Ainsi souffle la littérature en une pluie d'étoiles de sagesse.
Ce livre a une couverture très inspirée et inspirante, c'est déjà un souffle avant même cette plongée dans l'écrit.
La prestation de l'auteur dans La Grande Librairie m'a éblouie.
C'est un roman tellement nourri dont la magnificence de la langue vous happe et la construction gigogne vous intrigue, qu'il ne va pas être simple d'en faire une recension.
Roman divisé principalement en trois livres, eux-mêmes subdivisés.
Dans le premier livre, le lecteur fait la connaissance de Diégane Latyr Faye (double de Mbougar Sarr ?) jeune Sénégalais faisant partie de la « jeune garde des écrivains africains vivant à Paris », un noyau intellectuel qui ne vit pas seulement dans la littérature, ils s'interrogent, s'interpellent, et vivent d'une façon plutôt libre.
C'est dès lors le récit de récits de cette communauté haute en couleur, c'est une énergie qui fuse, l'ambition d'être reconnu par le milieu parisien et ses multiples déchirements sont mis en scène tantôt drôle, tantôt triste.
Dans cette multitude de sensations, Diégane Latyr Faye a eu connaissance d'un livre de T.C. Elimane le labyrinthe de l'inhumain (pendant imaginaire de :
le Devoir de violence de
Yambo Ouologuem), il devient possédé par l'idée de se procurer cet ouvrage.
L'Araignée-mère, Siga D. écrivaine sénégalaise vivant à Amsterdam de passage à Paris sera la bonne fée qui lui prêtera ce précieux ouvrage.
Après lecture et relecture, échange avec ses camarades il n'aura de cesse que de découvrir ce qui se cache derrière ce livre.
Le deuxième livre sera cette quête jusqu'au-boutiste.
« On cherche T.C. Elimane, et un précipice silencieux s'ouvre soudain sous nos pieds comme un ciel à l'envers. Comme une gueule sans fond. Devant moi aussi ce gouffre s'est ouvert. J'ai basculé. La chute a eu lieu…La chute… »
Une quête qui va le mener loin : mémoire de la colonisation, Première Guerre mondiale, Deuxième Guerre mondiale et la Shoah…
L'auteur n'écrit pas la biographie de cet auteur duquel il s'inspire, il va plus loin en mêlant réalité et fiction il fait oeuvre littéraire.
« Un grand livre n'a pas de sujet et ne parle de rien, il cherche seulement à dire ou découvrir quelque chose, mais ce seulement est déjà tout, et ce quelque chose aussi est déjà tout. »
Il écrit la comédie, la tragédie, la poésie et c'est en jouant habilement de ces registres qu'il plonge ses lecteurs dans les méandres de la mémoire des hommes.
Il dit ce monde à part, la Littérature, avec une ironie mordante :
« Il y avait le réel ; il y avait tout cet océan de merde dehors, et nous, écrivains africains dont le continent nageait dedans, nous parlions du Labyrinthe de l'inhumain au lieu de nous battre concrètement pour l'en sortir. »
Et finalement cette quête est-elle autre qu'une quête de soi-même dans le vaste monde où le mal, le doute, la trahison de soi et des autres est l'aventure suprême pour savoir que nous sommes chacun qu'infiniment minuscule.
C'est ambitieux dans le propos mais par le travail d'écriture, qui nous dit que ce jeune écrivain fait confiance à l'intelligence de ses lecteurs pour faire la part des débats intellectuels, du niveau d'abstraction de certaines phases, car ce n'est pas une lecture linéaire. le lecteur se laisse porter, embarquer par un suspense bien mené avec des rebondissements, une enquête cérébrale qui nous tient en haleine.
La profondeur du propos est une hymne à la littérature, car l'auteur a de vraies références, qu'il sait utiliser, ainsi il construit un pont entre Afrique et France et au-delà encore.
Des dialogues enlevés et ciselés :
« — Tu ne vois pas qu'on se ressemble comme deux demi-lunes d'une fesse ?
— Possible.
— A la bonne heure !
— Ne t'enflamme pas si vite. Toutes les moitiés de fesse ne se ressemblent pas. La raie du cul n'est pas un miroir. »
Comme les grands livres, celui-ci est inclassable car protéiforme, foisonnant et érudit, audacieux et ambitieux, sensuel et sur vitaminé, virtuose il vous narre le présent, le passé et le futur.
L'auteur n'abolit pas les frontières, il érige un pont littéraire entre les continents, sans limites et sans frontières, en un long chant d'amour à la Littérature.
En conclusion reprendre le propos d'un protagoniste :
« On ne devrait jamais approcher de trop près les artistes qu'on aime. Admirer de loin, en silence : c'est l'élégance qu'il faudrait avoir. »
©Chantal Lafon
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