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#PAI2022
OUVRAGE SÉLECTIONNÉ DANS LE CADRE DU PRIX DES AUTEURS INCONNUS 2022 – Catégorie LITTÉRATURE NOIRE dont je suis l'un des jurés.
Malgré une couverture peu engageante qui ne m'aurait pas attirée dans une librairie (mais néanmoins un résumé en quatrième de couverture qui m'aurait intéressée car prometteur), ce livre de 542 pages (en autoédition) écrit par une jeune auteure mérite le détour. Je n'ai su qu'à la fin qu'il s'agissait en fait du second tome d'une trilogie. Cela ne gêne pas vraiment pour lire l'histoire, mais il me semble qu'il eut été préférable de le signaler dès le début car, de fait, cela aurait permis d'avoir un autre regard sur les faits énoncés et de générer moins de frustration à la fin du tome.
Autre remarque préalable : bien que figurant dans la catégorie Noire du Prix des Auteurs Inconnus 2022, il me semble que ce roman ne peut être considéré comme un polar – ou alors un polar vraiment atypique ! – tant les codes du polar ne sont guère respectés et tant il mêle à une intrigue – certes sombre, mystérieuse et d'action – d'autres aspects qui en sont éloignés : du fantastique, de la romance… Un mélange des genres qui, à un moment donné, a pu gêner ma lecture : l'évocation de certaines scènes érotiques m'a bien souvent fait penser à Cinquante nuances de gris. Donc, si l'on n'est pas prévenu, cela peut surprendre et lasser !
Mes commentaires sur le fond :
Hormis ces deux aspects, j'ai suivi avec intérêt l'histoire de la petite Elora (petite fille de sept ans et demi, témoin d'un quadruple meurtre, amenée à témoigner dans un procès contre une mystérieuse et très puissante organisation criminelle) protégée par le FBI et confiée aux bons soins d'un mystérieux mercenaire, tueur à gages « l'Arlequin » (de son faux-vrai prénom Nick) qui, bon gré, mal gré, acceptera de jouer les baby-sitters temporaires en contrepartie de l'amnistie de ses crimes. En effet, lassé d'une vie passée dans la plus grande clandestinité et soucieux d'offrir enfin à sa femme une vie « normale » leur permettant à terme de fonder une « vraie » famille, il cède aux injonctions du directeur du FBI. Il ignorait alors que ce choix allait le conduire à prendre soin de la petite fille pendant plusieurs années et modifierait sensiblement son système de valeurs. Il ignorait aussi combien sa femme, en mal de maternité, allait s'attacher à cette enfant providentielle et créer avec elle un lien inaliénable.
Au fil de l'intrigue qui se déroule entre 1998 et 2003, à la fois en France (lieu où sont perpétrés les meurtres), aux États-Unis (le procès devant se dérouler à Washington) et dans tout autre endroit où l'Arlequin est amené à contrer les tueurs à gages lancés à la poursuite d'Elora, le lecteur est amené à s'intéresser à plusieurs personnages secondaires, en dehors d'Elora, Nick et Sarah, sa femme. de façon succincte : le Chef Arnaud et Soeur
Marie-Thérèse (dont on comprend après-coup qu'ils ont joué un rôle déterminant dans le tome 1 de la trilogie), Mike (agent de liaison entre le FBI et l'Arlequin qui, au contact de ce dernier, gagnera en confiance et en compétences), le Directeur Isaac (directeur du FBI dont on verra qu'il est loin d'être un idiot) ou encore la belle-mère irascible et autoritaire Emily Gilmore (qui rejette le mari de sa fille). de façon plus développée, les personnages de John et Laura (les frère et soeur dont Nick a été le protecteur et reste un grand ami), ainsi que celui d'Abigaëlle (obscure agente d'une organisation non moins obscure, petite amie non officielle de John). Autant de personnages avec des parcours et des psychologies particulièrement bien définies et relatées… et dont on verra qu'ils ont toute leur raison d'être.
C'est bien sûr sur les personnages principaux que tout repose et, en premier lieu, sur Elora aux pouvoirs extra-sensoriels étranges, amenée à les expérimenter sans bien les comprendre (on a quand même des doutes sur la faisabilité de certaines situations, mais… si l'on accepte d'emblée le caractère quelque peu fantastique du propos, on y croit). Elora qui, de petite fille quasi mutique et apeurée devient une adolescente impliquée dans la marche de sa destinée et de celle de la famille qui l'a accueillie temporairement. L'Arlequin (Nick), quant à lui, est le héros mâle par définition (bel homme, amoureux transi de sa femme, protecteur de la veuve et de l'orphelin, homme d'action aux multiples connaissances et compétences), même si ses actions ne sont vraiment pas conformes à la morale ni à la légalité. On aime d'emblée cet obscur « méchant » qui devient un marshmallow face à Elora qu'il a bien du mal à décoder et dont il a peur de s'attacher ! Sarah (la femme de Nick), quant à elle, fait figure de femme soumise et aimante par excellence, qui a accepté par amour pour lui de vivre comme une recluse. Si, parfois, elle parvient à imposer ses choix, par amour pour Elora, elle reste une personne certes lumineuse et aimante, mais néanmoins figure féminine assez fade et docile (il n'est à voir son attitude vis-à-vis de sa propre mère). Donc, un modèle de couple marié, américain, assez conventionnel contrebalancé par le couple totalement libre (et que d'aucuns trouveraient scandaleux) formé par John et Abigaëlle.
La trame narrative est particulièrement dense et les multiples flashbacks et rebondissements de l'histoire contribuent à installer et à maintenir le suspense, même si certaines digressions ou longueurs auraient pu être évitées pour donner plus de rythme à l'ensemble et avoir une action plus ramassée et percutante. Un suspense qui amène les personnages principaux vers une fin qu'on n'attendait pas et que l'on a bien du mal à accepter, d'où une certaine déception !
Mes commentaires sur la forme :
Bien sûr mon rôle de membre du jury m'impose de relever certaines imperfections formelles de l'ouvrage qui, de mon point de vue, relèvent de l'inexpérience, d'un déficit d'attention dans la relecture, et d'une volonté de vouloir trop en dire. Au niveau orthographique, bien que globalement le niveau soit excellent, j'ai relevé la présence intempestive de majuscules (ex : Directeur Isaac) ou leur absence (ex : Marines) ; l'écriture des âges ou des heures en nombres et non en lettres ; le choix d'écrire les titres de civilités à l'anglaise et non en français (Mr. au lieu de M., Mrs au lieu de Mme) ; quelques coquilles (ex : les craintes que'il pouvait nourrir, tout son saoul, au chapitre 9 une fin de phrase incompréhensible : « j'ai eu une mauvaise journée… yeux » ? ou encore « les petits Poucets » : s'agissant d'un conte, il convient d'écrire les Petit Poucet ; l'accord du participe passé avec le sujet « on » indéfini dans « on n'est pas obligées », « renouvelables à l'envie » au lieu de à l'envi, une erreur avec le mot de « plain-pied », au chapitre 19 « elle jeta son arme sur son oreille » au lieu d'oreiller, au chapitre 22 « elle ne nous aurait pas crus une seconde » il faut écrire cru, ainsi qu'une erreur de sujet et d'accord du verbe dans la phrase « il n'était pas difficile de deviner comment une agence gouvernementale emploierait les informations qu'ils lui soutireraient » il faut écrire « qu'elle lui soutirerait ; « une de ses amie, sage-femme » manque le s ; et dans les remerciements : « je les remercie de vives voix », on les remercie qu'avec une seule voix ). Au niveau syntaxique, j'ai relevé de nombreuses redites qui créent de la lourdeur (ex : la référence au prochain départ à la retraite du colonel Mareschal) ; quelques formules inappropriées (ex : j'angoisse à chaque fois…, aussi dur que de l'acier), quelques clichés (ex : « propre comme un sou neuf », « les larmes couler à flots sur ses joues »), quelques redondances (ex : les larmes couler à flots sur ses joues / dans un torrent de larmes inconsolables). Liste non exhaustive, sans doute, car j'ai bien conscience que parfois embarquée dans le flot du récit, j'ai pu ne plus voir certaines coquilles.
J'ai également regretté l'absence de traduction en note de bas de pages lorsque des propos en langue étrangère ou en latin étaient écrits dans le texte (ex : beloved, quidams, qui vis pacem, para bellum ?). de même, j'ai eu du mal avec la formule « capiche » écrite en français au lieu de « capisci » en italien. J'ai également été gênée dans ma lecture par la forme redondante des titres de chapitres : ex : « Où tout se joue sur un regard », Où l'on fait appel à l'un des talismans, etc.) qui, si elle est originale quand on l'emploie deux ou trois fois, devient lassante quand elle est utilisée quasi systématiquement. J'aurais aimé avoir la traduction en note de bas de page de la lettre de l'alphabet grec utilisée pour nommer l'agence criminelle (Omega) au moins à sa première apparition, et je n'ai pas compris la raison d'être de l'utilisation (parfois intempestive) de l'italique dans certains chapitres, même si j'ai bien compris qu'il s'agissait de l'évocation de souvenirs.
Néanmoins, sur un roman d'un tel volume de pages, de surcroît s'agissant seulement du deuxième livre écrit par l'auteure, je tiens pour finir à mettre l'accent sur les aspects très positifs de l'ouvrage : une vraie histoire est racontée (Bravo à
Alex Saeba pour sa réelle capacité narrative), avec ses flashbacks dans d'autres époques, avec ses dialogues finement ciselés, avec ses rebondissements qui créent du suspense et qui, malgré quelques longueurs, se lit avec plaisir. le style est très bon (certaines phrases m'ont séduites) et l'écriture très descriptive, très visuelle (on a l'impression de regarder un film). La physiologie des personnages est détaillée. La psychologie des personnages est parfaitement rendue, on a vraiment l'impression d'entendre la petite fille penser. le fil conducteur de l'histoire est clair (même si on ne comprend pas toujours les références à un passé évoqué dans le tome 1) et, malgré son côté fantastique, reste parfaitement cohérent.
Lors de la présélection des extraits soumissionnés, j'avais classé l'extrait 6e dans mon top 10. Il s'est retrouvé dans le top 5 après les votes des différents membres du jury. L'intérêt qu'a suscité l'extrait présenté (début de livre) s'est confirmé dans le reste de l'ouvrage, malgré ses quelques imperfections formelles. Clairement, ce tome 2 m'a donné envie de découvrir le tome 1 de la trilogie et je suivrai avec intérêt la sortie du tome 3 pour connaître enfin le fin mot de cette histoire !
Compte tenu de son caractère atypique,
SOUS LE MASQUE DE L'ARLEQUIN ne me semble pas s'adresser aux puristes du roman noir, mais bien plutôt aux jeunes générations de lectrices et de lecteurs en quête d'émotions variées à partir de thèmes (mystère, romance et fantastique) plus mixés.
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