J. Achard Peintre Paysagiste

Délicat dans sa touche, Achard ne l’est pas moins dans son coloris. Sa couleur, un peu grossière et lourde au début, s’affine avec le temps, s’harmonise et se purifie. Achard, qui était depuis longtemps un maître dessinateur, devient, à partir de 1850, un maître coloriste. Élève fidèle de la nature, il lui emprunte son charme discret, son enivrante douceur. Ennemi des brutalités, des couleurs trop vives, des rouges et des jaunes ardents, il est d’une adresse surprenante pour manier les verts et conserver leur transparence, pour faire scintiller le soleil dans les frondaisons épaisses, pour illuminer le mur d’une chaumière enfouie sous les arbres. Robuste et énergique à ses débuts, il tendra de plus en plus vers l’élégance, la grâce et la finesse de ton.

Un paysage d’Achard est presque toujours une vue assez étendue, c’est un morceau de pays. Rien n’est fictif, aucun élément étranger n’est introduit sous prétexte de noblesse ; Achard se sert avec la plus inébranlable conviction de tous les éléments, quels qu’ils soient, qui sont sous ses yeux; il n’en ajoute aucun, mais il les emploie tous.

En art le premier résultat de cet état social est la rupture des moules dans lesquels on prétendait enserrer les esprits. A l’école froide et incolore de la Révolution va succéder, soit au point de vue des idées, soit au point de vue de la forme, l’école la plus enflammée qu’il y ait jamais eu. Dans sa manifestation la plus heureuse, elle produira un des grands peintres du monde, Eugène Delacroix, comme elle aura Victor Hugo dans les lettres.

En 1835, Achard part pour l’Égypte avec un groupe de Saint-Simoniens et il y reste deux années. Les tableaux qu’il a rapportés de ce voyage sont de beaucoup supérieurs aux oeuvres de jeunesse qu’il avait produites jusqu’alors. Ce sont déjà de véritables oeuvres d’art, remarquables par la sincérité de l’observation, l’adresse de la touche, la finesse du coloris. Dès maintenant nous pouvons prévoir qu’Achard ne sera jamais un violent ni un brutal; il sera avant tout un maître sincère et adroit, transportant dans l’art du paysage la délicatesse d’un Terburg et la souplesse d’un Teniers.

Achard, dès ses débuts, c’est-à—dire dès 1828, se crée une manière qu’il conservera pendant près de vingt années, jusque vers 1847. Avant d’en analyser les modifications, il faut la caractériser dans ses traits essentiels.