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sur 1333 notes
Déçue, déçue ... je suis amèrement déçue, car je m'étais fait une fête de partir en Alaska sur des bateaux de pêche dans la peau d'une femme libre et courageuse.

Rendez - vous littéraire complètement raté, et je l'ai su dès les premières lignes du roman :
parce qu'une phrase à rallonge dans une langue oralisée m'a coupé la respiration,
parce que des phrases longues très longues s'articulent avec d'autres dignes d'un enfant de cinq ans,
parce que le roman rédigé au présent ne contient pas de compléments circonstanciels temporels, signes d'une antériorité ou d'un futur à venir,
et j'en passe.
Oui, c'est en premier lieu le style de Catherine POULAIN qui m'a offusquée, mais j'y reviendrai.

Dans cette autobiographie "romancée", Lili, le double de l'auteure quitte, comme elle, Manosque-les-Couteaux où elle se morfond pour aller pêcher en Alaska. Ce petit bout de femme parvient à se faire embarquer sur un bateau de pêche, le "Rebel". Au milieu des hommes qui boivent comme des trous et fument comme une caserne de pompiers, elle apprend vite, et souffrent aussi beaucoup.
Quand elle revient à terre, elle nous raconte la clandestinité et toujours l'alcool, la défonce...les piaules misérables, la malbouffe.

La seconde partie sera consacrée à Jude, "Le grand marin". Lili et lui s'aiment dans la sauvagerie qui seule vaut le coup que la vie soit vécue ! Mais que choisir entre l'amour de l'océan et l'amour de l'autre ?
Cette fascination pour celui qu'elle nomme le grand marin est peut-être la partie la plus travaillée... on parvient mieux à situer les actions et récolter quelques ressentis. J'ai bien dit "quelques", pas "les".

Pour l'héroïne Lili le reste du monde semble peu à peu fade, l'ennuie à en devenir folle. La pêche se révèlera avec l'ivresse du danger, la recherche d'une forme de folie aussi, d'existence qui met à distance ce qu'on est. Dépasser sa pâle condition humaine se révèle alors la seule solution. " On a la sensation, extrêmement additive, d'être à nouveau libre, vivant, maître de son existence. Mais choisit-on vraiment ? C'est aussi une chimère. " (Magazine LIRE mars 2016).

Que de plaisir à résister, à se battre toujours plus, contre les roulis, le froid, la fatigue, la colère des hommes quand tout se déchaîne sur le pont du bateau. Son corps exulte à repousser sans cesse ses propres limites, et il y a là une matière évidemment passionnante, si on la traite avec une vraie écriture ; car la façon dont elle a raconté son sujet ne m'a pas convaincue. Ce n'est pas le fond du roman qui pêche (je ne pouvais pas l'éviter !), il est éminemment passionnant, car Catherine Poulain nous raconte ceux dont on ne parle jamais, et nous conte une fuite vers l'abîme déroutante. C'est la forme choisie pour ce livre que je lui reproche.

Je ne reconnais pas du tout ce roman dans le "souffle littéraire" dont certains chroniqueurs nous ont parlé. D'autres ont été plus dubitatifs. Comme moi.

Une structure chaotique, pas d'espaces pour reprendre son souffle, une langue irrégulière (en de très courts moments elle est se saisit d'une forme de poésie pour quelques lignes plus tard reprendre un style creux et dur à la fois), une absence de contextualisation, de temporalité ... ont rendu ma lecture extrêmement pénible. Mais comme un marin - pêcheur sur le pont, j'ai tenu bon la barre.

Finalement son roman ressemble à des notes prises pendant des années et mises bout à bout. Son roman n'est en aucun cas un exercice de style puisque la qualité de l'écriture n'est pas une priorité : seuls comptent les faits (et leur force), l'accumulation.

Je pense cependant qu'on peut très respectueusement écrire sur les travailleurs, les "petites" gens, rendre palpables leurs gestes, leurs états sensitifs, émotionnels sans passer par un charabia écrit comme celui qui nous a été donné de lire.

C'est certes un livre unique, pour l'aventure incroyable d'une femme hors du commun, mais encore aurait-il fallu l'écrire réellement pour témoigner lisiblement de ce qui se vit là-bas.


Lien : http://justelire.fr/le-grand..
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Lili est en fuite: elle fuit Manosque-les-couteaux. Un événement qu'on devine violent, douloureux, la chasse vers la mer.

L'Alaska et la grande pêche- la morue, le flétan- l'attendent pour une aventure au bord du monde, au bout de tout. The Last frontier.

Kodiak, c'est le nom du port de pêche des ultimes embarquements. Là que se retrouvent marins sans navire, skeepers sans équipage , fous de pêche, alcooliques en rade, bums, et desperados.

Peu de femmes. Des barmaids et des femmes d'escale. Et parfois des femmes de mer. Des affamées de vent, de houle, de tempêtes et de mouettes criardes.

Lili.

Petite runaway , Lili est maigrichonne. "Moineau" comme ils l'appellent, à bord - les joues recuites de vent et de soleil comme une indienne, toute fragile, pleine de larmes et de rires qui sortent d'elle en désordre au gré des émotions- et pourtant si forte, si dure à la douleur- la main percée et empoisonnée, la côte cassée, la jambe douloureuse- son corps menu est une blessure qui lentement s'endurcit, se cautérise, se noue de forces nouvelles, tressées serré comme les brins d'une drisse..

Car elle veut faire sa place sur le Rebel : elle dort par terre dans son duvet mouillé, love les cordages avec soin, vide les poissons jusqu'à la nausée, mange leur coeur cru et palpitant comme une barbare, court sur le pont mouillé sans perdre l'équilibre, lutte contre les rafales, écarquille les yeux tout grands quand elle fait son premier quart... Elle n' est encore qu'une bleue..sur les bateaux on dit "green".

Elle s'amarine.

Avec les hommes du bord, il ne faut pas attirer sur elle les regards, les gestes supérieurs ou irrespectueux, mais gagner leur estime, mais gagner leur confiance, mais gagner la rude place de compagnon de bord ou de bordée. Savoir remonter sans encombre une palangre où frétillent les morues, mais aussi savoir descendre bières ou whiskies sans sourciller quand , la pêche finie, les marins partent en virée dans les bars pour "repeindre la ville en rouge".

Ne pas se laisser troubler non plus par les regards fauves de l'homme-lion, le "grand marin" du titre, ce Jude plein de blessures et de souffrances secrètes, qui peut bien gagner son cœur, posséder son corps, mais jamais aliéner cette folle liberté que la mer, la pêche et la rude vie de marin lui donnent comme un cadeau royal - avec la solitude magnifique qui l'accompagne.

Le grand marin est un livre unique: une femme y vit une aventure d'homme, sans perdre pour autant sa féminité ni sa fragilité, ni sa capacité d'aimer.

La passion de la mer la dévore , la mutile et la forge. La passion de la pêche lui donne une famille, un statut, une place, mais largue pour jamais ses amarres.

Lili ne pourra jamais attendre un homme dans une maison, comme une "petite femelle", elle n'ira même pas le rejoindre dans un port plus clément, et le grand marin, lui, n'aura pas la patience de l'attendre.

La mer et la grande pêche ont fait d'eux d'éternels vagabonds des mers, heureux seulement dans le balancement des vagues, au milieu des cris d' oiseaux, des écailles sanglantes et des éclats argentés des grands poissons.

Se lit sans modération, comme boivent les marins, pour oublier qu'ils sont à terre.

Il y a , c'est vrai, des longueurs, des redites, et la fin se perd un peu dans les brumes et les remous...mais c'est comme un navire qui chercherait sa route dans les tempêtes et, qui, faute de cartes, s'abandonnerait au vent pour le pousser loin des côtes dangereuses...

Une goulée d'air salin, une claque ébouriffante, une rencontre époustouflante.

Elle est grande, la petite Lili...
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Il y a des embruns et du ressac dans ce petit livre autobiographique écrit par Catherine Poulain, une tranche de dix ans de sa vie. Il y a quelque chose qui nous chavire parmi l'odeur des morues qu'on éviscère et le vertige des grands larges.
Le grand marin est un livre violent. Il y a la violence de l'océan et puis celle des hommes aussi. Leurs cris, leurs gestes, leur rage, l'alcool… Ce livre ne nous laisse jamais en paix, même lorsque nous descendons à quai. Nous avons encore le coeur qui tangue.
On ne sait pas pourquoi Lili s'en va un jour, referme à double tour la porte de sa maison de Manosque, lui tourne le dos, quitte sa vie, on ne sait pas ce qu'elle fuit, ce qu'elle laisse derrière elle, mais au fond ce n'est pas très important. Lili n'a qu'une seule obsession : rejoindre Point Barrow, le point le plus septentrional de L'Amérique.
Elle se retrouve donc loin de chez elle, au fin fond d'une île au large de l'Alaska, rejoint un équipage, embarque à bord d'un bateau de pêche, un palangrier, nommé le Rebel, tiens donc…
Le livre est ténu dans ce petit corps de femme, frêle comme un moineau, qui tente de tenir debout contre vents et marées dans ce monde d'hommes, fait pour les hommes, où elle tente de trouver sa place.
Que cherche-t-elle à prouver, Lili ? Rien. Et puis cela aurait pu être en montagne ou dans le désert. Ce fut la haute mer. Ce fut à bord d'un bateau de pêche au large de l'Alaska. Il fallait fuir au plus loin, se frotter à un monde rude et hostile et elle va être servie. Ce monde ne lui fait pas de cadeau. Surtout parce que c'est une femme.
Mais Lili s'accroche, ne cède jamais, quitte à se mettre en danger. A bord du Rebel, elle connaît les pires rebuffades. Rien ne lui est épargné.
Les hommes sont forts, parfois cruels, mais ils sont cabossés, dehors et dedans. Lili le devine, le sait, le voit peu à peu. Ces hommes finissent par devenir sa famille d'adoption…
Il y a de très belles descriptions dans ce récit. Les grands espaces de la mer inspirent aussi à l'auteure des phrases très poétiques, au bord du lyrisme, lorsqu'elle pose son regard plus loin que le gréement.
Et puis c'est une histoire d'amour. Les histoires d'amour de ces marins sont fortes et amochées, un peu comme eux. Il y a Jude, le capitaine du Rebel, dont Lili tombe amoureuse. C'est lui le grand marin, celui qui voudra plus tard lui offrir une autre vie, mais Lili a pris goût au grand large. Plus question désormais de poser pied à terre, ce serait renoncer…
Autant le dire sans ambages, l'intrigue de ce récit tient sur pas grand-chose et pourtant l'histoire de ses personnages, celle de Lili, nous emportent comme par magie. La force d'un livre, c'est d'être dedans, le temps de sa lecture et parfois aussi après, même si on n'a pas le pied marin. Une fois refermé le livre, je ne saurais dire ce que j'emporte vers mon grand large à moi et pourtant j'en retire une saveur salée comme la mer, un léger vertige comme après avoir posé le pied sur un ponton qui tangue, un éclat de lumière qui reste comme un écho dans les yeux après que le soleil a basculé de l'autre côté de la terre et du ciel.
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J'ai trouvé ce livre très décevant. Il dépeint l'aventure d'une héroïne fuyant son milieu d'origine et prête à tous les excès pour se faire accepter par une nouvelle famille, celle des pêcheurs en Alaska. Voulant faire ses preuves dans ce milieu d'hommes, elle surpasse en brutalité ses propres coéquipiers que son fanatisme effraie ou écoeure souvent (elle est surprise mangeant les laitances crues des poissons encore vivants). Celle qui se dépeint elle-même comme une "tueuse" (sans doute un terme du métier) semble tuer pour le plaisir, alors que les hommes de l'équipage le font par nécessité, et c'est bien là le problème. Elle pratique l'obéissance aveugle et la surenchère forcenée. Elle m'a fait penser à un légionnaire frénétique et sadique qui se jetterait dans la guerre pour fuir les mâchoires hérissées et sanglantes d'un passé prêt à se refermer sur lui . Cela aurait pu être un beau thème, mais il y manque l'éclair de conscience qui aurait transformé cette histoire glauque en odyssée.
Le style, fait de phrases courtes, parfois télégraphiques est très en accord avec le thème dont il accentue les effets. C'est pour cette adéquation réussie que j'ai mis une étoile à cet ouvrage.
Moby Dick n'a pas de souci à se faire, il est toujours un phare du genre et ce n'est pas "Le grand marin" qui le détrônera.
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Embarquée seule femme à bord au milieu de marins rugueux, Catherine Poulain invite au voyage et à prendre le large : une expérience incroyable et dangereuse qui porte haut les sentiments de fraternité et d'amitié.

J'ai commencé cet embarquement en mode passion, par un grand vent d'enthousiasme avec ce petit bout de femme têtue et volontaire. L'accompagner dans sa première saison de pêche a été un vrai calvaire par procuration. On gèle avec elle, on souffre, on s'écroule de fatigue, on carbure au café...
Mais quelle idée, une vie pareille !

Et puis peu à peu je me suis encalminée, car cette société de gens de mer, décrit avec une grande tendresse par "le moineau" m'a fait un peu tourner en rond dans leurs sempiternelles beuveries et soûleries de géants.
Le mode bourru a ses limites et si je salue la performance d'une femme dans un monde d'hommes, il y a peu à raconter en dehors des sorties en mer, pour le coup magnifiquement visuelles.

Au fil des quarts de nuit pour éloigner le sommeil, Catherine Poulain noircit des carnets pour obtenir cet étonnant livre d'aventures extrêmes, modelant un autoportrait de femme indomptable, éprise de liberté et rétive à toutes formes de chaînes, et certainement pas à celles de son grand marin.

Et si une seconde chose est à retenir, c'est la naissance d'un écrivain: une plume poétique, sensorielle, mettant le lecteur en état de grâce devant la mer, le ciel, les mouettes et les paysages de l'Alaska dans toute leur brutalité. le doigté sans pareil pour rendre palpable une atmosphère, la sensibilité à fleur de peau et la sérénité dans la narration donnent un ton très personnel à ce premier livre.

Même si ce n'est pas le coup de coeur attendu, c'est pour moi un livre remarquable au sens premier du terme.
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Une fois n'est pas coutume, j'ai assisté à une rencontre avec l'auteur avant d'avoir lu son livre. Rencontre passionnante devant un parterre de lecteurs visiblement impressionnés par le décalage entre la petite bonne femme qu'ils avaient devant eux et le parcours musclé qui a fait sa vie et inspiré ce roman. Impossible après cette heure passée à écouter le récit de ses aventures, d'une petite voix fluette mais attachée à bien choisir ses mots, de ne pas avoir son image imprégnée sur la rétine pendant la lecture. Une lecture haletante, une plongée dans ce que la nature a de plus brut et certainement de plus beau dans sa confrontation avec l'homme (et la femme).

D'une écriture sobre, parfois hachée, presque haletante, Catherine Poulain nous offre un magnifique bol d'air empreint d'une sorte de poésie des grands espaces. On ne saura jamais exactement pourquoi Lili a fui un jour Manosque-les-Plateaux, qu'elle appelle Manosque-les-Couteaux et dont l'ombre continue à planer longtemps sur elle. Un départ soudain, une seule envie : aller au bout du monde. Direction l'Alaska, The last frontier, les ports et les bateaux de pêche, un monde d'hommes, un monde rude où l'on se mesure aux forces de la nature, où l'on se noie de fatigue pour oublier ce que l'on a à oublier. Peu à peu, Lili se fait sa place, endurant les douleurs les plus intenses, ne se préoccupant ni de son confort ni de sa santé, une envie tenace chevillée au corps, celle d'être adoptée par ce milieu de marins rugueux. Ici, tous ont un jour tout abandonné pour se confronter aux exigences de ce territoire qui ne ressemble à aucun autre.

Catherine Poulain a tout noté. Des tas de carnets dans lesquels la jeune femme a consigné jour après jour son long apprentissage du métier, des hommes et de la mer. Voilà pourquoi elle parvient à nous projeter sur ces bateaux, brutalement, crument avec une force picturale magistrale. le corps à corps avec les flétans, les lourds casiers à manier, les mains dans les chairs et le sang des poissons, les odeurs, la promiscuité, la souffrance, l'épuisement salvateur. C'est d'une beauté incroyable dans la sauvagerie.

Et au milieu de ce chaos, une jeune femme se construit, s'émancipe, revendique sa liberté et se bat pour la conquérir. Comme un homme. Elle gagne une forme de respect mais également de tendresse bourrue de la part de ses camarades de labeur. Mais elle n'a que faire d'une éventuelle protection, Lili, elle ne veut que pêcher, se mesurer sans cesse à de nouveaux défis. Ses jambes sont désormais solides, des jambes de marin bien campées sur le pont. Et ses mains... En lisant, je repense aux mains de Catherine Poulain qui m'ont fascinée pendant que je l'écoutais. Des mains qui racontent, larges, couturées, striées. Elles disent à elles seules le combat mené chaque jour.

Le grand marin est un roman d'amour aussi. L'auteure parvient à dire les sentiments avec une belle simplicité qui concourt à leur donner encore plus de force. On est loin des apprêts de la vie citadine, ici même les sentiments sont bruts. L'ennui, la fatigue, l'alcool qui réchauffe les coeurs et les corps... et puis cette amitié virile qui consolide tout.

Le plus impressionnant avec ce livre, c'est la façon dont on ressent comment Lili/Catherine fait corps avec la nature. C'est la force de cette écriture qui mêle sincérité et passion et qui parvient à vous transporter dans un autre univers. Pourquoi pas jusqu'à Point Barrow ?

"L'île a refermé sur moi ses bras de rochers noirs. L'anse verte des collines me domine, silencieuse et nue. Les épilobes en fleur ondulent comme une marée mauve. L'ombre d'un marin qui s'est couché sur moi ne m'a pas quittée lorsque lui est parti sous cette pluie très douce, sur un ferry blanc dans la nuit très noire. Elle marche avec moi quand je traîne la patte dans ces rues peuplées de grands hommes bottés qui vont d'un bateau à l'autre, puis d'un bar à l'autre, en tanguant, et s'en retournent vers la mer de leur pas balancé et souple."

Ouvrez le grand marin, respirez, accrochez-vous et laissez-vous emporter... Vous ne le regretterez pas.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Roman largement autobiographique si l'on en juge par la trajectoire de Catherine Poulain. Mais rien à voir avec un simple témoignage sur ses dix années de pêche en Alaska.L'auteur nous entraîne dans une aventure romanesque qui nous exalte, nous émeut et ne nous laisse pas une minute de répit tant elle sait mettre en scène et nous faire partager les situations extrêmes qu'elles a vécues avec ses compagnons de pêche : Jude, Jesse, Simon, Ian et les autres... Des personnages fascinants, à la fois héros épiques d'un combat dantesque, prométhéen contre les éléments déchaînés : "Jude se tient devant les flots bouillonnants, campé sur ses cuisses drues, reins bandés, le corps tout entier tendu vers l'urgence, la mâchoire dure, serrée, le regard fixé sur la ligne, bête folle monstre marin, hérissé de milliers d'hameçons." mais aussi anges déchus fuyant une vie de galère marquée par la drogue, l'alcool : "Tom, un soir (qu'il) était rentré défait encore, hâve, pantin prisonnier de sa pauvre carcasse, soudain écoeuré par sa vie à terre, les bars, la dope, cet appel furieux à sortir de soi-même pour le déséquilibre, la folie..."
Tous vont chercher sur la mer et le navire sur lequel ils naviguent le Rebel, un refuge, peut-être un substitut du ventre maternel et de la vie intra-utérine comme en témoigne Lili, la narratrice : "La vague est en moi. J'ai retrouvé la cadence, le rythme des poussées profondes qui passent de la mer au bateau, du bateau vers moi." Tous sont en quête d'un sens de la vie qu'ils ont perdu ou jamais trouvé. Tous ont la nostalgie de ce "vert paradis des amours enfantines" : "J'ai grandi dans les bois, tu sais. C'était beau."
Mais voilà cette quête éperdue de bonheur est aussi un combat de vie et de mort comme en témoignent les scènes de pêche écrites dans une langue âpre, qui donne à voir et à sentir peut-être jusqu'à l'écoeurement pour certains, les affres de ce combat entre l'homme et l'animal :"La bête se débat et se cabre. Ils ahanent et parviennent à la coucher sur la table. La bête se bat encore. Les coups de queue sauvages nous éclaboussent de sang."
Et l'on comprend aussi pourquoi Lili la narratrice et ses compagnons, une fois qu'ils ont quitté le bateau et ce "grand shoot" du large, se retrouvent comme orphelins et retournent à leurs vieux démons en faisant la tournée des bars.
Est-ce pour autant un livre désespérant ? Pour moi non. Même si l'on est bien souvent au bord du gouffre avec la narratrice : "Des ombres autour de moi remuaient avec le vent. Des arbres morts. J'avais peur. le roulement de l'océan semblait s'être amplifié avec la nuit. le ciel s'ouvrait comme un gouffre." il reste l'amour insensé qui va naître entre elle et Jude et leur projet tout aussi insensé d'un "ice cream baby". Restent aussi la solidarité, la tendresse qui existe à certains moments entre tous ces cabossés de la vie.
Comment ne pas souhaiter à Catherine Poulain de délaisser de temps en temps ses brebis et ses plants de vigne pour nous offrir d'autres romans comme celui-là.
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Premier roman de Catherine Poulain qui a commencé à voyager très jeune.

Elle a été :
- employée dans une conserverie de poissons en Islande et sur les chantiers navals aux U.S.A.
- travailleuse agricole au Canada,
- barmaid à Hong-Kong,
- a pêché pendant 10 ans en Alaska,

Elle vit aujourd'hui entre les Alpes de Haute-Provence et le Médoc, où elle est bergère et ouvrière agricole.

Quelle femme, quel parcours, quelle aventurière, quelle force aussi et quel courage.

Et quand on a fini son livre on découvre au fil des pages un hommage à tous ces marins qui ont une existence si dure et si rude ; où l'entraide, la solidarité, le travail jusqu'à l'épuisement à bord de ces bateaux qui s'en vont pêcher la morue noire, le crabe, le flétan en supportant l'humidité permanente, le sel qui ronge la peau, la fatigue, la peur, les blessures, l'amour d'un métier terriblement difficile mais addictif.

Prendre le large, toujours et encore puis traîner dans les bars en attendant le réembarquement.

Un vibrant hommage à tous les pêcheurs,

Un hymne à l'Océan.
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Ah lala !!! Quelle plongée merveilleuse chères et chers Babeliaunautes !
Une grande houle s'est levée dans mon canapé, transportée !
mais jamais éclaboussée...L'Alaska, plein vent, pleine mer.
Une femme qui a tout plaqué, ..s'est enrôlée sur un chalutier, océan déchaîné, pour pêcher la morue.
Emportée par tant de force dans le style, que de phrases, vagues puissantes ! Des syncopes et du rythme !
Soulevée comme une coquille de noix dans cette aventure de l'extrême !
Je tanguais, cette expédition, cette femme un cyclone d'énergie,
Un "martin pêcheur" face aux déferlantes, avec des hommes âpres et rugueux, elle doit faire sa place, se confronter à ses propres peurs, aux éléments, d'un caractère trempé, des sentiments exaltés,flirtant avec la mort
Pour résister pour affirmer sa liberté,
Le sel de la vie...
La fureur de vivre,
Le raz de marée qui donne l'envie de partir...

Un roman magnifique, une ode à la vie , une écriture d'intensité " tsaunamistique "..l'un de mes coups de coeur ! A partager!



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Une vraie baroudeuse, voilà qui est Lili. Elle est partie, a laissé la France derrière elle, a fui le plus loin qu'elle a pu, avec l'idée de se rendre en Alaska pour y pêcher et surtout se rendre à Point Barrow. Son rêve.

Elle est partie sans rien, Lili. Elle veut en découdre Lili. Et cela ne va pas manquer. Elle erre sur le port à la recherche d'un bateau qui voudra bien l'embaucher. Elle embarque sur le Rebel, pour le meilleur et pour le pire.

A c'est sûr, on est loin de la « croisière s'amuse ». Rien à voir. Au milieu d'un équipage uniquement d'hommes, Lili va devoir se faire accepter. Elle ne chômera pas Lili. Elle s'attirera même le respect des hommes. Mais à quelle condition ? En tout cas, à aucun moment Lili ne regrettera ses choix. Il en faut du courage pour accepter les conditions de vie qu'elle aura Lili. Elle est libre Lili, mais elle est prête à en payer le prix.

On y rencontre aussi des hommes durs, attachants, en déroutes qui ont fui leur passé, qui donne leur vie à la mer, vie qui part en « c… ». On va entrevoir leurs dérives, leurs désespoirs.

Une fois les pieds sur terre, ils tournent en rond, errent. Ils ne savent pas quoi faire de leur carcasse. Alors, ils boivent, se droguent… Jusqu'au prochain départ.

Une aventure du 21ème siècle.

Et puis, il y a le Grand Marin.

Beaucoup de pudeur dans ce livre. On ne saura rien de la vie de Lili avant l'Alaska. Juste un brin d'ébauche.
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