Quand j’écris le premier vers…
quand j’écris le premier vers
j’ignore tout du deuxième
j’allais dire du second
voici déjà le quatrième
la quatrain c’est le second
il n’y a pas de troisième
les tercets bientôt viendront
si le courage m’entraîne
et je commence un tercet
mû par la nécessité
d’aller au bout du sonnet
au fond ce n’est pas chinois
n’importe qui a le choix
de pratiquer comme moi
c'est un chat mourant qui m'observe
il me demande guéris-moi
toi l'homme à qui j'accorde foi
il ne suffit pas de m'aimer
à ta façon un peu distraite
tu devrais pouvoir me soigner
si tu étais ce dieu des bêtes
que certains disent que tu es
et je lui parle doucement
maintenant au-delà des ans
il est compagnon de mes veilles
il est présent quand je m'éveille
et je suis certain qu'il m'attend
quelque part dans un creux du temps
que l'on s'habitue à tout
le prétendre est trop facile
on ne s'habitue à rien
on furete comme un chien
a la campagne à la ville
on cherche le bon atout
qui donnerait sens au jeu
on a beau se prendre en main
comme on dit c'est un enjeu
dont on ne voit pas la fin
pour abattre son atout
il est toujours bien trop tard
on se perd dans le bazar
où pourrit le quotidien
j'invite les gens sérieux
à demeurer sur le seuil
mon cerbère tient à l'oeil
ceux qui tenteraient d'entrer
dans cette bicoque où seul
j'autorise à glisser
quelque vieux clown au chômage
ou bien un gamin trop sage
qui rêve de s'envoler
pour connaître les étoiles
et le spectacle est gracieux
le chat l’unique élu…
le chat l’unique élu
du dieu de l’immanence
on le trouve assis
sur le manuscrit perdu
il le quitte la nuit
pour nourrir sa mémoire
en flânant dans les rues
il est maître du temps
il explore les lieux
qui sont toujours nouveaux
et l’herbe des talus
que défroisse la lune
Il ne convient rire des mots…
il ne convient rire des mots
mais les aimer pour ce qu’ils sont
des écureuils des hérissons
d’autre bizarres animaux
qui dans le beau monde n’ont pas
de nom mais en langue verna-
culaire en ont de rigolos
alors on peut rire des mots
et les aimer en même temps
leur donner à manger du son
à boire du pinot beurot
à respirer le vent d’antan
et les vêtir de calicot
et puis leur chanter des chansons
le bonheur était au grenier…
le bonheur était au grenier
paré de toiles d’araignées
par la lucarne entrait la lune
et le frisson par l’escalier
on avait peur d’être surpris
par un fantôme ou bien par une
grand-mère folle au regard gris
la bougie s’éteignait la lune
glissait sur un meuble branlant
nos mouvements devenaient lents
pendant que nos cœurs palpitaient
l’un de nous ouvrait la lucarne
sur les mystères de l’été
qui nous déléguaient la lucane
le chat c’est un pèlerin…
le chat c’est un pèlerin
qui explore à l’infini
des espaces sans mesure
où nous n’avons pas accès
les contrées imaginables
ne sont pour son œil vivant
que domaines sans surprise
il voit d’autres univers
où la lumière caresse
des ombres furtives toujours
et les matins renouvellent
un monde habité sans cesse
de miracles dorés
tu te crois proche de l’extase…
tu te crois proche de l’extase
mais le ciel ne dévoile rien
sinon ce vide que tu crains
C’était au temps de la Hollande…
c’était au temps de la Hollande
la Mer du Sud était au nord
les vaches paissaient sur les bords
les canaux traversaient la lande
on se roulait dans la bruyère
le temps passait sans effacer
aucune image de la terre
ni de la mer ni du passé
dans la nuit noire on voyait clair
les heures du jour étaient lentes
et la pluie n’était pas amère
nous avions l’amitié des plantes
la foi de l’étoile polaire
et des yeux qui jamais ne mentent