Voici un ouvrage qui se rapproche plus, selon moi, du conte ph
ilosophique que du véritable roman d'aventure.
Tezuka signe ici un vrai chef d'oeuvre du genre, un pavé de plus de 300 pages tout de même, qui part d'un postulat de base que je trouve très intéressant : l'humanité disparait, remplacée par ceux qui se présentent comme les successeurs légitimes des humains, les oiseaux. Ceux-ci n'y sont pas parvenus seuls, usant d'une matière envoyée par les extra-terrestre.
Ce début d'histoire semblant se rapprocher du scénario catastrophe ou du f
ilm de science-fiction donne lieu à une succession d'histoires courtes (ce qui semble être une spécialité de
Tezuka, soit dit en passant) qui vont présenter un peu toutes les facettes de ce changement d'ordre sur Terre.
Les histoires sont mises dans un ordre chronologique, avec au départ les histoires présentant l'attaque des oiseaux sur les humains et leurs domination progressive. J'ai trouvé ce début quelque peu fade, notamment par rapport au reste, bien que
Tezuka introduit plusieurs idées sur notre société, notamment lorsqu'
il parle de l'Afrique du Sud. Mais dans l'ensemble, le début n'est pas franchement transcendant.
Par contre les histoires à partir de l'apparition de la société extra-terrestre et de son implication sont d'une toute autre facture !
Tezuka profite de son sujet pour introduire des métaphores en continu. Ains
i les premières histoires font fortement penser aux combats de gladiateurs, et peut-être à la révolte de Spartacus. Cependant en beaucoup plus nuancé que l'on pourrait s'y attendre. L'humain n'est pas seulement l'être dominé,
il reste avant tout un humain, et
Tezuka ne le présente pas sous son me
illeur jour en dépeignant un être barbare et cruel.
Les histoires s'enchainent, avec une excellente reprise de Jésus, incroyablement bien faite à mon goût (même si je trouve dommage les pointes d'humour qu'
il introduit lors du dialogue entre Pololo et l'extra-terrestre) avec un oiseau nommée Pololo. Les clins d'oe
il sont plus qu'évidents, et pourtant,
Tezuka glisse ici un message assez frappant, en expliquant presque sa vision du message de Jésus. C'est assez incroyable et j'ai trouvé qu'
il y avait matière à pas mal de réflexion. J'ai aussi beaucoup aimé la façon dont
il intègre dedans des "anachronismes" (si tant est qu'on puisse parler ainsi) notamment en mettant un panneau Auschwitz lorsque les partisans de Pololo se font massacrer. Une sorte de roue du temps est en route. L'histoire se répète ... Est-elle destinée à le faire indéfiniment ?
La suite, plus proche du far-west, est à mon sens moins réussie, même si
Tezuka en profite pour en faire une fable sur la tolérance, le racisme, et surtout sur la condition indienne dans les Etats-Unis naissants.
Il est d'a
illeurs amusant de constater la façon dont
Tezuka présente les élections chez les oiseaux. C'est un beau pied de nez à celles que nous connaissons.
L'histoire suivante est bonne, mais je l'ai trouvée moins intéressante sur le plan réflexion. Par contre l'ambiance est clairement moins joyeuse que les autres.
Ce pessimisme se glisse aussi dans l'histoire suivante, où
Tezuka fait carrément disparaitre les humains de la planète. Les oiseaux sont seuls maitres. Cette histoire donne plus à réfléchir sur la corruption et à ce sens le final est superbement bien trouvé. Une sorte d'engrenage fatidique est en marche.
Les histoires suivantes tiennent plus de l'anecdote, reprenant les thèmes du bonheur et de la ségrégation raciale. Malgré une certaine poésie, je les ai trouvées plus "gent
illettes".
Mais la dernière histoire est celle qui à mon sens donne l'impulsion énorme à l'ensemble. En effet, en revenant sur les extra-terrestres, je trouve que
Tezuka donne une nouvelle dimension à l'ensemble et apporte matière à beaucoup plus de réflexion. Cependant cette conclusion se teint d'une sorte de fatalité qui n'est pas forcément au gout de tout le monde.
Dans l'ensemble du livre, le trait de Ozama
Tezuka fait mouche. Les décors sont toujours aussi beaux et les personnages toujours tournés très cartoon. le mariage des deux reste aussi digeste et maintenant que j'y suis plus habitué, je comprends le trait de
Tezuka.
Il s'en dégage un charme indéniable. Les paysages déta
illés nous donnent envie de rentrer dedans, on se sent au m
ilieu des espaces.
Cette oeuvre regroupe à mon avis un ensemble d'histoires qui sont, disons le clairement, très inégales. Cependant, si certaines ne dépassent pas le stade du "Bof, sans plus", je trouve que la dernière et particulièrement celle de Pololo montent jusqu'à "Culte". Dans l'ensemble, le tout se lit très agréablement, même si je n'ai pas compris les dessins d'oiseaux (très beaux soit dit en passant) qui se glissent dans toutes les pages.
Tezuka signe à mes yeux une production incroyable, et hautement ph
ilosophique dans l'ensemble. La dernière histoire est à mon avis celle qui donne tout le sel à l'oeuvre, invitant à une réflexion profonde. le tout agrémenté par un dessin au po
il.
La note finale sera donc de 4/5 et un conse
il de lecture, car je pense franchement qu'
il y a là matière à réfléchir. Un nouvel opus recommandé.