raison : l'univers que l'auteure construit est très particulier, recherché et complet. Que ce soit les décors, le fonctionnement de la société, les différents statuts des habitants, les 3 "plans" et leurs communication... C'est riche et détaillé, plutôt bien fichu et intéressant.
Oui, mais voilà, il y un "mais", et il n'est pas si léger : les personnages. Je sentais que quelque chose clochait avec eux et finalement c'est assez simple : ils ne sont pas que transparents, il manque aussi de consistance. Je ne leur ai pas trouvé de réelle profondeur. Inès est très étrange. Elle a douze ans mais parfois en paraît moins, parfois plus, sombre dans une sorte de folie, mais sans que je m'y attache ou m'intéresse réellement à son sort, ni même que je la comprenne ou cherche à la comprendre. Tristan pourrait être plus touchant mais non. Il sonne creux, avec un autisme qui m'a semblé peu crédible (je parle là de mon ressenti, je ne me pose pas en experte de l'autisme). Alma est le personnage qui m'a paru le plus fouillé. Et Adelphe aurait mérité de l'être plus. Bref, déception du côté des personnages.
Ah et aussi parfois il y avait de brusque retour à la ligne. J'ai d'abord cru à une mauvaise qualité de mon fichier epub, mais en fait non. Je ne comprends pas la raison de ces saut de lignes. Si quelqu'un a l'explication, je suis preneuse.
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Suite aux nombreuses critiques positives postées par ici, j'avais un a priori très positif sur ce roman et hâte d'en découvrir l'univers.
Pourtant je n'ai pas accroché. Pour être honnête je me suis même souvent ennuyée.
Il y a de belles idées, des images assez recherchées, et une poésie indéniable dans cette idée d'un monde qui tourne grâce au chant.
Mais il y a aussi beaucoup trop de vulgarités, des monstres auxquels je n'ai rien compris, un personnage atteint d'autisme peu crédible et les références aux chansons m'ont semblées pour la plupart vieillotes (même si dans ce domaine il aurait de toute façon été impossible de plaire à tout le monde).
C'est donc un rendez-vous manqué avec Bordeterre. Après une déception similaire pour "Fraternidad", je me dis que la collection Exprim' n'est peut-être pas faite pour moi !
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« Frère – faut pas laisser grandir l'horizontale violence
Ou – tu vas sentir gronder une épouvantable ambiance »
« Allez vous faire lire » nous disait-elle depuis quelques années déjà, tout en nous offrant le monde : Julia Lupiot pardon, Thévenot n'avait aucun besoin de me vendre sa plume, j'étais déjà (archi) cliente. Retrouve-t-on dans son premier roman l'énergie, le charme, l'inventivité et l'absolue sincérité de son blog ? La réponse est un grand OUI et *dios*, ça fait du bien.
Elle nous emmène dans un monde parallèle, un monde où l'on tombe par glissement, devenant un *débordé*. Retourner d'où l'on vient n'est pas possible et y faire sa place se révèle des plus compliqués : régi par un système de castes parfaitement odieux, Bordeterre fait trimer (en chantant) les masses (transparentes) en ne leur permettant jamais de se hisser hors de la fange pour le confort d'une poignée de nantis quelque peu désoeuvrés ( et donc pour la plupart aussi désaxés) (oh wait…). Nous y suivons Inès, douze ans et son grand frère Tristan, seize ans, accompagnés de leur chien, Pégase… Préconisé à partir de 14 ans, ce roman se savoure à n'importe quel âge et permet aux plus aguerris de reconnaître avec joie quelques références disséminées (et de transposer aussi, un petit peu). Doté d'un véritable suspens il accroche immédiatement et sait tenir son rythme, avec une belle qualité de dialogues. le tout forme quelque chose comme Lewis Caroll qui rencontrerait Stephen King et ça fait des petites étoiles pleines de frissons un peu partout. Je recommande !
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Bordeterre est le premier roman fantasy de la collection Exprim'. Eux qui nous avaient habitués au fantastique, au post apo ou encore, tout simplement, à un contemporain mâtiné de surprise et de lyrisme, nous voici plonger dans un univers hors du commun. Un service de presse que j'ai dévoré… entre 21h et 1h du matin un jeudi soir.

Mon avis

Bordeterre… Juste le nom a des consonances miyazakiesques. Il faut dire que si on ne connaît pas toutes les influences de Julia Thévenot à l'écriture de son roman, on les ressent plus ou moins à certains moments : Miyazaki donc, mais aussi Harry Potter, Christelle Dabos, Philippe Pullman est tant d'autres. Personnages et univers sont emprunts de cette magie, de cette ambiance à mi-chemin entre l'extraordinaire et l'étrange qui caractérisent si bien les romans des grands auteurs qui l'ont précédée. Et s'il y a un doute que je préfère vous enlever immédiatement c'est celui-ci : Julia Thévenot est promise à devenir une grande autrice.

Alors oui, au début, je ne suis pas partie avec l'enthousiasme qui m'a soudain surprise à la fermeture de ce roman. Je sentais un style trop scolaire, trop appesantie, comme si elle avait cherché à bien faire, trop bien, trop lourd. Les rythmes retombaient comme des soufflets pour nous livrer des phrases poétiques avec effet de ballon dégonflé. Dommage ? Oui sans doute, mais comment en vouloir à une toute jeune autrice de vouloir trop bien faire quand ses modèles sont à ce point grandioses (et à ceux cités précédemment s'ajoutent bien sûr les formidables écrivains de la collection Exprim' dont elle se fait souvent l'éditrice) ? Et bien on passe outre, on sert les fesses, et on se laisse porter par Bordeterre, ses personnages, son univers, et ses chants.

Parlons en un peu plus sans trop en dévoiler. Imaginez trois plans, les uns au dessus des autres, ou bien les uns à côté des autres, en bref des mondes parallèles, dont certaines failles permettraient d'y tomber…sans possibilité de remonter. D'un côté le second plan, notre monde habituel, avec ses ados, ses parents, son parc, ses plages et ses campings pour les après midi d'été. Ce monde dont sont issus Inès et Tristan, soeur et frère, 12 ans et 16 ans, castagneuse et autiste. Puis vient le premier plan, où, tous les deux avec leur chien, ils finissent par « tomber », rencontrer un monstre mangeur de tête gigantesque et bien entendu…Bordeterre. Une fois dedans, impossible d'en ressortir, les êtres deviennent transparents (de moins en moins au fil des générations) et les souvenirs sont comme aspirés par un élixir goût grenadine ; on ne veut plus qu'une chose, rester, s'intégrer, chanter. le troisième plan c'est un lac étrange où dansent les esprits…et où Inès se retrouve à plonger (et à ressortir !) chose extrêmement rare et qui lui vaudra d'accéder au château.

Dit comme ça..ça fait beaucoup. Mais à sa lecture c'est d'une simplicité et d'un réalisme, qu'on se demande si Julia n'y aurait pas fait un petit tour dans ses rêves pour nous en livrer un récit aussi dense et puissant. Dense parce qu'elle y aborde beaucoup de choses : de la magie qui imprègne tout mais qui est régulée, de la révolte qui gronde parmi la population, des rites étranges auxquels s'adonnent les plongeurs du lac, des orphelins, des souvenirs qui s'effacent et des personnages qui, décidément, sont tantôt attachants, tantôt effrayants. Puissant, parce que les sujets sociétaux tels que la pauvreté, la ségrégation (transparent, non transparent), l'esclavage (des enfants obligés de chanter pour faire fonctionner des moulins) y sont justement dosés et donnent lieu à des discussions et des révélations violentes mais nécessaires, formidables échos de nos sociétés modernes.

Les personnages sont également fascinants ! Tristan, rendu bègue par son autisme, qui ne supporte pas qu'on le touche, et qui se retrouve presque malgré lui « papa » d'une révolution. Inès, qui par son enthousiasme, sa candeur et sa témérité, accède aux plus hautes sphères et au coeur de Philadelphe, son mentor, qui ressemble à s'y méprendre à Archibald de la Passe-Miroir avec son côté décalé, dandy et fragile à la fois. Alma, bien sûr, la révolutionnaire en cheffe, rendue orpheline par le premier « Débordement », cette révolution qui a valu à une génération entière de mourir dans le lac. Aïssa également, à bien des égards discrète mais aussi insolente, révoltée et en quête de vengeance. Bref, des personnages hauts en couleur, singuliers, et formidablement incarnés, comme autant de reflets de notre monde. Mais ce qui reste sans doute le plus beau c'est sans doute comment tous ces personnages interagissent les uns avec les autres, se transforment, évoluent, grandissent.

J'en dis déjà trop et pas assez, il faudrait vous parler encore des Fléreurs, ces chats à trois yeux, des Chants tantôt poèmes ou reprises populaires, du lac et ses mystères, des pouvoirs d'Inès, des orphelins, de cette fin en apothéose, ou de la « méchante », plus symbolique que réellement authentique, des esprits qui pourraient sortir des forêts de Miyazaki sortes d'animaux informes et attachants… Et puis de l'écriture aussi, qui, après les cent premières pages passées se fluidifie…et gagne étrangement en complexité avec ses phrases entrecoupées pour mieux marquer, et ces points de vue qui se multiplient, toujours clairement identifiés.

En résumé

Bordeterre porte bien son nom. Dans ce monde fantastique aux allures de film de Miyazaki, vous vous retrouverez toujours, avec ce pas de côté qui caractérise les romans de l'imaginaire, au bord des adolescents de notre monde, au bord des conflits qui régissent notre société, au bord des rêves et des chansons que l'on connaît si bien, au bord du réalisme magique, au bord de l'émotion, de la violence, de la passion, de l'indépendance et de la révolte, en bref, au bord du coup de coeur.
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