Ce changement d'école, ils disaient que c'était ta dernière chance Mattieu.
Ils disaient que c'était pour ton bien, pour ton avenir.
Ils disaient que c'était la dernière école qu'on essayait.
Tu ne connaissais pas encore Nicolas, non, tu ne savais pas qu'il était malade.
Tu avais tellement peur que l'on ne s'intéresse pas à toi, que tu n'existes pas, alors tu fermais les yeux et tu refusais de voir les autres, de LE voir.
Non, tu ne savais pas. Tu ne savais pas encore de qui on parlait.
Tu entendais comme un écho bizarre la phrase du grand rouquin au nez de couperet te demandant : " - Toi aussi tu as le sida ? "
Tu n'as pas réagi, tu t'en souviens ?
Tu as mangé les trois sandwichs que ta mère t'avait préparés et tu es rentré chez toi.
- " Toi aussi tu as le sida ? "
Tu repensais sans cesse à cette phrase. Elle t'obsédait.
C'est le lendemain que tu as compris. Parce que les autres en ont parlé. On parlait de lui, de Nicolas, qu'il était malade. Ils t'ont expliqué qu'il avait le sida, qu'ils ne savaient pas comment il l'avait attrapé.
Ils disaient même que c'était malheureux, que s'il l'a attrapé, c'était pour quelque chose.
Et c'est là que tout a commencé, que vous êtes devenus inséparables lorsqu'il est entré le dernier, comme à son habitude et qu'il est allé s'asseoir sur un banc, seul, comme toi hier.
Mais tu n'étais plus seul et lui non plus parce que tu t'ai installé près de lui, près de Nicolas dont les autres avaient peur.
Ce court récit de Claude RAUCY est une véritable pépite émotionnelle.
L'auteur, qui en est également le narrateur, nous dépeint l'amitié naissante entre Matthieu au caractère bien trempé et celle de Nicolas, élève brillant, passionné, rêvant de devenir journaliste et de parcourir le monde, Nicolas condamné après avoir subi une transfusion sanguine dans un pays étranger et contracter une terrible maladie.
De cette amitié indéfectible, ce dernier va grandir en Matthieu et le faire évoluer. Tout au long de sa vie, il n'aura de cesse de réaliser le voeu que son ami désirait tant, afin d'honorer sa mémoire et de lui rester fidèle à jamais.
Cette lecture m'a profondément bouleversée. Il y a très longtemps que je n'avais pas lu un récit d'une telle envergure, dans laquelle s'invite une part de poésie, si chère à Claude Raucy.
Je classe " Fous pas le camp Nicolas " dans la lignée " Les demeurées " de Jeanne Benameur, des bijoux de lectures qui résonneront longtemps en moi...
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Les autres parlaient parfois de leur grand-mère. Tu te souviens que çà te faisait chaque fois un peu mal. Parce qu'ils en parlaient comme d'un beau rêve. Comme d'un conte de fées. Des grand-mères de comtesse de Ségur. Elles avaient toutes des gestes tendres et des indulgences sans limite. Elles ouvraient les bras à toutes les bêtises, à toutes les erreurs. Mentaient-ils tous ? Pourquoi te disaient-ils que les grand-mères n'avaient jamais que des mots d'amour pour leurs petits-enfants ?
Tu n'es jamais parti Nicolas
Tu ne pourras jamais quitter nos rives
Les paquebots bleus des rêves ne font jamais naufrage
Ils font relâche sur des îles tranquilles
Voici pour toi les abricots rouges de l'amitié
Les oliviers timides de la tendresse
Voici pour toi Nicolas les collines mauves
Les soirs éblouis d'étoiles
Les escalades éternelles
Les goélands
La terre est si belle
Les yeux des filles sont tant de sources
Les mains des gars sont des barques
Reste avec nous
Fous pas le camp Nicolas
Dans le bureau de la secrétaire, tu ne connaissais pas encore Nicolas. D'ailleurs tu ne connaissais personne qui s'appelle Nicolas, sauf le saint naturellement, ce saint auquel on ne t'avait jamais fait croire, au nom d'une laïcité qui méprisait les dogmes et les supercheries de la foi. Saint Nicolas, c'est papa et maman ensemble. Ou papa et maman séparés. Ou papa tout seul, quand maman était partie à un congrès. Ou maman toute seule, quand papa oubliait. Ou personne, quand les deux oubliaient.