Depuis la première édition de ce livre, j'en ai publié la suite et le complément sous le titre de Logique sociale. Par là je crois avoir déjà répondu implicitement à certaines objections que la lecture des Lois de l'imitation avait pu faire naître. Il n'est cependant pas inutile de donner à ce sujet quelques brèves explications.
On m'a reproché çà et là « d'avoir souvent appelé imitation des faits auxquels ce nom ne convient guère ». Reproche qui m'étonne sous une plume philosophique. En effet, lorsque le philosophe a besoin d'un mot pour exprimer une généralisation nouvelle, il n'a que le choix entre deux partie : ou bien le néologisme, s'il ne peut faire autrement, ou bien, ce qui vaut beaucoup mieux sans contredit, l'extension du sens d'un ancien vocable : Toute la question est de savoir si j'ai étendu abusivement - je ne dis pas au point de vue des définitions de dictionnaire, mais d'après une notion plus profonde des choses -la signification du mot imitation.
Les hommes ont toujours été beaucoup moins originaux qu'ils ne se flattent de l'être.
Les critiques d'art n'ont pas manqué non plus de pressentir confusément ce qu'on pourrait appeler les lois de la réfraction artistique propre à chaque peuple, à chacun de ses moments, à chaque région artistique déterminée, hollandaise, italienne, française, en peinture, en musique, en architecture, en poésie. Je n'insiste pas. Toutefois, est-ce une pure métaphore et une puérilité de dire que Théocrite s'est réfracté dans Virgile, Ménandre dans Térence, Platon dans Cicéron, Euripide dans Racine ?
C'est là l'essentiel. Connaître les causes, cela permet de prévoir parfois; mais connaître les ressemblances, cela permet de nombrer et de mesurer toujours, et la science, avant tout, vit de nombre et de mesure.
Toute répétition, sociale, organique ou physique, n'importe, c'est-à-dire imitative, héréditaire ou vibratoire (pour nous attacher uniquement aux formes les plus frappantes et les plus typiques de la Répétition universelle), procède d'une innovation, comme toute lumière procède d'un foyer; et ainsi le normal, en tout ordre de connaissance, parait dériver de l'accidentel.